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Cette liqueur eft probablement un compofé de jeunes Polypes, ou d'œufs de Polypes. Ces œufs, ou s'attachent aux corps étrangers qu'ils rencontrent & y forment de nouvelles générations, ou bien ils reftent fixés fur la branche paternelle, y vivent & y meurent, après avoir produit des milliers d'autres Polypes, qui à leur tour fe multiplient, fe defsèchent, & forment, avec le temps, ces branches magnifiques, l'ornement des cabinets, & fi longtemps l'écueil des conjectures. C'eft cette formation dont je viens de présenter une idée, qu'il est intéreffant d'obferver; c'eft cette goutte de lait convertie en un fuperbe arbriffeau, & métamorphofée, par le laps des temps, en une matière dure, pierreuse, fufceptible du plus beau poli, dont il faut développer la génération, quoiqu'elle fe cache à nos dans les abîmes de la mer.

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yeux Le Polype meurt; mais en mourant, il n'est il n'eft pas, comme le grand nombre des animaux, foumis à une diffolution qui en fait un objet de corruption & d'horreur. La mort du Polype eft une espèce d'offification. Il fe defsèche, durcit, & refte avec fa postérité attaché à la branche où il a pris naissance, pour ne faire, par la fuite, qu'un tout de même nature. Il paroît, d'après cela, aifé de concevoir com ment le Corail peut former infenfiblement des branches très-étendues par des couches tant horizontales que perpendiculaires de Polypes durcis & offifiés. ·

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Le Polype eft mort, & il ne refte de lui, après fa mort, qu'une matière pierreufe, mais tendre. Cette matière eft augmentée par les fecrétions abondantes des Polypes vivans, par leurs propres enveloppes, c'eft-à-dire, par les loges qu'ils fe font formées, lesquelles, entaffées les unes fur les autres, groffiffent les branches, en forment de nouvelles qui d'abord font grêles, foibles, & quelquefois creufes. Elles fe brifent avec la plus grande facilité, & fe réduisent fous les doigts en une poudre très-fine & même en pâte, lorfqu'elles fortent de la mer. Ce fecond état est encore bien éloigné de celui où ce même Corail va devenir auffi dur que le marbre. Suivons une métamorphofe fi intéreffante...

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Du fommet des branches de cette extrémité où habite le plus grand nombre des Polypes vivans, il découle de temps à autre une efpèce de liqueur vifqueufe, qui paroît remplir les interftices des loges, & contribue à former autour des branches un épiderme, une véritable écorce, une couche excentrique qui en augmente l'épaiffeur. Etendue fur toutes les branches, elle s'y sèche; mais elle ne fe durcit, elle n'acquiert la folidité de la fubftance intérieure, elle ne s'identifie avec elle qu'autant qu'elle a été recouverte par plufieurs autres couches. C'est ainsi que le liber des arbres n'obtient la dureté du bois que par l'addition de plufieurs autres couches de liber. Si cette liqueur de Polypes, coulant le Part. II.

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long des branches, rencontre quelque corps étranger, elle les recouvre, & on les trouve enfuite renfermés dans la fubftance intérieure.

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Il eft donc très-effentiel de diftinguer le Polype du Corail, d'avec ce que l'on appelle le Corail proprement dit. Le premier croît felon les règles de la génération, d'une génération, il eft vrai, particulière aux Polypes. Le Corail, au contraire, produit par les Polypes, n'augmente, comme les minéraux, que par juxta pofition, à-peu-près comme la coquille du Limaçon, par de nouvelles couches appliquées fucceffivement fur les premières. Ces obfervations, que j'ai fuivies avec toute l'attention poffible, que l'on ne peut trop s'appliquer à vérifier, & qu'il eft même aifé de reconnoître fur certains morceaux de Corail hors de l'eau ; ces obfervations, dis-je, expliquent comment 'le Corail achève de fe durcir, pourquoi le tronc & les premières branches font fortes, très- groffes, tandis que les dernières font petites, grêles, friables. Plus une branche est ancienne, plus elle a multiplié fon épiderme, plus elle l'a renouvellé, & toujours en augmentant en groffeur ainfi qu'en dureté.

Une branche de Corail n'eft donc plus une pierre, ce n'eft plus une plante, ce n'eft pas non plus un animal, mais une fimple production animale, c'est la métamorphofe d'un millier de Polypes; c'est un très-bel arbre généalogique où le Polype aïeul eft

recouvert par la nombreuse postérité de ses enfans, où le fils devient le tombeau du père, & où tous enfemble ne perdent l'existence que pour retrouver, fous une forme nouvelle, & dans ces générations confondues & réunies, un état plus durable, plus brillant, acquérant par la vieilleffe, & fe fortifiant avec les années..

Parmi tous ces Polypes, les uns, fidèles à leurs aïeux, n'abandonnent jamais la branche paternelle; ils y vivent, ils y meurent. D'autres, jaloux d'être les auteurs d'une nouvelle génération, s'arrachent de cette antique fouche, & jettent fur un rocher, fur un corps dur quelconque, fur du bois, fur des os, les fondemens d'une nombreuse famille. Si une branche se brife, & qu'elle retombe fur d'autres branches, elle s'y fixe, & fe trouve comme entée fur fes aïeux les plus reculés.

Le meilleur Corail eft toujours le plus vieux, le plus dur, celui que la vase a recouvert, & qui ne fort de l'eau que chargé de fange. Quand le Corail n'a plus de Polypes, il n'augmente plus en étendue, il ne produit plus de branches; mais il fe bonifie, il se durcit. Celui que l'on retire en cet état eft beaucoup plus ferré, plus pefant que celui où il y a des Polypes, Les Corailleurs l'apprécient bien davantage.

Le Corail, fur-tout dans fon état de vieilleffe, eft fouvent carié. Quelquefois aucune ouverture

ne paroît au dehors, mais on le reconnoît aisément à fa légéreté. En le brifant on y trouve une foule de trous longs & droits, à-peu-près comme ceux que les vers font dans le bois. Je foupçonne qu'il a été réduit en cet état par quelque vers qui fe nourrit des Polypes du Corail, qui fe loge parmi par être enfeveli au milieu de ces eux, & qui finit Polypes durcis. Il paroît même que ces vers attaquent la substance du Corail dans fon état de dureté, puifqu'on la trouve rongée, particuliérement à la bafe, & dans les plus fortes branches. J'ai fouvent obfervé dans ces trous un ver mol d'un demi-pouce de long, de couleur blanche, & de la forme d'un boyau vuide; je ne l'ai jamais rencontré vivant. Il étoit quelquefois renfermé dans les branches du Corail, fans aucune apparence d'ouverture au dehors: mais il est beaucoup de trous abfolument vuides.

Le Corail rouge eft le plus commun & prefque le feul que l'on pêche dans les mers de la Barbarie; cette couleur offre des nuances très variées. II s'en trouve auffi, mais bien rarement, d'une belle couleur de chair, & plus rarement encore d'un beau blanc de lait.

Le Corail ne vient pas indifféremment dans toutes fortes de fonds. L'on n'en trouve point dans le fable ni dans la vafe. Il lui faut un corps folide fur lequel il puiffe fe fixer. Il ne croît qu'autour

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