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NECESSITÉ

DE LA CRITIQUE,

ου

LE GRAND PREVOT

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DU PARNASSE.

N gronde contre la fatire,
Et Cotin dit qu'on a raison.
Mais quoique Cotin puiffe dire ;
Dans l'étrange démangeaison
Qu'en notre fiécle on a d'écrire,
Il nous faut ce contre-poison,
Ecrire en Vers, écrire en Profe
Au tems paffé c'étoit un art;
Au tems present c'est autre chose.
Tant bien que mal, à tout hazard,
Rime qui veut, qui veut compose,
Se dit habile, ou le fuppofe,
Entre au Chorus, ou chante à part,

Eft

pour un tiers ou pour un quart,

H

Fournit le Texte, ou fait la Glofe,

Et tout le monde en veut fa

Dites-nous, Muses, d'où

Cette heureuse fécondité ?

part.

peut

naître

Eft-on fçavant quand on veut l'être ?

Cela n'a pas toûjours été.

Il en coûtoit à nos ancêtres,

Ce ne fut pas pour eux un jeu ;

peu ?

Ce qui coûtoit à ces grands Maîtres
Pourquoi nous coûte-t'il fi
Vanité fotte, qui préfume,
Par un aveugle & fol orgueil,
De fon efprit & de fa plume,
Voilà d'abord le grand écueil.
Item, le Temple de mémoire
Eft un très-dangereux appas.
Mais en griffonnant pour la gloire,
L'encre toûjours ne coule pas,
Et quelquefois avient le cas
Que l'on caffe fon écritoire.
Item, foit à bon titre, ou non,
On dit mes œuvres, mon Libraire,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher fon livre & fon nom.

Ítem,, chacun a fa folie;
Item, aujourd'hui tout eft bon
Et tout ouvrage se publie.
Ce qu'un homme a rêvé la nuit,
Ce qu'il a dit à fa fervante,
Ce qu'il fait entre fept & huit,
Qu'on l'imprime & le mette en ventë,
L'ouvrage trouve fon débit;

Et quelquefois, fans qu'il s'en vante,
L'Auteur y gagne un bon habit.
Item, quand on ne fçait mieux faire
On forge, on ment dans un Ecrit.
Item, on ne fçauroit fe taire,
Et nous avons tous trop d'esprit.
Autre grand Item, il faut vivre
Voilà comment fe fait un livre.
De-là nous viennent à foifon
Maigres livrets de toute forte.
Ils n'ont ni rime, ni raison;
Cela fe vend toûjours, qu'importe !
Tous les fujets font presque usez
Et tous les titres épuifez,

Jufques à des contes de Fées,

Dont on a fait long-tems trophées :

Le défordre croît tous les jours;

Je crie, & j'appelle au secours.
Quand viendra-t'il quelque Critique
Pour réformer un tel abus,
Et purger notre république
De tant d'Ecrivains de bibus!
A l'afpect d'un Cenfeur farouche,
Qui fçait faire valoir fes droits,
Un pauvre Auteur craindra la touche,
Et devant que d'ouvrir la bouche,
Y penfera plus d'une fois.

Je touche une fâcheuse corde,
Et crois déja de tous côtez,
Entendre à ce funefte éxorde
Nombre d'Auteurs épouvantez,
Crier tout haut, miféricorde.

Soit fait, Meffieurs, j'en fuis d'accord;

Mais quand le public en furie

Contre vous & vos œuvres crie.
Miféricorde encor plus fort,
Que lui répondre, je vous prie?
C'est un mal, je ne dis pas non,
Qu'un Cenfeur rigide & févére,
Qui le prend fur le plus haut ton,

Qu'on hait, & pourtant qu'on révére :
Mais fi c'eft un mal, c'eft fouvent
Un mal pour nous bien neceffaire;
Un Critique au païs fçavant,

Fait le métier de Commiffaire.
Bornons-nous, fans aller plus loin
A la feule gent Poëtique,

Plus que toute autre elle a befoin

De Commiffaire & de Critique,dr
Les Poëtes font infolens,

Et fouvent les plus miserables
Se trouvent les plus intraítables.
Fiers de leurs prétendus talens
Ils prendront le pas au Parnaffe,

Et fur Virgile & fur Horace,

S'il n'eft des Cenfeurs vigilants ED

Pour chaffer ces passe-volants,

Et marquer à chacun fa place.
D'abord ces petits avortons
Viennent fe couler à tâtons:
Ils font foumis, humbles, dociles
Souples à prendre des leçons
Des Horaces & des Virgiles;
Et, devant ces Auteurs habiles,

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