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pur

intentionnez, il mena l'armée contre les Mamertins comme contre des
Barbares qui occupoient Meffine. Campé auprès de Centoripe, il
range fon armée en bataille le long du Cyamozore, tenant à l'écart la
cavalerie & l'infanterie Syracufaine, comme s'il en eût eu affaire dans
un autre endroit. Il n'oppose aux Mamertins que les foldats étrangers,
les laiffe tous tailler en pièces, & pendant le carnage il retourne tran-
quillement à Syracufe avec les troupes de la ville. L'armée ainsi
gée de tout ce qui pouvoit y caufer des troubles & des féditions, il
leva par lui-même un nombre fuffifant de troupes à fa folde, & remplit
enfuite paisiblement les devoirs de fa charge. Les Barbares fiers de
leurs premiers fuccès fe répandant dans la campagne, il marcha contre
eux avec les troupes Syracufaines qu'il avoit bien armées & bien aguer-
ries, & leur livra la bataille dans la plaine de Mile fur le bord du Lon-
ganus. Une grande partie des ennemis refta fur la place, & les Chefs
furent pris prifonniers. Retourné à Syracuse, il y fut déclaré Roi par

tous les alliez.

mertins

implo

nent le

mains.

La perte de cette bataille jointe à la prise de Rhége dérangea entié- Les Mar rement les affaires des Mamertins. Les uns eurent recours aux Carthaginois, aufquels ils fe livrérent eux & leur citadelle. Les autres aban- rent & donnérent la ville aux Romains, & les firent prier de venir à leur fe- obtiencours: grace, difoit-on, qu'ils ne pouvoient refufer à des gens qui fecours étoient de même nation qu'eux. Les Romains héfitérent longtems fur des Roce qu'ils répondroient. Ĉette demande leur parut d'abord tout à fait déraisonnable. Après avoir puni avec une extrême févérité leurs propres citoiens pour avoir trahi les Rhéginois, ils ne pouvoient avec justice envoier du fecours aux Mamertins, qui s'étoient emparez par une femblable trahison non feulement de Meffine, mais encore de Rhége; d'un autre côté il étoit à craindre que les Carthaginois, déjà maîtres de l'Afrique, de plufieurs Provinces de l'Ibérie & de toutes les Ifles des mers de Sardaigne & de Tyrrhénie, s'emparant encore de la Sicile, n'envelopaffent toute l'Italie & ne devinffent des voifins formidables, & l'on voioit clairement qu'ils fubjugueroient bientôt cette Ifle, fi l'on ne fecouroit les Mamertins. Mefline leur étant abandonnée, ils ne tarderoient pas longtems à prendre Syracufe. Souverains, comme ils étoient, de prefque tout le refte de la Sicile, cette expédition leur devoit être aifée. Les Romains prévoiant ce malheur & jugeant qu'il ne falloit pas perdre Meffine, ni permettre aux Carthaginois de fe faire par là comme un pont pour paffer en Italie, furent longtems à délibé

eût pû les dépaïfer & les envoier dans les armées, avec ordre aux Généraux de les exterminer.

Il y a quelques Empereurs Turcs qui ont cher ché à détruire leurs Janiflaires par un femblable fecret que celui de Hieron : s'ils n'ont pas réüffi, ils ont dû s'en prendre à leur lâcheté; car pour

rer.

imiter le Roi de Syracufe il faut en avoir le cou
rage & la prudence; ce n'eft pas affez, on doit
les mener foi-même à la guerre, les précipiter
dans le piége, fans qu'il y paroiffe & fans s'y laif-
fer prendre.

cufains

rer. Le Sénat même partagé également entre le pour & le contre, ne voulut rien décider. Mais le peuple accablé par les guerres précédentes & fouhaitant avec ardeur de réparer fes pertes; pouffé encore à cela tant par l'intérêt commun, que par les avantages dont les Préteurs flatoient chaque particulier, le peuple, dis-je, fe déclara en faveur de cette entreprise & l'on en dreffa un plébifcite. Appius Claudius, l'un des Confuls, fut choisi pour conduire le fecours, & on le fit partir Meffine. Les Mamertins auffitôt, partie par menaces, partie par furprife, chafférent de la citadelle le Préteur qui y commandoit de la part des Carthaginois, appellérent Appius & lui ouvrirent les portes de la ville; & l'infortuné Préteur, foupçonné d'imprudence & de lâcheté, fut attaché à un gibet.

