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De tous les Meflagers qui batent le païs,
II eft le Héros & le Prince.

Si Jupiter fçavoit fes merveilleux talens

Il cafferoit Mercure aux gages,

Et prendroit pour tous les Messages
Le Meffager du Mans,

Mais comme un rare merite

Ne fçauroit longtems se cacher, J'avertis que fur tout dans fa marche il évite Les lieux où l'on peut l'acrocher ;

J'entends marché public, port, grande place, gréve, Lieux fujets aux enlevemens

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Sinon, gare, qu'un jour dans les airs on n'enleve Le Meffager du Mans.

Quelle perte pour nous! Quel trait pour fon histoire!
En y penfant, vingt fois j'en ai frémi;
Maine, en lui tu perdrois ta fplendeur & ta gloire,
Et j'y perdrois fans doute un bon ami.

Mais il n'eft, comme on dit, fi bonne compagnie,
Qui ne fe quitte, & croyez qu'en fon tems

Il fera la cérémonie,

Le noble Messager du Mans.

Je me charge en ce cas de l'oraifon funebre,
Où fes exploits fameux brilleront de tout point.
Son tombeau, s'il en a, fera longtems celebre;
Mais fi pour caufe il n'en a point,

Son épitaphe, au moins, mife au bout d'une pique
Fera lire à tous les paffans:

Cy gît, ou gît ailleurs, faisant à tous la nique, Dans le milieu des airs, le Messager du Mans.

De mes écrits, estimateur fincere,
Recevez ce travail par votre ordre entrepris,
Illuftre ami*, s'il peut vous plaire,

Je fuis content, & tout m'eft facile à ce prix.
J'ai tardé quelque tems, je ne puis m'en défendre,
Mais vous me passerez tous ces retardemens,

Vous qui fçavez que de fe faire attendre
C'est le deftin du Messager du Mans.

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LE
ET

CHENE

L'ÉPINE

A Monfieur l'Abbé du D**

Ai deffein de me faire Hermite,

J'Ai deffein de

Le monde est trop contagieux;
Tant qu'on le trouve fous les yeux,
On l'aime, on s'y plaît, on l'imite.
C'eft peu d'être Religieux,
J'ai deffein de me faire Hermite,
Non, de cette fecte hypocrite,
Qui trouve toûjours cent raifons,
Pour rendre, ou recevoir vifite
De ces gens à face bénîte,
Qu'on voit en certaines faifons,
Couverts d'un froc hétéroclite,
Et bridez comme des oifons,
Aller faire la chate mite,
Et fe coulant dans les maisons,
Quêter, dit-on, pour la marmite:

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C'eft bien fait, il faut vivre enfin ;

Mais gare dans cette conduite
Que l'eftafier de Saint Martin,
De tout tems cauteleux & fin,
Quelquefois ne marche à la fuite.

Pour ne point tomber dans le cas,
Je veux comme un autre Stylite,
Me guinder dans une guerite :
Là content, & loin du tracas,
Méprifant, comme il le merite,
Le Monde, & fes trompeurs appas,
Je le verrai du haut en bas.

Si ce deffein vous paroît fage, Damon, je viens à deux genoux; M'adreffer tout d'abord à vous, Pour me fonder un hermitage. Peu me fuffit, ne craignez rien; Sans démembrer votre héritage, Je vous demande pour tout bien, Deux arbres, & rien davantage.

Ce chêne creux & toûjours vert, Qu'on voit en fuperbe étalage, Dominer fur votre village, Semble m'offrir fon flanc ouvert.

Grimpant à fon plus haut étage,
C'eft où je prétends me loger,
Y joignant pour tout jardinage
L'Epine de votre verger.

Tantôt comme un oiseau fauvage,
Sur leurs belles branches perché,
Tantôt au fond du creux niché,
Comme un moineau dans une cage,
J'y ferai la nique au peché.
Pour les befoins de la nature
J'y trouverai mon entretien,
Le gland fera ma nourriture,
L'enfant prodigue en vécut bien.
Le Ciel propice & falutaire,
Pour la foif du pauvre reclus,
Lui fournira de belle eau claire,
Helas que lui faut-t'il de plus 2
Si la chair faifoit la mutine,
Et menaçoit de fuccomber,
Je trouverois dans mon Epine,
De quoi faire une difcipline
Pour l'empêcher de regimber.
Ce Chêne, dont la résistance,
Triomphe depuis fi longtems,

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