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'Autres & vous d'elle nous avez dit,
Avec plaifir j'entreprendrois la chofe ;
Sans emprunter l'éclat de fes ayeux
J'en pourrois faire un éloge pompeux :

Mais un Parquet, helas! Par où m'y prendre 3
Phébus lui-même y perdroit fon Latin :
En vain pourtant j'ai voulu m'en défendre,
On m'eft venu relancer ce matin,

Dire il le faut, & cela d'un ton ferme,
En me donnant deux heures pour tout terme :
Quand il le faut, il le faut une fois.
J'ai donc d'abord un peu rongé mes doigts,
Mis en grondant mon efprit à la gêne,
Mais le trouvant plus fec que le Parquet,
Que vous donnez en guise de Bouquet';
A fon défaut j'ai fait parler un chêne,
Qui bien ou mal, ainsi qu'il vous a` plû,
A dit en Vers cé qu'aurez déja lû.

Chênes parler, n'est chose fi nouvelle,
Ceux de Dodone, ainfi qu'on l'a noté,
Avoient ce don, & d'une voix fidèle
Parloient jadis & difoient verité.

J'en connois maints dans le fiecle où nous fommes Jene dis pas des chênes, mais des hommes,

C

Qui dans leurs dits n'en fçauroient faire autant,
Et de bien dire ils se vantent pourtant :
A moult parler fouvent la langue chope,
Au tems jadis bêtes parloient auffi;
Sans remonter jufques au tems d'Efope,
Bêtes encor parlent en celui-ci ;
Pour ce ne faut nulle métamorphofe,
Cela fe fait tout naturellement :

Mais tout compté, felon mon sentiment,
Chênes parler, eft encore autre chofe;
Or fur ce que le chêne vous dira
Gardez-vous bien de paroître incrédule,
Vous le pouvez écouter fans fcrupule,
Dans les propos jamais ne mentira.
Faifeurs de Vers, le monde nous accuse,
D'avoir un peu mauvais bruit fur ce point,
J'ofe pourtant en excepter ma Mufe,
Elle vaut peu, mais elle ne ment point.
Dans le moment que j'écris cette page
J'entends déja du bas de l'escalier,
Certaine voix qui m'appelle à l'ouvrage
Et m'avertit de prendre un tablier:

Point ne chommons, chacun aide au menage,
L'Eté paffé l'on me fit Tapiffier,

J'ai depuis peu changé de personnage,
Et me voilà devenu Pâtiffier.

Non pas en Chef, je le voudrois bien être,
Mais je commence, & me fais au métier
Apprentif fuis, avant que d'être Maître;
Sur mes progrès on juge que dans peu
Je le ferai; l'on me flate peut-être,
Mais, entre nous, je sçai déjà connoître
La pêle à four d'avec la pêle à feu.
Or qui verra l'ardeur & le courage,
Dont je me porte à mon apprentiffage
Ne fera point furpris de ce fuccès......
Mais n'est-ce point dégrader le Parnaffe,
Et fi Phébus me faifoit mon procès ?
Il n'oferoit, j'en crains peu la menace ;
Et lui dirois, tout net & fans façon,
Seigneur Phébus, calmez votre furie,
Et faites
grace à votre nourriffon.

Qu'il en fouvienne à votre Seigneurie,
Au tems paffé vous vous fites Maçon;
Un Pâtiffier vaut-il moins, je vous prie ?
Nous nous tuons à rimer jour & nuit ;
Quand nous avons épuifé notre veine,
Un vain laurier eft fouvent le feul fruit.

Que nous tirons de toute notre peine.
Je prife fort vos lauriers, il font beaux,
Mais après tout c'est maigre nourriture,
Encor du moins quand je fais des gâteaux,
J'en ai ma part, j'en croque à l'aventure.
J'entends encor que l'on me cite au four,
Seigneur Phébus, adieu jufqu'au retour;
S'il faut opter, je fuis pour la galette,
Mieux vaut encor, je le dis fans détour,
Eftre ici-bas Pâtiffier que Poëte.

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EPITRE VI

A MADAME LA PRESIDENTE

BRUNET DE CHAILLY,

Sous le nom d'une Dame de fes amies chez qui étoie

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l'Auteur.

Os lettres font toûjours plaifir,
Chere Chailly, je vous le jure,

Les mots jettez à l'avanture

Y femblent placez à loisir,

Et l'on diroit que la nature
Auroit pris foin de les choifir.
L'embarras eft d'y bien répondre,

Mais pour

le faire comme il faut

Il me faudroit toute refondre;
Et je crains, malgré le grand chaud,
De ne faire que m'y morfondre.
Peut-être fort peu vous en chaut,

Mais, ma Chailly, qu'il vous en chaille,
Ou qu'il ne vous en chaille pas,

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