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Les vers ne tariront jamais.

Pourrai-je voir une fontaine
Entre des cailloux ruiffeler,
Sans m'imaginer que ma veine
S'en va tout de même couler?
Cherchant des routes inconnuës
J'irai me perdre dans les bois,
L'Echo doit répondre à ma voix
Et la renvoyer dans les nuës,
Sans qu'il foit befoin d'implorer
Apollon, ni fes neuf compagnes,

Dans les bois & dans les

campagnes,

La moindre fleur va m'infpirer.
Ainfi je garnis ma valise

De plumes, d'encre, & de papier;
Fort peu de livres & de mise,
Que j'ai grand foin de bien trier.
Chacun a fon goût, mais Horace,
Par droit, ou par entêtement,
Tient chez moi la premiere place.
Peut-être les rangs au Parnasse,
Se trouvent reglez autrement;
Mais quoiqu'on dife, & quoiqu'on fasse,
Je lui donne, fans compliment,

Le premier lieu dans mon bagage;
Et fur cela point de langage,
Je prétends qu'il ait fon étui;
C'est mon compagnon de voyage,
Et je ne marche qu'avec lui.
Quand je lui donne compagnie,
Terence en date eft le premier;
Avec ces deux, fans m'ennuyer,
Je pafferois toute ma vie.

Mais à ces mots j'entends crier,
Hé quoi donc, l'élegant Catulle,
Le fier & pompeux Juvenal,
Le tendre & délicat Tibulle;
Properce, Ovide & Martial,
Sont-ils gens à traiter fi mal?
Si je comprends votre vifée,
On laiffera pour la prifée
Virgile qui n'eut point d'égal:
Oh! fçachez que fur le Permelle
Votre Horace avec fa finesse

N'eft tout au plus que fon vaffal;
Apollon apprendra la chofe,
Le crime eft grand & capital,
Et je vais fur le champ, pour

cause,

En dreffer mon procès verbal.
Je crains quiconque verbalise,
Et n'aime point les différens :
Le grand Phébus peut à fa guise,
Et fans que je m'en formalife,
Sur l'Hélicon regler les rangs;
Mais à même droit je prétends
Le regler, moi, dans ma valife,
Apollon n'a que voir dedans.

Que s'il falloit entrer en compte,
Et plaider à fon tribunal

Peut-être votre Juvenal

N'en fortiroit-il qu'à fa honte.
On fçait que c'est un vieux bourru
Dont l'âpre & boüillante colere,
Quand une fois il eft feru,
Ne feroit pas grace à fon pere.
Avec fon ton aigre & mordant;
Ses bruyants éclats de paroles,
Son air magiftral & pedant,
Ses emphases, fes hyperboles,
Si l'on m'en croit, mon avis eft,
Qu'on l'envoye établir fon siege
Aux Sauromates, s'il lui plaît

Qu,

Ou, s'il l'aime mieux, at College
Car pour parler net fur ce point
Dans ma valife on n'en veut point,
C'est sa faute auffi, qu'y ferai-je ?
Pour Ovide, autrement, Nason,
Qu'on le préconise & le louë,
J'avourai que l'on a raison,
Mais il faut auffi qu'on m'avoue
Qu'il cherche un peu trop à briller.
Pour moi, j'ai la tête bleffèe,
Lorfque je lui vois tortiller

En cent façons une pensée.
A force de la reffaffer,

La pointe, au bout du tems, s'émouffe
Et l'efprit vient à se lasser :

Il ne faut pas toûjours qu'on pouffe
Jufques où l'on pourroit pouffer.
Sa fécondité qu'on admire,
Irrite ma mauvaise humeur,
Et j'enrage contre un Auteur,
Qui ne me laiffe rien à dire.
Horace & lui font excellens ;
Mais je leur trouve des talens
De nature bien differente.

Selon les âges & les tems

Leur crédit tombe, ou bien augmente.

J'étois pour Ovide à quinze ans,

je fuis pour Horace à trente.

Mais je

Et Martial eft-il un fot?

Non, fes traits même ont dequoi plaire;
Mais il court après un bon mot.
Horace attend tout au contraire,
Que le bon mot vienne s'offrir
Et fans qu'il s'en fasse une affaire,
Il fçait l'attraper fans courir.

;

Quand au grand & fameux Virgile,
Qu'on ne fçauroit trop ménager,
Quoiqu'il pût m'être fort utile,
Je ne le fais point voyager
De crainte de quelque danger,
Et je le garde pour la ville.

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Catulle, Tibulle, & Properce;

Et gens de ce calibre-là,

Sont tous d'un affez bon commerce:

Comme quelquefois je les prens,

Quelques fois auffi je m'en paffe;

Mais en tous lieux, comme en tous tems

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