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font ici fort mal reçûs. Je poutrois me retirer, répondit Don Pedre, choqué de ces paroles, fi vous m'en aviez prié de meilleure grace; mais je veux demeurer pour vous apprendre à parler. Voyons donc, reprit le Maître du concert, en tirant fon épée, qui de nous deux cedera la place à l'autre.

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Don Pedre mit auffi l'épée à la main, & ils commencerent à fe battre. Quoique le Maître de la ferenade s'en acquittât avec affez d'adreffe, il ne put parer un coup mortel qui lui fut porté, & il tom ba fur le carreau. Tous les Acteurs du concert qui avoient déja quitté leurs inftrumens & tiré leurs épées pour accourir à fon fecours, s'avancerent pour le venger. Ils attaquerent tous enfemble Don Pedre, qui dans cette occafion montra ce qu'il fçavoit faire. Outre qu'il paroit avec une agilité fur

prenante toutes les bottes qu'on lui portoit, il en pouffoit de furieufes, & occupoit à la fois tous ses ennemis.

Cependant ils étoient fi opiniâ tres & en fi grand nombre, que tout habile efcrimeur qu'il étoit, il n'auroit pû éviter fa perte, fi le Comte de Belflor, qui paffoit alors par cette ruë, n'eût pris fa défenfe. Le Comte avoit du cœur & beaucoup de générofité. Il ne put voir tant de gens armés contre un feul homme fans s'intereffer pour lui. Il tira fon épée, & courant fe ranger auprès de Don Pedre, il pouffa fi vivement avec lui les Acteurs de la ferenade, qu'ils s'enfuirent tous, les uns bleffés, & les autres de peur de l'être.

Après leur retraite,l'écolier voulut remercier le Comte du fecours qu'il en avoit reçû. Mais Belflor Finterrompit laiffons-là les difcours, lui dit-il ; n'êtes-vous point

bleffé? Non, répondit Don Pe dre. Eloignons-nous donc d'ici, reprit le Comte. Je vois que vous avez tué un homme. Il est dangereux de vous arrêter plus longtems dans cette ruë; la juftice Vous y pourroit furprendre. Ils marchérent auffi-tôt à grands pas, gagnérent une autre ruë, & quand ils furent loin de celle où s'étoit donné le combat, ils s'arrê térent.

Don Pedre,pouffé par les mouvemens d'une jufte reconnoiffance, pria le Comte de ne lui pas cacher le nom du Cavalier à qui il avoit tant d'obligation. Belflor ne fit aucune difficulté de le lui apprendre, & il lui demanda auffi le fien; mais l'écolier ne voulant pas fe faire connoître, répondit qu'il s'appelloit Don Juan de Matos & l'affura qu'il fe fouviendroit éternellement de ce qu'il avoit fait pour lui.

Je veux, lui dit le Comte, vous offrir dès cette nuit une occafion de vous acquitter envers moi. J'ai un rendez-vous qui n'eft pas fans péril. Jallois chercher un ami pour m'y accompagner. Je connois votre valeur. Puis-je vous propofer Don Juan, de venir avec moi? Ce doute m'outrage repartit l'écolier. Je ne fçaurois faire un meilleur ufage de la vie que vous n'avez confervée, que de l'expofer pour vous. Partons, je fuis prêt à vous fuivre. Ainfi Belflor conduifit lui-même Don Pedre à la maifon de Don Luis, & ils entrérent tous deux par le balcon dans l'appartement de Léonor.

Don Cléophas en cet endroit interrompit le Diable : Seigneur Afmodée, lui dit-il, comment eft> il poffible que Don Pedre ne reconnût point la maifon de fon pere? Il n'avoit garde de la recons

noître, répondit le Démon; c'étoit une nouvelle demeure. Don Luis avoit changé de quartier, & logeoit dans cette maison depuis huit jours; ce que Don Pedre ne fçavoit pas. C'est ce que j'allois vous dire lorfque vous m'avez interrompu. Vous êtes trop vif, vous avez la mauvaise habitude de couper la parole aux gens. Corrigezyous de ce défaut-là.

Don Pedre, continua le Boiteux, ne croyoit donc pas être chez fon pere. Il ne s'apperçut pas non plus que la perfonne qui les introduifoit, étoit la Dame Marcelle, puifqu'elle les reçut fans lumiere dans une anti chambre, où Belflor pria fon compagnon de refter pendant qu'il feroit dans la chambre de fa Dame. L'écolier y confentit, & s'affit fur une chaife l'épée nuë à la main, de peur de furprife. Il fe mit à rêver aux faveurs dont il jugea que l'Amour

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