Jeune Marquis que vous ne valez pas, Autant en fit, & compta fans fon hôte; Retenez-en, Mufe, & n'y faites faute, Toute l'hiftoire. Au Prince, certain jour, Ce jeune Enfant alloit faire fa Cour. Sa Cour, que dis-je ? Helas! C'eft un langage Dont à trois ans on ignore l'ufage.
Sans tant tourner, difons qu'il l'alloit voir,
Plus inftinct même que par par devoir. Le cœur qui fut fon guide & fon génie, Ne connoît point tant de cérémonie. Depuis long-tems flatté de ce plaifir, ** Le pauvre enfant brûloit d'un vrai défir De voir le Prince, & difoit à toute heure, Quand le verrai-je ?: Il fe tourmente, il pleure, Il veut le voir. Soyez fage, & demain, Lui difoit-on, vous le verrez: foudain Il s'appaifoit; une telle promeffe Plus le touchoit que bonbons & careffe. Arrive enfin ce jour tant souhaité, Long-tems promis, & fouvent acheté.
D'attendre au moins qu'un moment on l'inftruife, Point de nouvelle: il faut qu'on l'y conduife
Sans différer. Enfin, pour faire court,
On l'y conduit, ou plutôt il y court. Dès qu'il le voit, ne fe fentant pas d'aise, Il vole à lui, faute à fon cou, le baise De tout fon cœur. Qui n'en feroit autant Si l'on ofoit? N'en faites rien pourtant; Un tel début quoiqu'affez pardonnable, Mufe, n'eut pas un fuccès favorable. Bientôt le Prince étant débarraffé
Des petits bras qui l'avoient embraffé, Pakne Sur l'embraffeur jette un œillade fiére, En reculant quatre pas en arriére:
Son petit cœur, mais noble, & qui fe fent, Eft tout émû de ce trait indécent, Jules sIZI Que fera-t'il? Il s'agite, il fecoue Zoolaho. Avec dépit de baiser de sa joüe;
Et de fa main il femble s'efforcer, S'il eft poffible, au moins de l'effacer. A tous ces traits d'un courroux respectable; Que dit, que fit, que devint lé coupable; Coupable? oui: qu'il foit ainfi nommé, Mais feulement pour avoir trop aimé. Le pauvre Enfant dans une alarme extrême Se fit d'abord fon procès à lui-même, Les yeux baiffez, immobile, interdit,
I reconnut fa faute, il en rougit : Son repentir répara fon audace, Par fon respect il mérita fa grace,
Et s'approchant humblement du Dauphin Il fit fa paix en lui baisant la main. De tout ceci vous paroiffez surprise, Et votre efprit raisonnant à la guife Se dit tout bas; Prince, tant foit-il grand, Si jeune encor, entrevoit-il fon rang? De fon berceau touchant à la couronne, Diftingue-t'il l'éclat qui l'environne? Et de LOUIS préfomptif Succeffeur, De fon deftin connoît-il la grandeur ?
Mufe, il la fent, s'il ne fçait la connoîtres on saleT
Dans les Heros que pour regner faitonaître enlq st Des grands Bourbons la Royale Maifone wood od Le fang infpire, & prévient la taifon.
Le noble instinct qui dans leur cœur domine Rappelle en eux leur auguste origine,
Et de ce fang reçu de tant de Rois (1)
La Majesté reclame tous les droits.no tudomrdi Allez donc, Mufe, & déformais inftruite
Sur ces leçons reglez votre conduire,
De ce Soleil fous l'enfance éclipfé
N'approchez point d'un air trop empreffe, Sans affecter des airs de confiance Qu'une modefte & naïve assurance, Gagne le Prince, & puiffe de fa part Vous attirer quelque tendre regard. Haranguez peu, mais que votre visage De votre cœur exprime le langage. Je ne ne dis pas qu'un petit compliment Affaifonné du fel de l'enjoûment, N'eût fon mérite & même ne pût plaire, Mais l'embarras, Mufe, eft de le bien faire; Le tout dépend des momens & du tour: Vous l'apprendrez des Rhéteurs de la Cour, Point ne connois, pour l'art de la parole, De plus adroite & plus fubtile Ecole : Le beau parler vint au monde en ce lieu, Et compliment eft leur Croix de par-Dieu. L'air du Pays qui de lui-même infpire Vous dictera ce que vous devez dire. Si cependant vous doutez du fuccès Retranchez-vous à faire des fouhaits,
C'est un encens qui fut toujours de mise Mais faites-les en Mufe bien apprife.
Vous trouverez de quoi dans le DAUPHIN,
Et fur fon compte on en feroit fans fin. Souhaitez-lui les vertus de fon Pere,
Ajoûtez-y les graces de la Mere,
L'ame & le cœur du DAUPHIN fon ayeul, De LOUIS, tout, il comprend tout lui feul: Lui fouhaiter qu'à LOUIS il ressemble, C'eft le doüer de tous les dons ensemble. S'il demandoit, comme il faut tout prévoir, Pourquoi ne fuis moi-même allé le voir; Vous lui direz à l'oreille: mon Prince, Je crois qu'il a quelqu'affaire en Province: Mais en tout cas à lui ne tiendra point, Que ne foyez obéï fur ce point.
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