pour

Défaite Les Carthaginois, pour reprendre Meffine, firent avancer auprès des Syra- du Pélore une armée navale, & placérent leur infanterie du côté de & des Sénes. En même tems Hiéron profite de l'occasion qui se présentoit de Cartha chaffer tout à fait de la Sicile les Barbares qui avoient envahi Mesline, ginois. il fait alliance avec les Carthaginois, & auffitôt part de Syracuse pour les aller joindre. Il campe vis à vis d'eux proche la montagne nommée Chalcidique & ferme encore le paffage aux affiégez par cet endroit. Cependant Appius Général de l'armée Romaine traverse hardiment le détroit pendant la nuit (a) & entre dans la ville. Mais la voiant

(a) Cependant Appius Général de l'armée Romaine traverse hardiment le détroit pendant la nuit.]. Ce paffage des Romains en Sicile n'a rien de remarquable dans notre Auteur, que le bonheur de leur Général, qui traverse un detroit à la faveur des ténébres & de la négligence du Général Carthaginois.

S'il faut s'en rapporter à Frontin, cette entreprife du Conful eft bien plutôt le fruit de la fageffe & de l'habileté de ce Général que l'ouvrage de la fortune. Il dit que ne pouvant paffer le detroit de Meffing, occupé par les Carthaginois, il fit mine d'abandonner cette entreprise & de retourner du côté de Rome avec tout ce qu'il avoit de troupes de débarquement, que fur cette nouvelle les ennemis qui bloquoient Meffine du côté de la mer, s'étant retirez comme s'il n'y avoit plus rien à craindre, Claudius revira de bord & pafla fans danger. Ce ftratagême me paroît trèsvraisemblable. Il ôte par là ce qu'il y avoit d'imprudent dans cette entreprife, & releve la gloire des Romains, fans rien diminuer de l'imprudence de l'Amiral Carthaginois.

Quelques Auteurs prétendent qu'Appius paffa ce détroit fur des radeaux, je ne fai fur quel fondement, à moins qu'ils n'aient pris rates pour un radeau. S'ils l'ont fait pour rendre cette action plus merveilleuse, ils ne pouvoient mieux choifir mais ils n'ont pas pris garde que le merveilleux paffe le romanefque; Ceux qui connoif

pref

fent le détroit de Meffine, & les dangers qu'il y a à éviter dans ce paffage, conviendront qu'il eft impoffible que des radeaux puiflent y naviguer.. Suppofant même que cela fe puiffe, c'eût été une grande folie à Claudius, de s'embarquer fur de tels bâtiments dans une conjoncture fí délicate; il falloit épier le tems & l'occasion, & ufer d'une extrême diligence pour paffer promptement le détroit & fe dérober à la vigilance de l'armée ennemie; cela fe pouvoit-il faire avec des bâtiments fi endormis? outre que le trajet de Rhé. ge à Meffine eft de plus de cinq lieues; à peine eût-il pû le paffer en vingt-quatre heures avec de tels bâtiments. Je laiffe à penfer ce qu'il en feroit arrivé.

Les Auteurs Latins, qui fe font fervi du terme de rates, n'ont jamais prétendu que ce fuffent de véritables radeaux: mais fuppofe qu'ils euffent pris le terme fur ce pied-là, ils ne fe feroient pas moins trompez. Ils pourroient bien avoir pris cette imagination de Thucydide pour embellir cet endroit de la premiere guerre Punique: cet Auteur parlant douteufement des premiers habitans de la Sicile, dit que ceux qu'on nomme proprement Siciliens font paffez d'Italie fur des radeaux dans un tems calme, ou de toute autre façon. Cela peut fe faire lorfqu'on n'a aucun ennemi à craindre & qu'on prend une toute autre route que celle de Claudius. On fe fouviendra de la guerre de Spartacus, qui employa vainement des radeaux pour

