Arbore déja son Enseigne.
Les Cotins bravant les lardons De tous côtez femblent renaître 3 Et comme en un tems de pardons On voit hardiment reparoître Les Pelletiers & les Pradons. Apollon, c'est vous que j'appelle, De ce mal arrêtez le cours,
Le prix de la gloire immortelle Eft en proye aux joueurs de vielle Et la plus brillante des Cours, Votre Cour autrefois fi belle, Devient un grenier de Gabelle, Et s'encanaille tous les jours. Déja qui veut fur le Parnasse S'établit comme en fon foyer.
Tel croit tout charmer qui croaffe; Tel en chantant semble aboyer.
Tel peignant fans art & fans
A peine eft digne de broyer.
Tel fait des Vers qui, quoiqu'il faffe, Semblent tous faits par contumace. Tel pour tout titre ofe employer Des Vers qu'il prit à la tirace,
Sçavant dans l'art de giboyer. Confondu parmi cette craffe Corneille pour garder sa place En eft réduit à guerroyer; Et Racine rencontre en face, Tantôt le Clerc, tantôt Boyer. Quel dépit pour le grand Horace, D'avoir à foutenir l'audace D'un fat qui vient le coudoyer! Le mal plus loin va se répandre, Si l'on n'y met ordre au plutôt, Muses, fongez à vous défendre, Au spécifique, un bon Prevôt : Un bon Prevôt, mais où le prendre? Je pourrois, s'il m'étoit permis En nommer un digne de l'être Par fes foins en honneur remis, Et plus grand qu'il n'étoit peut-être, Homere affez le fait connoître. Il a tous les talens qu'il faut Pour un emploi fi necessaire ; Je ne lui vois qu'un feul défaut : C'eft que ce métier falutaire, De blâmer ce qui doit déplaire,
De reprendre & n'épargner rien, Ce métier qu'il feroit fi bien, Il ne voudra jamais le faire. Attaqué par maint trait felon.
Jamais contre le noir frelon
Il n'employa fes nobles veilles; Et comme le Roi des abeilles Il fut toûjours fans aiguillon.
A fon défaut cherchez quelqu'aurre Qui plus hardi, qui moins humain, Pour votre gloire & pour la nôtre Ofe à l'œuvre mettre la main. Du Parnaffe arbitre fuprême,
Si vous prisez mon zele extrême,
Faites-le voir en m'exauçant.
Fais-je des vœux contre moi-même.
SANTEUIL VENGE.
Traduction d'une piece Latine faite par le même
Uelle audace, grand Dieu! Quelle témerité! On attaque Santéuil sur sa latinité !
Quoi! ces termes pompeux dont la magnificence Partout offre à l'oreille une noble cadence, Au chagrin d'un Cenfeur n'ont pû lé dérober,' Et je le vois déja tout prêt à fuccomber? En vain contre la foudre, & contre la tempête, Phébus de cent lauriers avoit muni fa tête, Un Critique infolent, par un indigne affront, Fouleaux pieds les lauriers qui lui couvroient le front. C'est pourtant ce Santeuil, le Héros du Parnaffe, Ce grand imitateur de Virgile & d'Horace, Et devant qui la Seine après mille détours Fixa jadis ses flors, & fufpendit fon cours. Mais qui peut arrêter ou fufpendre l'envie ? Elle t'attaque enfin au déclin de ta vie,
Santeuil; mais foutenu d'une noble fierté Méprife les efforts de fa malignité.
Dans Paris aujourd'hui les Fontaines publiques Portent de ton fçavoir des marques authentiques, Le peuple y lit des vers gravez en cent endroits, Et fçait les approuver du gefte & de la voix; Ton mérite n'eft pas renfermé dans un cloître, Santeuil dans l'univers s'eft affez fait connoître; A tes rares vertus on rend ce que l'on doit, Et dès que tu parois chacun te montre au doigt. Les Dames même enfin parlent de tes ouvrages, Envantent les beautez, te donnent leurs fuffrages, Au Cygne de Mantouë égalent ton deftin, Et trouvent que fur tout tu parles bien Latin ; En vain tous les Sçavans publieroient le contraire, Un aveu de ce poids les oblige à fe taire.
Mais ce n'est pas toi seul que l'on attaque ici, On offense encor plus Commire & Jouvency. Qüi, ces doctes Cenfeurs, ces fçavans personnages, Doivent être tous deux garants de tes ouvrages. On fçait qu'entre les foins de leurs emplois divers Ils ont encor celui de repolir tes Vers;
Qu'on rejette fur eux ce qu'on peut y reprendre, Car ce n'eft pas à toi, Santueil, qu'il faut s'en prendre.
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