Imágenes de páginas
PDF
EPUB

s'empara du royaume, fous prétexte de la tutelle de fon neveu le fils de Conrad: puis ayant AN.1262, feint que cet enfant étoit mort, il s'eft attribué le royaume comme fon heritage; & nonobftant le défaut de fa naiffance, il a pris le titre de Roi, à la honte de la dignité royale & de tous ceux qui portent couronne: fans avoir horreur d'une telle trahifon contre fon neveu & fon pupille. Enfuite il s'eft emparé comme il fait encore des Eglifes vacantes du royaume : il pille celles qui ne le font pas & leurs Prélats, dont il charge quelques-uns d'exactions, & en retient d'autres dans de cruelles prifons. Il fait celebrer devant lui les divins offices, feulement par mépris des clefs de l'Eglife, & des excommunications prononcées contre lui par nôtre predeceffeur. Il a fait mourir cruellement quelques Barons du roiaume , pour s'être attachez au Pape & à l'Eglife, quoique de fon confentement; & il a banni du royaume plufieurs grands & d'autres, fans épargner ni åge ni fexc.

L'Eglife n'auroit pas laiffé de le recevoir à bras ouverts, s'il étoit revenu de bonne foi, & nous avons écouté fes envoyez comme avoit fait le Pape Alexandre: mais ils ne nous ont fait que des propofitions illufoires. C'est pourquoi nous ne croyons pas qu'il foit de vôtre dignité d'entrer dans une telle negotiation, & encore moins de contracter une alliance fi honteufe, & de vous unir fi étroitement à un ennemi de l'Eglife, dont vous avez toûjours pris la défenfe avec tant de valeur & de fuccès. La lettre eft du vingt-fixiéme d'Avril 1262.

Le Roi faint Louis avoit auffi traité du ma- Du Tillet. riage de Philippe fon fils aîné avec Isabelle fille p. 169.. du même Roi d'Arragon; & le mariage avoit été accordé de part & d'autre dès l'année 1258. Sup. liv. en même tems que les deux Rois tranfigerent LXXXIV, n.

fur 53.

fur leurs prétentions reciproques. Saint Louis AN.1262. s'étoit même avancé jufques à Clermont en Au vergne cette année 1262. pour l'accompliffement de ce mariage, quand il apprit celui que le Roi d'Arragon vouloit faire entre fon fils & la fille de Mainfroi. Alors le faint Roi déclara, qu'il ne vouloit point d'alliance avec qui que ce fût qui eût des engagemens fi étroits avec un prince excommunié & ennemi déclaré de l'Eglife. ap. Rain. Ce que le Pape ayant appris, il en écrivit à faint 1262. n. 17. Louis une lettre pleine de louanges & de remerciemens mais les deux mariages ne laifferent

pas de s'accomplir. Saint Louis fe contenta d'un

acte autentique, par lequel le Roi d'Arragon déInvent, des clara, qu'en mariant fon fils avec la fille de Mainch. to. 5. froi, il ne prétendoit s'engager à rien contre les Arag. 1.pinterêts de l'Eglife Romaine; & cette déclaration fut confirmée par le témoignage de plufieurs Evêques & de plufieurs Seigneurs.

144.

Indic. Ar

rag. p. 99. Chr. Trivet. to. 8. Spicil. Duchêne. P.371.

Ld. p. 869.

Philippe de France époufa donc à Clermont Ifabelle d'Arragon le jour de la Pentecôte vingthuitiéme de Mai 1262. & le quinziéme de Juin Pierre d'Arragon époufa Conftance de Sicile à Montpellier, où le Roi Jaques s'étoit rendu pour cet effet preferant aux remontrances du Pape l'efperance du royaume de Sicile, qui ne fut pas vaine, comme on verra dans la fuite. Le Pape Urbain offrit ce royaume à faint Louis pour un de fes enfans: mais le faint Roi craignit de faire tort à Conradin, qui fembloit en être l'heritier legitime, ou à Edmond d'Angleterre, à qui les Papes precedents avoient donné cette couronne. Sur quoi le Pape Urbain écrivit à Albert de Parme fon notaire & fon nonRain. 1262. ce, qu'il avoit chargé de cette negociation. Dans cette lettre le Pape loue extremément la delicateffe de confscience de faint Louis: mais il charge Albert de le raffurer fur ce fujet, & de lui

21.21.

de

declarer que le droit du faint Siege a été bien examiné par le Pape & les Cardinaux, qui ont AN.1262. auffi leur confcience à garder, & font bien éloignez de vouloir faire tort à perfonne. Au refus du Roi, Albert étoit chargé d'offrir la couron ne de Sicile à fon frere Charles Comte d'Anjou

& de Provence, à qui il l'avoit déja offerte neuf Rain. 1253. ans auparavant de la part d'Innocent IV.

1

n. 2.

XIV.