preffée de tout côté, & faifant réflexion que ce fiége pourroit bien ne lui pas faire d'honneur, les ennemis étant maîtres fur terre & fur mer; pour dégager les Mamertins, il fit d'abord parler aux Carthaginois & aux Syracufains: mais on ne daigna pas feulement écouter ceux qu'il avoit envoiez. Enfin la néceffité lui fit prendre le parti de hazarder une bataille & de commencer par attaquer les Syracufains. Il met fon armée en marche, il la range en bataille & trouve heureusement Hiéron difpofé à fe battre. Le combat fut long, Appius remporta la victoire, repouffa les ennemis jufques dans leurs retranchemens, & après avoir abandonné la dépouille des morts aux foldats, il reprit le chemin de Mefline. Hiéron foupçonnant quelque chofe de finiftre de cette affaire, la nuit étant venue, retourna promptement à Syracufe. Cette retraite Retraite rendit Appius plus hardi; il vit bien qu'il n'y avoit de tems à perpas dre & qu'il falloit attaquer les Carthaginois. Il donne ordre aux foldats de fe tenir prêts, & dès la pointe du jour il va droit aux ennemis, en tue un grand nombre, & contraint le refte de fe fauver dans les villes circonvoifines: puis pouffant fa fortune, il fait lever le fiége

le paffer. Il fe pourroit bien que le terme de rates fignifiât un radeau plutôt qu'un vaiffeau, au moins je l'ai vû en ce fens dans Florus. Mais ce même Auteur ne dit pas un mot du paffage des Romains fur des radeaux. Un auffi habile abréviateur que lui auroit-il laiffe paffer un fait de cette importance, s'il en eût été perfuadé? Il ne l'ignoroit peut-être pas: mais il le regardoit comme un conte populaire. Cependant l'on voit des Savans qui le debitent tout bonnement & comme véritable. On ne doit faire honneur à certains faits qu'en ces deux cas; l'un lorfqu'il n'y a rien de romanefque ou qui ne foit trés-vraifem blable, & l'autre lorfqu'on veut s'en mocquer & les tourner en ridicule: mais, dira-t-on, à quoi eft-ce qu'Appius doit fon nom de guerre de Caudex? L'Abbe de Vertot nous l'explique, mais d'une maniere dont on ne fauroit s'empêcher d'être un peu furpris. Il dit que ce Général fut le premier qui à la faveur de quelques radeaux fit paffer des troupes dans la Sicile, ce qui lui fit donner le furnom de Caudex, comme aiant trouvé l'art de lier enfemble des planches pour en faire des vaiffeaux de tranfport. Je voudrois bien favoir où cet habile Ecrivain a trouvé cela. S'il l'a trouvé, je n'aurois pas voulu le mettre en vogue. Ne diroiton pas en lifant ce paffage qu'Appius étoit longtems avant le déluge, & que perfonne avant ce Général ne s'étoit avifé de monter fur mer & de naviguer fur d'autres bâtiments que fur des radeaux, & qu'on devoit à lui feul l'invention des vaiffeaux de tranfport: mais ce n'eft pas là où je trouve le plus à redire. L'Abbé de Vertot fuit fon Auteur. Il veut que les Romains aient pafLé en Sicile fur des radeaux ; j'y confens: mais que ces radeaux, fur lefquels le Romain fit paffer les troupes füffent des radeaux deux lignes

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il

d'Hié

ron.

plus haut, & des bâtiments de tranfport deux lignes
plus bas, la contradiction me paroît manifeste.
Comment cela fe peut-il faire? & comment
peut-on avancer qu'Appius foit l'inventeur des
vaiffeaux de charge? Il falloit que l'Auteur dont
l'Abbé de Vertot à tiré cette belle découverte
fût bien ignorant. Les Marchands fe fervoient-
ils d'autres vaiffeaux que de ceux de charge?
Plufieurs fiécles avant que les Romains fuflent au
monde, voioit-on d'autres bâtiments dans les
ports de l'Italie? A deux pas d'ici Polybe va nous
apprendre fi Appius paffa fur des radeaux. Les
Romains n'avoient pour faire paffer leurs trou-
pes à Meffine, dit-il, ni vaiffeaux pontez, ni de
tranfport, pas même une félouque: mais feulement
des bâtiments à cinquante rames, & des galéres
à trois bancs, qu'ils avoient emprunté des Taren-
tins, des Locres, des Eleates des Napolitains.
Ce fut fur ces vaiffeaux qu'ils oférent transporter
leurs armées lorsqu'ils traverferent le détroit. Cela
n'eft-il pas bien clair? Après cela qui ne riroit
de cette traverfée fur des radeaux & du nom de
guerre d'Appius? Cette attribution ne vint jamais
de la fource dont on la tire. Le terme de Cau-
dex ne fignifie pas plus un affemblage groffier
de plufieurs planches pour faire des barques ou
des navires de tranfport, qu'un homme lourd
& impoli, & ce furnom de Caudex pourroit
bien être le véritable d'Appius, quoiqu'en dife
Sénéque. Combien voit-on de gens qui paroif-
fent avec de tels dehors, qui ont pourtant l'ame
& le cœur très-élevez & des qualitez éminentes
ou pour la guerre ou pour toute autre chofo.
Encore une fois je ne faurois me perfuader, qu'on
fe foit fervi du furnom de Caudex qu'au teus
que je lui donne.

