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porte.

C'eft la meilleure. Qu'on me l'ap En effet, admirez le charme de cette lecture, dès la troifiéme page la Dame s'est endormie profondément.

Il y a dans les écuries de ce même hôtel, un pauvre foldat manchot que les palfreniers, par charité, laiffent la nuit coucher fur la paille. Pendant le jour il demande Paumône, & il a eu tantôt une plaifante conversation avec un autre gueux, qui demeure auprès du Buen-retiro, fur le paffage de la Cour. Celui-ci fait fort bien ses affaires. Il eft à fon aife & il a une fille à marier, qui paffe chez les mandians pour une riche héritière. Le foldat abordant ce pere aux Maravedis, luia dit: Segnor Men digo, j'ai perdu mon bras droit. Je ne puis plus fervir le Roi, & je me vois réduit, pour fubfifter, à faire comme vous des civilités aux paf fans. Je fçai bien que de tous les

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métiers, c'est celui qui nourrit le mieux fon homme, & que tout ce qui lui manque, c'est d'être un peu plus honorable. S'il étoit honorable, a répondu l'autre, il ne vau droit plus rien; car tout le monde s'en mêleroit.

Vous avez raifon, a repris le manchot: Oh ça, je fuis donc un de vos confreres, & je voudrois m'allier avec vous. Donnez-moi votre fille. Vous n'y penfez pas, mon ami, à répliqué le richard. Il lui faut un meilleur parti. Vous n'êtes point affez eftropié pour être mon gendre. J'en veux un qui foit dans un état à faire pitié aux ufuriers. Eh! ne fuis-je pas, dit le fol dat, dans une affez déplorable fi tuation? Fi donc, a reparti l'autre brusquement! Vous n'êtes que manchot, & vous ofez prétendre à ma fille? Sçavez-vous bien que je l'ai refufé à un cul-deJatte.

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J'aurois tort, continua le Dia-
ble, de paffer la maison qui joint
l'hôtel de la Comteffe, & où de
meure un vieuxPeintre yvrogne,&
un Poëte cauftique. Le Peintre eft
forti de chez lui ce matin à fept
heures dans le deffein d'aller cher-
cher un Confeffeur pour fa fem-
me malade à l'extrêmité; mais
il a rencontré un de fes amis qui
l'a entraîné au cabaret, & il n'eft
revenu au logis qu'à dix heures
du foir. Le Poëte, qui a la répu-
tation d'avoir eu quelquefois de
triftes falaires pourfes Vers mor
dans, difoit tantôt d'un air fan-
faron, dans un caffé, en parlant
d'un homme qui n'y étoit
C'eft un faquin à qui je veux don-
ner cent coups de bâton. Vous
pouvez, a dit un railleur, les lui
donner facilement, car vous êtes
bien en fonds.

pas:

Je ne dois pas oublier une fcéne qui s'eft paffée aujourd'hui

chez

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chez un Banquier de cette rue, nouvellement établi dans cette Ville. Il n'y a pas trois mois qu'il eft revenu du Perou avec de grandes richeffes. Son pere eft un honnête Capareto de Viejo de Mediana, gros village de la Caftille vieille, auprès des montagnes de Sierra d'Avila, où il vit très-content de fon état avec une femme de fon âge, c'est-à-dire, de foixan

te ans.

Il y avoit un temps confiderable que leur fils étoit forti de chez eux, pour aller aux Indes chercher une meilleure fortune que celle qu'ils lui pouvoient faire. Plus de vingt années s'étoient écoulées depuis qu'ils ne l'avoient vû. Ils parloient fouvent de lui. Ils prioient le Ciel tous les jours de ne le point abandonner; & ils ne manquoient pas tous les Dimanches de le faire recommander au

* Savetier,

Tome I,

X

prône par le Curé, qui étoit de leurs amis.Le banquier,de fon côté, ne les mettoit point en oubli. Dabord qu'il eut fixé son rétablisfement, il réfolur de s'informer par lui-même de la fituation où ils pouvoient être. Pour cet effet, après avoir dit à fes domeftiques de n'être pas en peine de lui, il partit, il y a quinze jours,à cheval, fans que perfonne l'accompagnât, & il fe rendit au lieu de fa naiffance.

Il étoit environ dix heures du foir, & le bon Savetier dormoit auprès de fon époufe, lorsqu'ils fe réveillerent en furfaut, au bruit que fit le banquier en frappant à la porte de leur petite maifon. Ils demanderent qui frappoit. Ou vrez, ouvrez, leur dit-il, c'eft votre fils Francillo. A d'autres, répondit le bonne homme. Paffez votre chemin, voleurs, il n'y a rien à faire ici pour vous, Francillo

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