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Prenez mes Vers, faites en vos choux gras,
Force fera de fouffrir ce martyre,

Parce qu'alors ne pourrai plus vous dire,
Monfieur Estienne, eh! ne m'imprimez pas,
Ne fçais-je même encore quand j'y penfe
S'il y feroit bien fûr après ma mort;
Ne vous hâtez de vous mettre en dépenfe
Que n'aïe eu tems de m'endormir bien fort,
Certains défunts, qu'il ne vous en déplaise,
Sont quelquefois d'humeur affez mauvaise;
On parle tant par tout de revenants;
Si par hazard j'allois être du nombre,
Ce que je penfe étant chez les vivans,
Le penferois tout de même étant Ombre,
Or, vous le dis, avenant mon trépas,
Si m'apperçois que chez-vous on s'empreffe
A me mouler & mettre fous la preffe,
Point ne vous puis répondre qu'en ce cas
Sur le minuit quelquefois né revienne,
En yous criant, quartier Monfieur Eftienne.
Monfieur Eftienne, eh! ne m'imprimez pas,

EPÎTRE II

A SON ALTESSE SERENISSIME

MONSEIGNEUR

LE DUC DUMAINE.

Surun préfent de vingt-deux pâtez qu'il avoit envoyez aux Jefuites, qui font chargez du Journal de Trevoux,

PLE

LEINs de vos dons, comblez de vos bienfaits
PRINCE, en bonté, des Princes le modele,
Encor faut-il en Vers, bons ou mauvais,
D'un compliment faire aujourd'hui les frais,
Et vous en dire au moins quelque nouvelle.
D'autres défauts on nous reproche assez,
Comme il appert par maints & maints volumes
Faits en ce tems, & faits aux temps paffez,

Que gens
de bien ont chez eux ramaffez;
Mais pour ingrats jamais nous ne le fûmes:
Sur-tout fçavons comme l'on doit priser
Tout don qui part d'une Augufte Perfonne,
Et qu'on ne peut affez préconifer

Et le préfent, & celui qui le donne.

En cas pareil nous faifons tous effort.

Pour Vous, GR AND PRINCE, on n'en fçauroit

trop faire ;

Mais pour tel œuvre il faudroit un Homére.

Moi qui de reins ne me fens affez fort,

Bien mieux ferai de venir à l'histoire

De vos Pâtez. Ils vinrent à bon

port, Tous vingt & deux, fi j'ai bonne mémoire, Pas un ne fut perdu dans le Charroi; Malgré la crotte, & la pluye, & l'orage, Tout arriva fans déchet ni dommage, Tant prudemment fut conduit le Convoi. OR quand il vint terminer fa carriere

Dans le College à qui LOUIS LE GRAND,
Roi des François, & votre Augufte Pere,

Donna fon Nom par grace finguliere,
Dieu fçait s'il fit du fracas en entrant.
Parut alors le docte Abbé Boiffiere,
Qui minutant quelque beau compliment,
Beau pour le fûr, car d'autres n'en fçait faire,
En Conducteur s'avança gravement.

A fon afpect nous crûmes bonnement
Qu'en qualité de Bibliothecaire

De VOTRE ALTESSE, il venoit de fa part

Nous apporter Livres plein un brancart,
Ou Manuscrits de Note non vulgaire :
Vous euffiez yû nos Sçavans accourir ;
Et tous voulant s'éclaircir de la chofe,
Du Conducteur à l'envi s'enquerir,
Si c'étoit Grec ou Latin, Vers ou Profe?
De quel volume ? Et comme entre Sçavans,
Surtout cela les goûts font différents;
Tel pour l'Hébreu, tel pour le Grec opine,
On s'échauffoit, & l'on difputoit fort,
Quand le Convoi tirant vers la Cuisine,
Mit fur ce point tous nos Sçavans d'accord.
VERS eux alors le docte Abbé s'avance,
Et d'un ton haut dit: Peres Reverends
Point de débat, vous ferez tous contens,
Chacun de vous peut felon fa fcience
Sur Livres tels exercer fes talens.
Tous font complets, & de bonne nature,
In folio, reliez à profit,

Dorez fur tranche, & fur la couverture,
Mieux n'auroit fait Boyer * fans contredit.
Point n'y verrez Livres de contrebande,
N'en ayez peur ; mais beaux & bons Journaux,
Non de Leipfic, Angleterre ou Hollande,

* Fameux Relieur.

Mais Journaux tels que l'on les fait à Seaux.
Pour en juger doctement, SoN ALTESSE
Aux Ecrivains de Trevoux les adreffe ;
Feüilletez-les & direz avec nous,

Qu'ils font parfaits, & que dans leur efpece
Ils valent bien ceux qu'on fait à Trevoux.
QUAND l'Orateur eut exercé fa langue,
En tels propos de chacun fort goûtez,
On lui donna pour prix de fa harangue,
Un des Journaux qu'il avoit apportez;
A Tourneli grand Docteur de Sorbonne,
Qui de Trevoux revise les Ecrits,
Fut envoyé par difcrete perfonne
Pareil Volume, & l'un des mieux fournis
Afin qu'il pûten dire fon Avis.

DE vingt & deux en bonne arithmetique,
Qui deux retranche, il n'en refte que vingt,
C'étoit encore pour nous de la pratique,

Pour partager le travail, il convint

Chercher fecours. D'abord au Grand la Chaize oc

D'avis commun il en fut dépêchén

Deux des plus beaux, pour les lire à fon aife;

Bien que

d'affaire il foit moult empêché.

Point ne doutez qu'en homme prude & fage, rot Il n'ait trouvé du tems pour cet Ouvrage.

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