HISTOIRE ECCLESIASTIQUE.

par

Rfene, patriarche Grec de C. P. re- AN.1260 A fidant à Nicée, étoit fenfiblement affli- I. gé du mépris avec lequel le jeune Em- Retraitte pereur Jean Lafcaris étoit traité d'Arfene. Michel Paleologue, qui s'étoit rendu maître ab- Nicephore folu des affaires. Le patriarche fe reprochoit de C.P. patriarche d'avoir agi fi negligemment dans une occafion Pachym. lib. fi importante; & refolut de fe retirer. Mais fans 11.6.15. en declarer le principal motif, il fe contenta de Gregor as libe dire à fon clergé, qu'il fe voyoit méprifé luimême, & qu'il ne gagnoit rien auprès de l'Empereur Michel. S'étant ainfi expliqué, il fortit auffi-tôt hors la ville de Nicée, marchant à pied & ne permettant qu'à peu de perfonnes de le

Tome XVIII.

A

fui

fuivre. Il s'arrêta à un monaftere proche des murs AN.1260. de la ville & continua fon chemin pendant la nuit, jufques au petit monaftere de Pascase où il avoit choifi fa demeure. C'étoit un lieu folitaire & tranquille, ayant d'un côté la mer & de l'autre une riviere, fur le bord de laquelle le monaftere étoit bâti. Arsene y vivoit en repos fans fe mêler des affaires de fon Eglife, ne conver fant qu'avec Dieu.

Mais fon clergé & les Evêques qui fe trouvoient à Nicée, defaprouvoient fa conduite & l'envoyerent prier de revenir, de peur que l'Empereur qui étoit abfent apprenant fa retraite, n'en fût irrité. D'ailleurs, difoient-ils, fi quelqu'un vous a fait de la peine, il falloit fans fortir de vôtre fiege le reprendre ou vous en plaindre à l'Empereur, & fi c'étoit l'Empereur luimême, l'avertir & l'exhorter, à quoi nous vous aurions aidé felon nôtre pouvoir mais de vous retirer ainfi fans en dire le fujet, paroît une entreprise mal concertée. On paffa quelque tems fans rien avancer, parce que le Patriarche ne vouloit point s'expliquer; & l'Empereur Michel ayant appris la chofe en fut affligé, fe doutant du veritable motif du Prelat, felon le reproche de fa confcience. Il lui envoya donc de l'avis des Evêques affemblez en concile, Nicetas Evêque d'Heraclée pour le rappeller, l'exhorter à venir au concile, dire les caufes de fa retraite,

ren

dre compte d'une conduite fi irreguliere, & lui declarer enfin, qu'il falloit reprendre le gouvernement de fon Eglife, ou donner fa renonciation par écrit.

Nicetas & ceux qui l'accompagnoient étant arrivez auprès d'Arfene, lui rendirent les lettres du concile & lui expliquerent leur charge: mais il leur dit, qu'il n'étoit plus tems de remedier au fujet de fa retraite; & qu'il ne lui convenoit

defor,

Reformais

que de demeurer en filence & en re

pos. Après l'avoir beaucoup preffé inutilement, AN.1260 comme ils le virent obstiné à ne point s'expli

ils lui declarerent l'ordre fecret qu'ils quer, avoient de demander fa demiffion. Il Poffrit auffitôt : & comme on en dreffoit l'acte, l'Evêque d'Heraclée pour rendre la ceffion plus plaufible, propofa d'y mettre qu'Arfene fe fentoit, indigne: mais il s'en piqua & dit en colere : Ne vous fuffit-il pas que je cede de parole & d'effet? pour quoi voulez-vous me charger encore d'une mau vaife allon? Je me retire volontairement des affaires fans me mettre en peine de ce qui arri

vera.

Il les renvoya ainfi brufquement fans achever l'acte, & ils retournerent en diligence trouver l'Empereur & le concile. Ayant affuré que le Patriarche étoit inflexible, ils ajoûterent, qu'il reftoit un moyen d'éprouver la fermeté de fa refolution: favoir, de lui envoyer demander le V. Possin. bâton paftoral & le chandelier, qui étoient les net.p.446. marques de l'épifcopat. On le fit, & Arfene dit à ceux qui vinrent, qu'ils pouvoient les prendre s'ils vouloient, Alors l'Empereur crut qu'il n'y avoit plus rien à attendre, & qu'il étoit fuffifamment difculpé de ce qui pourroit arriver au Patriarche d'autant plus que Nicephore Evêque d'Ephefe foûtenoit que fon ordination n'avoit pas été canonique. Car, difoit-il, l'Empe- Sup. liv. reur Theodore étoit fi preffé de se faire couron- LXXXIV. . ner, qu'Arfene receut de fuite tous les ordres, 13. fans garder aucun interftice. L'Empereur Michel laiffa donc aux Evêques la liberté de faire ce qu'ils voudroient, & après avoir deliberé plufieurs jours, ils ne trouverent autre reproche contre le patriarche Arfene, que l'impatience & la pufillanimité qui lui avoit fait quitter fon Siege

16.

