Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

que

le, ne fe rebuta pas pour n'avoir pas réüffi la premiere fois que cette affaire avoit efté proposée. Il tira parole de la Reine, s'il pouvoit trouver quelque expe dient pour la levée de l'Alcabala qui allât au foulagement du peuple, & remediât aux abus qui en naiffoient fans préjudicier à fes Finances, elle l'embrafferoit volontiers, & le feroit paffer au Confeil d'autorité abfoluë, s'il n'y vouloit pas confentir. Ximenez en confera avec Jean Lopez le plus habile Financier qui fût alors dans toute la Caftille; ils tour- 1.3.c.30. nerent ensemble cette affaire de tant de manieres, qu'ils trouverent enfin l'expedient qu'on cherchoit depuis fi longtemps.

Il confiftoit à faire fur les comptes des Receveurs de l'Alcabala une fupputation exacte de la fomme totale à laquelle il pouvoit monter, & des fommes particulieres que pouvoit produire ce qu'on levoit fur chaque Ville, & fur chaque Communauté. Cette fupputation faite, Ximenez fit fon projet : Il portoit que dans chaque Ville tous les Corps des Marchands s'affembleroient ; que chacun fe taxeroit à proportion de fon commerce, en forte que toutes ces taxes particulieres produififfent la fomme qu'on

* Zurita

avoit coutume de lever; Que les Artifans, & generalement tous les gens de trafic en feroient de mefme ; & que pour ce qui regardoit les Bourgeois, & le refte des habitans des Villes & de la campagne, ils pourroient racheter l'Alcabala en payant une fomme qui feroit reglée fur les particuliers à proportion des moyens d'un chacun, & qu'elle feroit enfuite levée de la maniere la moins onereufe qu'il fe pourroit de l'agrément de la Reine & de fes fucceffeurs. Ce projet portoit encore que le recouvrement de toutes ces fommes feroit fait par les Receveurs & Contrôleurs ordinaires du Domaine, moyennant une mediocre augmentation de gages, & qu'elles paffe roient de leurs mains immediatement au Tréfor Royal.

Il eft certain qu'en executant ce projet le Trefor du Prince n'y perdoit rien, & que l'on évitoit tous les inconveniens qui avoient rendu ce tribut fi onereux aux peuples de Caftille & de Leon : les Marchands n'eftoient plus obligez à faire des declarations exactes, qui donnoient trop de connoiffance de leurs affaires, ni réduits à en faire de fauffes, qui les expofoient tous les jours à une infinité de faux fermens; ils eftoient délivrez des faifics

& des amandes qui eftoient les fuites ordinaires des contraventions veritables ou fuppofées; des vifites de leurs boutiques & de leurs magafins que les Commis faifoient toutes les fois qu'il leur en prenoit fantaisie, & generalement des vexations & des avanies aufquelles ils eftoient tous les jours expofez par l'avarice des Alcabaliftes. Les Bourgeois & les Artifans & generalement tous les habitans des Villes & de la campagne, y trouvoient les mefmes avantages.

Cependant Ximenez n'en demeura pas là: Il porta fon projet plus loin ; & ayant examiné avec fon exactitude ordinaire jufqu'où pouvoient aller tous les ans les gages des Officiers, & generalement tous les frais qu'il falloit faire pour la levée de l'Alcabala, il en conclut que ces Officiers eftant fupprimez, & ces frais retranchez [ comme en effet c'eftoit une fuite de fon projet ] l'on pouvoit reduire cet impoft à la moitié de ce que l'on avoit coutume d'exiger, c'est à dire fe contenter d'un vingtiéme au lieu d'un dixiéme ; ce qui eftoit d'un grand foulagement pour le peuple, fans que les Finances de la Reine en fouffriffent aucune diminution.

Jean Lopez eftoit du fentiment qu'il

ne falloit pas porter les chofes plus loin; mais Ximenez qui fouhaitoit paffionnément le foulagement du peuple afin de se l'acquerir, & de pouvoir en cas de befoin l'opposer aux Grands, prétendit le contraire: Il foutint que c'eftoit une fuite neceffaire du projet, que l'impoft dont il s'agiffoit ne pût eftre augmenté pour quelque raifon que ce fût ; qu'autrement l'on retomberoit infailliblement dans les inconveniens & les vexations qu'on prétendoit éviter ; Que c'eftoit le moyen infaillible de faire fleurir le commerce, le trafic, & les Arts, & de porter les habitans à bien cultiver les terres, & à en défricher de nouvelles, puis qu'à l'avenir ils ne travailleroient que pour leur compte, & ne feroient pas obligez de partager les profits qu'ils pourroient faire: Enfin il ajouta que fi le Trefor Royal fembloit perdre quelque chose à la fixation de l'Alcabala, en accordant qu'il ne pourroit eftre augmenté, il en eftoit dedommagé, en ce que Sa Majefté Catholique declareroit qu'il ne pourroit eftre diminué; qu'ainfi fi elle ne profitoit pas de l'augmentation du commerce, & des autres chofes fur lefquelles l'impofition avoit cfté faité, elle ne perdroit rien non plus à leur diminution. Ximenez

ayant ainfi redigé fon projet, le porta à la Reine, & fçut fi bien fe prévaloir du pouvoir qu'il avoit fur l'efprit de cette Princeffe, qu'elle l'agrea, & lui confir ma la parole qu'elle lui avoit donnée de le faire paffer au Confeil.

L'affaire y fut portée quelques jours aprés. Ximenez en qualité de Chancelier de Caftille fit la propofition de fon projet, & l'appuya avec tant de force,qu'il eftoit aifé de juger qu'il s'eftoit fait un point d'honneur de le faire paffer. Les plus politiques de l'Affemblée penetrerent auffitoft, qu'eftant l'homme du monde qui fe commettoit le moins, il ne fe feroit pas déclaré fi ouvertement, s'il n'avoit efté affure du confentement de la Reine; ainfi jugeant bien que l'affaire pafferoit nonobftant leur oppofition, ils crurent qu'ils devoient fe faire honneur d'approuver le projet de Ximenez.

Les Ducs d'Alve & de l'Infantade n'eurent pas la mesme complaifance, soit qu'eftant ennemis particuliers de Ximenez ils fe fiffent un plaifir de le choquer, ou que ce fuffent en effet leurs veritables fentimens Ils reprefenterent que toute innovation en fait de gouvernement eftoit dangereufe; Que l'habitude & la coutume faifoient tout parmi le peuple;

« AnteriorContinuar »