il ravage les campagnes des Syracufains & de leurs alliez, fans que perfonne ofât lui résister, & pour comble met enfin le fiége devant Syracufe.

S

OBSERVATIONS

Sur les deux combats de Meffine.

§. I.

Raifons de la premiere guerre des Romains contre les Carthaginois.

I nous éxaminons les motifs qui portérent les Romains à paffer en Sicile, le fiége de Meffine ne fut qu'un prétexte: mais le véritable fujet fut la conquête de cette Ile. Tous les Hiftoriens s'accordent à dire que cette guerre fut injufte. Je n'en vois pas la raifon. Il eût fallu pour la rendre telle, que Hiéron & les Carthaginois, & particuliérement ces derniers, euffent eû quelque droit fur la Sicile & fur les Mamertins. Ils n'en avoient point d'autre que celui de la bienféance. Sur ce principe on ne devoit les regarder qu'en qualité d'ufurpateurs. Si les Romains n'euffent pas entrepris cette guerre, je doute qu'ils euffent pû fe conferver la conquête de l'Italie, qu'ils euffent pû fe conferver eux-mêmes. Quand je confidére cette guerre, il me femble que leur paffage en Sicile & le fecours donné à ceux de Meffine, eft comme le premier pas qui devoit les conduire un jour à ce haut point de gloire & de grandeur où ils parvinrent dans la fuite.

Une faute, qui femble d'abord de peu de conféquence, fut la caufe éloignée de la ruine de Carthage & de la puiffance des Romains; car les fautes laiffent des queues fort loin dans l'avenir. En effet fi les Carthaginois euffent marqué un peu moins de négligence à bloquer Meffine du côté de la mer avec leurs forces navales, Claudius échouoit dans fon entreprise. La conquête de cette ville enlevoit aux Romains tout moien de paffer en Sicile. Ils n'avoient ni vaiffeaux, ni matelots, ni aucune connoiffance de la marine. Ils n'y euffent peut-être jamais penfé fans cette avanture. Les Carthaginois fe feroient non feulement emparez de Meffine; mais ils fe fuffent encore rendus maîtres de toutes les villes fur lefquelles ils n'avoient pas encore ofé entreprendre; & par cette conquête, qui leur ouvroit celle de la Sicile, les Romains fe trouvoient auffi peu en état de paffer dans cette Ifle & d'attaquer les Carthaginois, que de se défendre dans leur propre païs, contre une puiffance qui vraisemblablement n'en fût pas demeurée-là. La prife de Meffine leur ouvroit un paffage en Italie & les mettoit en fituation de tout tenter.

Les Romains s'apperçûrent bientôt du danger qui les menaçoit; plufieurs raifons les déterminérent à cette guerre. La juftice de leur caufe, leur propre falut, celui de leurs alliez & leurs intérêts particuliers, qui ne gâtent rien lorfqu'ils font joints au refte; on peut mettre encore en ligne de compte l'ambition déméfurée des Carthaginois, laquelle mit Rome dans la néceffité d'éviter un mal par un autre qui n'eft jamais fi grand, lorfqu'on cherche à le prévenir ou à empêcher qu'il n'arrive jufqu'à nous.

Une guerre de précaution contre un danger qui femble ne menacer que de loin, mais dont les menaces doivent être fuivies tôt ou tard des effets, eft néceffaire & par conféquent jufte. Elle n'eft même jufte qu'autant qu'elle eft néceffaire. Or fa justice

&

&fa néceffité ne font pas feulement fondées fur la confervation préfente d'un Etat: mais encore fur ce qu'on peut prévoir de l'avenir. C'est un mal qu'on prévient pour s'empêcher de tomber dans un plus grand.

