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fe que par les vices. Et voilà l'honneur qui revint à JESUS-CHRIST de ces entreprises for mées à fi grands fraison the

Enfin Jerufalem & la Terre fainte font res tombées au pouvoir des Infideles, & les Croi fades ont ceffé depuis quatre cens ans ; mais les penitences canoniques ne font paint revenues. Tant que les Croisades durerent, elles tinrent lieu de penitence, non feulement à ceux qui se croifoient volontairement, mais à tous les grands pecheurs, à qui les Evêques ne donnoient l'abfolution qu'à la charge de faire en personne le fervice de la Terre fainte pendant un certain tems, ou d'y entretenir un mumbre d'hommes armez. El fembloit donc qu'après la fin des Croi fades on dût revenir amx anciennes penitences : mais l'ufage en étoit interrompa depuis deux cens ans au moins, & les penitences étoient devenues arbitraires. Les Evêques n'entraient Marin. Xe plus gueres dans le détail de l'adminiftration des penis, c. 2.5x Sacremens les Freres Mandians en étoient les 26. miniftres les plus ordinaires, & ces miffionnais res paflagers ne pouvoient fuivre pendant un long-tems la conduite d'un penitent, pour exa miner les progrez & la folidité de fa converfion, comme faifoient autrefois les propres pafteurs: ces religieux étoient obligez d'expedier promp tement les pecheurs pour paffer à d'autres.

D'ailleurs on traitoit la morale dans les écoles comme le refte de la theologie, par raifon nement plus que par autorité, & problemati quement mettant tout en question, jufques aux veritez les plus claires : d'où font venues avec le tems tant de décisions des cafuites, éloignées non feulement de la pureté de l'Evangile, mais de la droite raifon. Car où ne va-t-on point en ces matieres quand on fe donne toute liberté dé raifon

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raifouner? Or les cafuîtes fe font plus applique quez à faire connoître les pechez qu'à en monarer les remedes. Ils fe font principalement oceupez à decider ce qui eft peché mortel, & à diftinguer à quelle vertú eft contraire chaque peche; fi c'est la juftice, la prudence, ou la temperance ils fe font étudiez à mettre, pour ainfi dire, les pechez au rabais, & à justifier plufieurs actions que les anciens moins fubtils mais plus finceres jugeoient criminelles.

L'ancienne difcipline à force d'être negligée & hors d'ufage eft tambée dans d'oubli enforte qu'on n'ofe plus parler de la rétablir. Saint Charles étoit neanmoins bon catholique, & dans fes inftructions pour les confeffeurs il a mis un extrait des anciens canons pour les guider dans l'impofition des penitences, & faire qu'autant qu'il fe peut elles foient proportionnées aux pefeff.xxiv. chez. Enfin le concile de Trente a ordonné de Bf... mettre mettre en penitence publique pour les pechez fcandaleus; permettant feulement aux Evêques d'en difpenfer quand ils jugeront à propos.

XII.

J'ai marqué en paffant qu'un des objets des Croisades Cronfades fut la converfion des Payens de Livodu Nort. nie, de Pruffe & des autres pays du Nort; ce qui merite des reflexions particulieres. Ces converfions commencerent par le zele de quelques moines de Cifteaux, & furent continuées par . iv. des Freres Prêcheurs ; & jufques-là rien n'étoit LXXIV.3.6. plus conforme à l'efprit de l'Evangile. Mais comLXXVII., me ces peuples étoient très-farouches, ceux qui

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demeuroient Payens, & qui étoient le plus grand nombre infultoient fouvent les nouveaux Chrétiens, qui fe défendoient à main armée, ufant du droit naturel de repouffer la force par la for& imploroient le fecours des Allemans, des Polonois & des autres anciens Chrétiens du

ce;

voifinage. Tout cela étoit encore dans les bornes de la juftice fuivant la doctrine de faint Thomas que j'ai déja rapportée. Cette caufe de guer- 2.2.9.107. re parut fi legitime, que pour la mieux four 48.in corp. tenir on inftitua les ordres militaires des cheva- Sup2. 3. liers de Chrift & des freres de l'Epée, réunis Hift. liv. depuis aux chevaliers Teutoniques: les Papes LXXVI.7. étendirent la Croifade à cette guerre de religion, 30. & y attribuerent la même indulgence qu'au fecours de la Terre fainte.

