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C

CONTE.

Ertain vieillard natif de baffe Normandie

'Paffoit à bien plaider joyeusement fa vie. Jadis de fes parens il avoit herité,⠀

Non des Châteaux, des Terres, des Domaines, Mais beaux & bons procès, tous en maturité ; Il en devoit maint autre à fa capacité,

A fes talens; le bien ne s'acquiert pas fans peine. Heureux dans la plûpart, à force de procès

Il devint riche, & riche avec excès.

Tout plaideur cependant, il est bon de le dire,
Ne doit pas fe flater d'un femblable fuccès,
Si ce n'étoit qu'il fût de Valogne ou de Vire,
le moins de tout auprès,

Ou pour

Car autrement je ne répons des frais.

Exempt de tous les maux que la vieilleffe apporre, Notre vieillard avoit l'œil vif & le teint frais.

L'estomac bon, & la voix forte.

Si la fièvre venoit, mon homme au moindre accès, Au lieu de Quinquina, couroit d'abord aux plaids : Bartole étoit fon Hippocrate,

Contre tous maux de cœur, ou de tête, ou de rate;
Pour lui le specifique étoit l'air du Palais,

Une cause jamais n'étoit bien assortie,
Si comme demandeur

Ou comme défendeur

Le réfolu vieillard n'y tenoit sa partie,
Le Roi l'oüit plaider un jour :

Touché de fa vieilleffe & de fon éloquence,
Ce Prince bienfaifant comme par récompense
Finit tous les procès, & le mit hors de cour.
Hors de cour, quel defaftre! A ces mots le pauvre
homme

Penfa prefque expirer : adieu le teint vermeil
Plus d'appetit, plus de fommeil,

Accablé du coup qui l'affomme,

A la bonté du Prince il a recours en fomme,
Et lui dit en pleurant : Grand Roi,
Au nom du ciel, ayez pitié de moi,
Rendez-moi mes procès, ou bien m'ôtez la vie ;
Je ne puis vivre fans plaider;
Ou fi tous, c'eft trop demander,

Rendez-m'en tout au moins cinq ou fix, je vous.

prie.

On ne vit point hors de fon élement; Le Ciel crea la mer pour la gent aquatile, Comme l'air pour la volatile,

Le procès pour le bas Normand.

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DE prévoyante & fage économie

La Fourmi tient Academie.

Elle l'enseigne en cent façons;
Mais peu de gens prennent de ses leçons.
Or, quoique la Fourmi rarement fe débauche,
Il en eft quelquefois telle qui prend à gauche

C'eft ce que
Fourmi plus friande que fage:
Elle efcamota, ce dit-on,
Allant maintes fois en domage
Chez le Seigneur de fon vilage,

fit dans un certain canton

Un

peu de fucre, un peu de macaron,
Biscuit, conferve, écorce de citròn,
Ainfi du reste; & joyeuse & gaillarde,
De ces bonbons thefaurifa,

Serra le tout, & s'amufa,

Comme l'on dit à la moutarde,

Toute fiere de fon butin

La bonne Dame un beau matin
Court s'en targuer chez fa voifine,
Qui plus économe & plus fine,
De froment & d'autre bon grain
Avoit rempli fon magazin.

Eh bien, dit-elle, ma commere,
En l'abordant d'un certain air,

Comment vont vos greniers pour le quartier d'hy

ver?

Affez bien, dit l'autre, & j'efpere

Que durant le tems des frimats

Le grain, s'il plaît à Dieu, ne nous manquera pas, Du grain, bon Dieu, du grain! y pensez-vous, ma

chere?

Et fi du grain! qu'on a chez vous
Le goût bourgeois & l'ame roturiere!
Il est des mets plus nobles & plus doux :
Pour moi j'ai force fucrerie

Et pafferai l'hyver très-délicatement.

Ah! grand bien false à votre Seigneurie,
Répondit l'autre doucement:

Du refte, excusez, je vous prie,
Petit mercier, petit panier,

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