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alloit combler Belflor, & il fou haitoit d'être auffi heureux que lui; quoiqu'il ne fût pas maltrai té de fa Dame inconnue, elle n'avoit pas encore pour lui toutes les bontés que Léonor avoit Comte.

pour le

Pendant qu'il faifoit là-deffus toutes les réflexions que peut fai re un Amant paffionné, il enten dit qu'on effayoit doucementdouvrir une porte qui n'étoit pas celle des Amans, & il vit paroître de la lumiere par le trou de la ferrure. Il fe leva brufquement, s'avan ça vers la porte qui s'ouvrit, & préfenta la pointe de fon épée à fon pere; car c'étoit lui qui venoitdans l'appartement de Léonor pour voir file Comte n'y feroit point. Le bonhomme ne croyoit pas, après ce qui s'étoit paffé, que fa fille & Marcelle, euffent ofé le recevoir encore; c'eft ce qui l'avoit empêché de les faire cou

cher dans un autre appartement. I s'étoit toutefois avifé de penfer que devant entrer le lendemain dans un Convent, elles auroient peutêtre voulu l'entretenir pour la derniere fois.

Qui que tu fois, lui dit l'écolier, n'entre point ici, ou bien il t'en coûtera la vie. A ces mots, Don Luis envisagea Don Pedre, qui de fon côté le regarde avec attention. Ils fe reconnoiffent. Ah! mon fils, s'écrie le vieillard, avec quelimpatience je vous attendois ! pourquoi ne m'avez-vous pas fait avertir de votre arrivée? Craignezvous de troubler mon repos Hélas je n'en puis prendre dans la cruelle fituation où je me trouye! O mon pere! dit Don Pedre, toute éperdu, eft-ce vous que je yois? Mes yeux ne font-ils point déçus par une trompeuse reffem

blance? D'où vient cet étonnement, reprit Don Luis? N'êtes

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vous pas chez votre pere? Ne Vous ai-je pas mandé que je demeure dans cette maifon depuis huit jours? Jufte Ciel! repliqua l'écolier, qu'est-ce que j'entends? Je fuis donc ici dans l'appartement de

ma fœur.

Comme il achevoit ces paroles, le Comte qui avoit entendu du bruit & qui crut qu'on attaquoit fon escorte, fortit l'épée à la main de la chambre de Léonor. Dès que le vieillard l'apperçut, il devint furieux, & le montrant à fon fils: Voilà, s'écria-t'il, l'audacieux qui a ravi mon repos, & porté à notre honneur une mortelle atteinte. Vengeons-nous. Hâtons-nous de punir ce traître. En difant cela, ik tira fon épée qu'il avoit fous fa robe de chambre, & voulut attaquer Belflor; mais Don Pedre le retint. Arrêtez, mon pere, lui ditil, moderez, je vous prie, les tranf ports de votre colére. Quel eft Tome I.. M

votre deffein? mon fils, répondit le vieillard, vous retenez mon bras. Vous croyez, fans doute, qu'il manque de force pour nous venger. Hé bien, tirez donc raifon vous-même de l'offenfe qu'on nous a faite, auffi-bien eft-ce pour cela que je vous ai mandé de revenir à Madrid. Si vous périffez, je prendrai votre place. Il faut que le Comte tombe fous nos coups, ou qu'il nous ôte à tous deux la vie, après nous avoir ôté l'honneur.

Mon pere, reprit Don Pedre, je ne puis accorder à votre impatience ce qu'elle attend de moi. Bien loin d'attenter à la vie du Comte,je ne fuis venu ici que pour la défendre. Ma parole y eft en gagée. Mon honneur le demande. Sortons, Comte, pourfuivitil, en s'adreffant à Belfor. Ah! lâ che, interrompit Don Luis en regardant Don Pedre d'un œil irri

té, tu t'oppofes, toi-même, à une vengeance, qui devroit t'occuper tout entier! Mon fils, mon propre fils eft d'intelligence avec le perfide qui a fuborné ma fille! Mais n'efpere pas tromper mon reffentiment. Je vais appeller tous mes domestiques,je veux qu'ils me vengent de fa trahifon & de ta lâcheté.

Seigneur, repliqua Don Pedre, rendez plus de juftice à votre fils. Ceffez de le traiter de lâche: ilne merite point ce nom odieux. Le Comte m'a fauvé la vie cette nuit. Il m'a propofé, fans me connoître, de l'accompagner à fon rendez-vous. Je me fuis offert à partager les périls qu'il y pouvoit courir, fans fçavoir que ma reconnoiffance engageoit impru demment mon bras contre l'honneur de ma famille. Ma parole m'oblige donc à défendre ici fes jours. Par-là je m'acquitte envers

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