Enfuite ils delibererent long-tems fur le choix AN.1260. d'un fucceffeur, & les principaux entrainant les fuffrages des autres, ils convinrent tous de NiPachym.. cephore d'Ephefe. Il étoit recommandable par fa vertu & fa pieté, & raisonnablement inftruit: déja vieux, fort zelé pour l'Eglife & pour fes loix dont le mépris l'affligeoit fenfiblement. Il avoit été élû patriarche par le concile avant Manuel, du tems de l'Empereur Jean Vatace; mais l'Empereur craignant fon zele, s'oppofa à l'élection, & dit: S'il eft infupportable étant archidiacre, que fera-ce quand il fera patriarche? Il fut ordonné metropolitain d'Ephese, mais il avoit toûjours fur le cœur l'injuftice que l'Empereur lui avoit faite c'eft pourquoi il ne fe fit point prier quand il fut élû à la place d'Arfene, croyant qu'elle lui étoit deuë par la vocation divine. Il fut donc declaré patriarche, & vint s'établir à Nicée, apportant d'Ephefe quantité t. 17. d'or. Mais quelques Prelats defaprouvoient fon élection, entr'autres Andronic de Sardes & Manuel de Theffalonique: le peuple avoit auffi averfion pour Nicephore & fouhaitoit le retour d'Arfene. Nicephore s'appuyoit fur la protection de l'Empereur & quitta Nicée pour le fuivre en Thrace où il étoit paffé dans l'efperance de reprendre C. P.

II.

d'Arles.

tes.

Gall. Chr.

te. 1.p.59.

Florentin Evêque d'Acre en Paleftine venoit Concile -d'être transferé à l'archevêché d'Arles en ProJoachimi- vence, & celebra avec fes fuffragans l'année 1260. ou la fuivante un concile provincial où il publia dix-fept canons. Dans la préface il dit : Il s'eft to.XI.concil. élevé de nôtre tems de faux docteurs, qui metP.239. -tant fondement de leurs extravagances certains Ternaires, veulent établir dans leurs concordances, une doctrine pernicieuse; & fous prétexte d'honorer le Saint-Efprit diminuer l'effet de la redemption du Fils de Dieu & le bor

pour

ner

ner à un certain efpace de tems. Le Pere, difent

ils, a operé depuis le commencement du mon- AN.1260. de jufques à l'avenement du Fils: d'où vient fo. v. 17. qu'il dit dans l'Evangile : Mon Pere opere jufques à prefent, & j'opere auffi. L'operation du Fils a duré jufques à maintenant pendant mil deux cens foixante ans après lefquels le SaintEfprit dira: Jufques ici, le Fils a operé après le Pere & j'opererai auffi deformais. A quoi ils appliquent les 1260. jours marquez dans l'Apocalypfe, & les mille ans après lefquels Satan Apoc. XI.3. fera déchaîné, comme fi dans le cours du fie- xi1.6.xx. cle prefent le Saint-Efprit devoit être envoié plus 3.7. glorieufement que quand il fe répandit fur les Apôtres, fe rendant fenfible par le feu & par le don des langues.

:

Ces Joachimites fur le fondement de trois perfonnes divines bâtiffent des Ternaires fanta ftiques, favoir trois états ou ordres d'hommes, qui doivent fe fucceder felon les tems le pre mier eft des gens mariez, qui a regné du tems du Pere éternel fous l'ancien Teftament: le fecond des clercs, qui a regné par le Fils du tems de la grace, dans l'état du milieu où nous fommes le troifiéme des moines, qui regnera du tems de la plus grande grace par le Saint-Esprit. Ils ajoûtent un autre Ternaire, qui eft celui de la doctrine favoir, l'ancien Teftament, le nouveau, puis l'Evangile éternel, qu'ils attri buent au Saint-Efprit. Ils divifent auffi la durée du monde en trois tems: dont ils donnent le premier au Père, où regnoit l'efprit de la loi Mofaïque le fecond au Fils, où regnoit l'ef prit de grace; & qui a duré 1260. ans; ils donnent le troifiéme au Saint-Efprit & le nomment le tems de la plus grande grace & de la verité dé Couverte. A quoi ils rapportent ces paroles de l'Evangile Quand il fera venu cet Efprit de ve- %, xvi.13.

A 3

rité,