Mais ces Croisés ne demeurerent pas longtems fur la fimple défenfive, ils attaquoient fouvent les Infideles; & quand ils avoient l'avantage, la premiere condition de la paix étoit qu'ils recevroient des Prêtres pour les inftruire, fe feroient baptifer & bâtiroient des Eglifes: après quoi s'ils rompoient la paix, comme il arrivoit fouvent, on les traitoit de rebelles & d'apoftats; & comme tels on croyoit être en droit de les contraindre par la force à tenir co qu'ils avoient une fois promis en quoi on fuivoit encore la doctrine de faint Thomas. Telle Ibid. étoit en ces grandes provinces la propagation de la foi; & il faut avouer qu'elle n'étoit pas Hift. liv. nouvelle, dès le tems de Charlemagne il étoit XLIV.#45%entré de la contrainte dans la converfion des Sa xons, & pendant leurs revoltes fi frequentes-lemoyen le plus ordinaire d'obtenir le pardon étoit de recevoir le baptême.

Toutefois faint Thomas établit fort bien après Ibid. toute l'antiquité qu'on ne doit pas contraindre les. Infidéles à embraffer la foi, & qu'encore qu'on les eût vaincus en guerre & faits prifonniers, on doit les laiffer libres fur ce point. Or je cite volontiers ici ce faint docteur, parce E que nous n'avons point de meilleur témoin de la doctrine de fon tems. Il dit donc, Luivant faint

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faint Auguftin qu'il cite, que perfonne ne peut croire fans le vouloir & qu'on ne contraint point la volonté d'où il s'enfuit que la profeffion ex

terieure du Chriftianifme ne fert de rien, fans Matth. la perfuafion interieure. Car JESUS-CHRIST XXVIII.19. a dit: Allez inftruifez & baptifez; &: Qui Marc. XVI. croira & fera baptifé fera fauvé. Et faint Paul : Rom.X.10. On croit de coeur pour être justifié, & on con

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feffe de bouche pour être fauvé. Il n'eft donc permis de baptifer des adultes, qu'après les avoir fuffifamment inftruits, & s'être affùré autant qu'on le peut humainement de leur conviction quant à la doctrine, & de leur converfion quant aux mœurs; & de-là venoit cette fainte difcipline de l'antiquité, de preparer au baptême par tant d'inftructions & de fi longues épreu

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Or comment pouvoit-on inftruire ou éprou ver des Livoniens, des Pruffiens, des Curlandois qui le lendemain d'une bataille perduë ve noient en foule demander le baptême pour éviter la mort ou l'esclavage? Auffi dès qu'ils pouvoient secoüer le joug des vainqueurs, ils retournoient à leur vie ordinaire & à leurs ancienmes fuperftitions: ils chaffoient ou tuoient les prêtres & abattoient les Eglifes. Vous en avez vû plufieurs exemples. De tels hommes font peu touchez des promeffes & des fermens, dont ils ne comprennent ni la force ni les confequences: c'eft l'objet prefent qui les frape. Peut-être eft-ce la caufe de la facilité avec laquelle ces peuples fe font laiffez entraîner dans les dernieres herefies: la religion n'avoit jamais eu chez eux de fondemens affez folides. Je XIII. Joint à cet exemple un plus recent, celui des Avantages Morifques d'Espagne. temporels Pour revenir aux Croifades de ces pays du

des Croifa

des,

Nort

LXXX. 14, 20

Nort, je crains que l'interêt temporel n'y eût autant ou plus de part que le zele de la religion. Car les Papes donnerent aux chevaliers Teuto hift. liv. niques le domaine & la fouveraineté de toutes les terres qu'ils pourroient conquerir fur les Infidéles. Je n'examine point ici quel droit y avoit le Pape, ni quel befoin avoient les chevaliers qu'il autorifât leurs conqueftes, j'obferve feulement le fait, & je dis qu'il eft à crain dre que ces chevaliers ne cherchaffent plus l'ac croiffement de leur domination que la propa gation de la foi. Je croi bien que les religieux qui prêchoient la Croifade & inftruifoient les néophytes, avoient une intention droite & un zele fincere mais je voi de grandes plaintes contre les chevaliers, de ce qu'ils reduifoient les nouveaux Chrétiens à une espece de fervitu de, & par là détournoient les autres d'embraf. Liv.LXXXI. fer la foi en forte que leurs armes nuifoient à la religion, pour laquelle ils les avoient prifes. Voyez entre-autres le reglement du legat Jacques Pantaleon en 1249. Enfin de ces conquê- hift. liv. tes fur les Payens font venus les duchez de Pruffe & de Curlande.

Les Croifades de la Terre fainte degenererent aufli avec le tems en affaires temporelles, dont la religion n'étoit plus que le pretexte. Outre les conqueftes des royaumes & des principautez, ces entreprifes produifirent des effets moins brillans, mais plus folides; l'accroiffement de la navigation & du commerce qui enrichit Venife, Genes & les autres villes maritimes d'Italic. L'experience des premieres Croifades fit voir les inconveniens de faire par terre une marche de cinq ou fix cens lieues pour al

ler

gagner C. P. & la Natolic. On prit le che

min de la mer beaucoup plus court, beaucoup plus court, & les

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Croi

2.2.

LXXXIII.

1.5.

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