S'il faut s'en rapporter au jugement d'une infinité d'Auteurs graves, il eft permis de prendre les armes contre une puiffance dont l'accroiffement nous pourroit nuire, & c'eft le confeil qu'on donnoit à Pyrrhus, qui vouloit, en très-mauvais politique, obferver le traité de paix fait avec Démétrius, tant qu'il fe trouveroit embaraffé dans une guerre. Mais une guerre eût mené Pyrrhus bien loin, & eût mis Démétrius en état de fe mocquer bientôt d'un Roi des Epirotes. Pyrrhus fuccomba à la tentation comme tant d'autres qui y fuccombent, fans qu'on puiffe y trouver à dire. Si l'on confulte Grotius, il vous dira qu'il demeure d'accord que lorsqu'on délibére fi l'on fera la guerre, on peut mettre auffi cette grande puissance en confidération, non comme une raifon de justice, mais comme une raifon d'intérêt, enforte que fi l'on a déjà un juste fujet de faire la guerre, cette feconde raison fait voir qu'outre la justice, il y a auffi de La prudence de l'entreprendre. Grotius entend par cette raison d'intérêt, une raison qui regarde notre falut ou notre liberté, & par là elle devient une raifon de juftice. Ceci fe confirme puiffamment par un paffage que je vais citer. Comme je ne me fouviens point du nom de l'Auteur, quelqu'un un peu mieux fourni de mémoire que je ne le fuis, s'en fouviendra. Il fe pourroit bien que je l'euffe lû dans Grotius. Il y a une maxime conforme à la doctrine des Peres & des meilleurs Scholaftiques, dit cet Au-teur, qui porte que l'accroiffement des Rois voifins eft un fujet fuffifant pour leur faire la guerre; car la liberté eft une chofe que les droits divins & humains nous permettent d'aimer fi chérement, que l'appréhenfion d'être privé d'un fi grand bien, juftifie tout ce que nous faifons pour le conferver.

La guerre de 1701. n'eut d'autre fondement que la trop grande puiffance de la France; nos ennemis n'auroient-ils pas mieux fait d'alléguer cette raifon fondée fur la maxime précédente, que tant d'autres dont ils remplirent leurs Manifeftes? Il leur fuffifoit de prendre pour texte de tous leurs écrits (fi l'autorité des Peres n'étoit pas: affez grave) ce paffage de Thucydide. Celui-là qui fait le moins de grace à fes ennemis & qui fouffre moins leur agrandiffement, eft celui qui a le moins de fujet de fe repentir &qui vit en plus grande affurance.

Polybe ne fe répand pas beaucoup en raifonnemens fur le principe de cette guerre des Romains; finon qu'il la croit injufte. Je ne fuis point de fon avis. Rome n'e toit pas en droit de punir les Mamertins; leur crime étoit infame, je l'avoue: mais comme ce peuple n'étoit pas fujet des Romains, ce n'étoit pas non plus à ceux-ci de les châtier, comme ils firent ceux de Rhége pour une perfidie fur un même & femblable modéle. C'étoit aux Souverains & aux autres puiffances de la Sicile de prendre la caufe des opprimez, de faire la guerre aux Mamertins, de les chaffer de Meffine & de remettre cette ville à fes anciens habitans.

Si Hiéron & les Carthaginois euffent affiégé les Mamertins par le feul motif de pu nir leur perfidie & de rendre cette ville à fes légitimes maîtres, la guerre des Romains eût été contre toute forte de juftice: mais l'on peut voir que cette guerre n'étoit fon-dée fur aucune de ces raifons. Si les Carthaginois euffent agi dans cette affaire felon les loix de l'honnête, rien ne les empêchoit de les mettre en éxécution. Les Mamertins leur avoient abandonné leur citadelle; quel plus beau prétexte de les chaffer de la ville, & de s'en rendre les maîtres, que celui de venger leur infidélité & l'atrocité de leur crime? C'étoit perdre leur occafion & le droit de premier occupant, ils ne s'en aviférent pas; ils entreprirent enfuite une guerre fondée feulement fur ce qu'ils avoient été chaffez de la citadelle où ils n'avoient aucun droit, les habitans leur en avoient feu-

le

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