On s'en prend au malin esprit A qui l'on en fait bien acroire. Il a tout fait, il a tout dit, On compte fort fur fon crédit. C'est lui qui fait qu'on fuit la peine, Et que l'on cherche le plaifir; C'est lui qui par la main nous mène Où nous porte notre défir. C'est lui qui fait la médifance C'est lui qui dicte la vengeance; C'est lui dont l'afcendant certain Rend le foldat dur & barbare, Rend le noble fier & hautain Rend le jeune homme libertin, Et le fexagenaire avare: Le fourbe dans fes trahifons, Et le faint dans fes Oraifons, Imputent tout à fa malice;
De tous les maux que nous faifons Il est l'Auteur, ou le complice. Hé, laiffons-le pour ce qu'il eft, Pourquoi faut-il qu'on s'imagine Qu'il fait jouer comme il lui plaît Les refforts de notre machine ?
On l'accufe de maint forfait,
Mais, à bien juger de l'affaire Souvent ce n'eft pas lui qui fait, Il ne fait que nous laiffer faire. On fe livre à la volupté,
Parce qu'elle flatte & qu'on l'aime;
Et fi du Diable on eft tenté
Il faut dire la verité,
Chacun eft fon Diable à foi-même: Mais laiffons le Diable en repos,
Et reprenons notre propos.
Que ferez-vous seule, ifolée, Sur votre Rhune defolée Que faire-là? Je n'en fçai rien; Mais vous pour elle fi zélée, Peut-être le fçavez-vous bien. Helas, fi j'en crois mes alarmes, Un cruel ennui vous attend; Ce Roc
pour vous fi plein de charmes
que par tout vous vantez tant, Vous fera bien verfer des larmes, Il me femble déja vous voir La tête fur la main panchée Regretter l'ancien manoir
D'où vous vous ferez arrachée, Et du matin jusques au foir, Trouver bien lugubre & bien noir Le nid où vous ferez juchée; Difant fouvent d'un cœur contrit, Helas, on me l'avoit bien dit. Je n'en dirai pas davantage, Mes avis feroient fuperflus; Courez, volez à l'hermitage, Partez, je ne vous retiens plus ; Allez où votre cœur afpire, Vous n'y ferez pas long féjour; S'il reftoit quelque chofe à dire, Je le garde pour le retour.
Our peindre un Alexandre, il faudroit un Apelle : Charle eft l'Alexandre du Nord,
Du vainqueur de l'Afie il a l'air & le port, Et va du même pas à la gloire immortelle. Mais où trouver encore un Apelle nouveau ? Le Peintre manque au parallele.
Pour moi, bien au deffous de ce fameux modele, Je compte en prenant le pinceau, Moins fur mon art que fur mon zèle, Et fur le fujet du tableau.
Si dans les moindres traits je puis être fidèle, Le portrait fera toûjours beau.
Et d'abord, car je dois aux dons de la nature,
* Cette piece fut faite en 1707.
Le premier rang dans ma peinture;
Le visage en ovale avec grace allongé
Frape par de grands traits qu'un air doux accompa gne;
Un teint que le hâle a chargé,
Eft garant des exploits de plus d'une campagne. Sous un front ouvert & ferein,
Des yeux vifs, & brillans d'une noble lumiere, Témoignent cette ardeur guerriere
Qui dès les premiers coups que fçût lancer sa main A l'Europe étonnée annonça fa carriere.
Pour temperer le feu qui brille dans fes La nature avec art a formé fur fa bouche
Un fouris fin & gracieux,
Qui charme à fon abord le cœur le plus farouche. Comme un fimple foldat vêtu groffiérement, Pour la forme & pour la matiére, Un habit lui fuffit une campagne entiére.
Grand chapeau, gands de buffle &,pour l'affortiment, Ceinturon de même parure,
D'où pend un large coutelas,
Peu brillant au dehors, peu chargé de dorure, Mais terrible dans les combats.
« AnteriorContinuar » |