Saint Louis témoignoit au nonce Albert un grand defir de fecourir l'empire de C. P. c'eft à Lettre condire l'Empereur Baudouin & les Latins qui pré- tre M. Patendoient y rentrer : c'eft pourquoi le Pape Ur- Rain. 1262. leologue. bain lui écrivit une lettre, où il dit en fubftan- n. 39. ce: Vous êtes le feul des Princes Chrétiens qui compatiffez fincerement aux maux de l'Eglife, & qui êtes toûjours prêt à la fecourir. Ainfi dans l'extrême affliction que nous a caufé la perte de C. P. nous avons d'abord tourné les yeux vers vous, & nous vous avons envoyé l'Evêque d'Agen pour traiter de cette affaire avec vous & avec les Prélats de vôtre royaume. Cet Evêque étoit Gall. Chr. Guillaume de Pontoife auparavant prieur de la to 2.p. 71. Charité, puis abbé de Clugni, qui mourut l'an- Bibl. Clun. née fuivante 1263. le dix-feptiéme de Novem-P. 1665. bre, & eft enterré à faint Martin des Champs

:

à Paris. La lettre du Pape à faint Louis continuë ainfi Mais nôtre douleur a été depuis peu cruellement renouvellée par la venue de l'Empereur Baudouin, des ambassadeurs du Duc Rainier Zeno & de la commune de Venife, & de plufieurs autres Latins de Romanie: voyant cet Empereur ainfi chaffé par les Grecs Schif matiques, à la honte éternelle des Latins.

Nous defirons donc procurer un prompt fe cours à cet empire, & par confequent à la Terre fainte dont l'interêt s'y trouve joint d'autant plus que les feigneurs Latins, qui font encore les maîtres des principautez d'Achaïe, de

la

la Morée & des Illes voifines, font prêts à s'opa AN.1262. pofer fortement par terre aux ufurpateurs avec des troupes confiderables, & les Venitiens par mer avec une flotte magnifique de galeres: offrant même le paffage gratuitement à tous ceux qui viendront au fecours. C'eft pourquoi nous vous envoyons André de Spolete archidiacre de Paphos notre chapelain, auquel vous pourrez ajoûter foi fur tout ce qu'il vous dira de vive voix vous priant d'étendre vôtre protection fur l'empire de Romanie, & d'exciter les Prélats de vôtre royaume à contribuer d'un fubfide honorable, comme nous leur avons enjoint par d'autres lettres, fuivant qu'ils en feront requis par l'Evêque d'Agen. La lettre eft du cinquième de Juin 1262.

ap. Rain. m. 34. Vading. 1261.

7,171

XV.

Vers le même tems le Pape donna commiffion au provincial des Freres Mineurs en France, de faire prêcher dans tout le royaume par les Freres de fon ordre la croifade contre Michel Paleologue avec la même indulgence que celle de la Terre fainte; & quarante ou cent jours d'indulgence à ceux qui viendroient aux fermons de la croifade.

Paleologue cependant n'étoit pas en repos à Paleologue C. P. Quand le patriarche Arfene apprit qu'il excommu- avoit fait aveugler le jeune Empereur Jean, il nié par Ar- en fut penetré de douleur, & ne fe poffedant Pachym.III. plus; il montoit & defcendoit par toute fa mai

fene.

[ocr errors]

fon, jettant de grands cris, fe frappant la poitrine, prenant à témoins le ciel & la terre & appellant au fecours toute la nature. Enfuite ayant affemblé les Prelats qui fe trouverent auprès de lui, il leur reprefenta que Paleologue s'étoit mo-. qué de lui & de Dieu en violant fes fermens; & leur demanda ce qu'il falloit faire, afin qu'il ne profitât pas impunément de fon crime. Nous ne pouvons, ajoûta-t-il, nous dispenser d'agir, quand

quand ce ne feroit que pour ne paroître pas l'autorifer par nôtre filence. Les Prelats témoignerent AN.1262 l'horreur qu'ils avoient de ce qui s'étoit paffé, & la difpofition où ils étoient de fuivre en tout la conduite du Patriarche. Il resolut d'user de toute fon autorité contre l'Empereur Michel, & les autres n'oferent s'y oppofer quelque crainte qu'ils cuffent de ce qui en pouvoit arriver. Le Patriarche Arfene prononça donc l'excommunication contre Michel Paleologue en lui reprochant fon crime: feulement pour ne le pas pouffer à bout & ne pas attirer de plus grands maux, il permit au clergé de chanter des prieres pour lui, & luimême continua de le nommer dans la liturgie.

Paleologue fouffrit patiemment la cenfure, & fe foumit du moins en apparence: il ne fe plaignit point & fe contenta de s'excufer com meil pût, efperant que s'il cedoit pour quelque tems à la jufte indignation du patriarche & témoignoit enfuite du repentir, il obtiendroit bien-tôt l'abfolution. Ainfi pendant plufieurs jours Pachy.c.19 il porta des habits modeftes comme un penitent; & cependant fa conscience ne le laiffant point en repos, il fit parler au patriarche par des perfonnes de pieté & amis du Prelat, le priant inftamment de l'abfoudre, veu qu'il fe repentoit de fa faute, & de lui impofer telle fatisfaction qu'il voudroit puifqu'on ne pouvoit faire que ce qui avoit été fait ne l'eût pas été. Les mediateurs rapporterent au patriarche ce difcours de l'Empereur, y ajoûtant encore du leur , pour faire leur cour au prince. Mais le patriarche fans les écouter leur dit : J'ai reçû dans mon fein une colombe qui s'eft changée en ferpent, & m'a fait une bleffure mortelle, L'Empereur crût qu'il réüffiroit mieux en parlant lui-même au patriarche il le vit plufieurs fois, le priant d'apporter à fon mal le remede convenable. Le Tome XVIII. B

pa

« AnteriorContinuar »