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feize de celle des Galates. A quoi tenoit-il, encore une fois, que ceux-ci de leur cô té, & les Romains de l'autre, ne fiffent voir par une rufe & un fecret ignoré jusqu'alors, & qui n'a été connu que quelque tems après, que ces animaux n'étoient que des groffes bêtes, & qu'elles avoient certains foibles, comme certains hommes, qui affrontent les plus grands dangers, & qui s'épouvantent à la vûe d'une fouris, d'un chat, d'une anguille, &c. Si Régulus & le Géneral Galate avoient fû que le cri d'un cochon étoit capable de porter la terreur & l'épouvante dans le cœur de ces animaux, & de les mettre en fuite, il n'eût eu garde de manquer d'oppofer une ligne de cent cochons à celle des cent éléphans de Xantippe: & en ce cas celui-ci ne perdoit-il pas la bataille? Car ces cent éléphans fuffent tombez fur leurs propres gens, & les euffent mis en défordre; & les Romains donnant là-deffus, je laiffe à penfer ce qu'il en feroit arrivé. Régulus jufte & équitable, comme il étoit, eût fans doute imité Antiochus, il eût fait le même compliment à fes foldats, & fait élever pour trophée un cochon. J'ai trouvé ce fecret dans Procope. Ce feroit furieufement négliger les régles des affortimens, fi je ne rapportois pas le paffage.

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,, Quand Cofroës affiégea Edeffe, il y avoit dans fon armée un prodigieux éléphant, qui portoit une tour semblable à la machine que l'on appelle Hélépole, & dans » cette tour un grand nombre de vaillans hommes, qui faifoient pleuvoir une grêle de traits dans la ville de forte que ceux qui gardoient le tour des murailles, furent obligez de fe retirer; mais à l'inftant même ils évitérent le danger, par le moien d'un ,, porc qu'ils attachérent au haut de la tour, & dont le cri un peu plus perçant que de ,, coûtume, effaroucha l'éléphant & le fit reculer. Ce n'eft que depuis ce fiége que les Romains apprirent, dit l'Auteur, cette rufe de rendre les éléphans inutiles. A la guerre les fautes ne font jamais petites, le Lecteur fe le tiendra pour 'dit dit, une feule peut tout perdre, & Régulus en fait deux. S'il eût fû profiter de l'avantage qu'il remporta à la droite de fon infanterie, car celle-ci aiant enfoncé & mis en fuite les étrangers foudoiez, pafférent outre & fe mirent à leurs trouffes; fans s'embaraffer ni fans prendre garde à ce qui fe paffoit, ou alloit arriver à leur gauche, & que cette aîle victorieufe eût tourné fur l'aîle de la phalange, les affaires euffent peut-être changé de fa ce. Xantippe, profitant habilement de cette étourderie, & de l'avantage de fa cavalerie & de fes eléphans, attaque les Romains de toutes parts, & les taille en piéces.

Il y a peu de batailles où les Généraux d'armées puiffent trouver de plus belles leçons de tactique que dans celle-ci. Attilius Régulus eft le premier après les Grecs, à qui nous fommes redevables du fyftême des colonnes, & le feul devant les Grecs qui ait combattu fur une ligne de colonnes parfaites. C'eft donc à lui que nous devons cet ordre, & non à Scipion. Varron avant celui-ci, ou fon Collégue, s'en étoit fervi à Cannes, quoique cela ne paroiffe pas dans la traduction de Cafaubon, qui faute de termes propres pour expliquer cette évolution, n'a pû débrouiller ce miftére. Il faut plus que favoir le Grec, pour bien traduire ces endroits d'un Auteur militaire. Si Dom Thuillier n'avoit fû ce que c'étoit que cette évolution, l'ordre de bataille de Cannes nous feroit encore inconnu.

Lorfque l'on combat par colonnes contre un ennemi plus fort, & qui ne répond pas dans le même ordre, fa fupériorité ne lui fert de rien. Le nombre d'une arme fur une autre, n'eft d'aucune confidération pour un Général habile, & expérimenté dans l'infanterie j'entens habile dans l'infanterie celui qui en connoît la force: or ceux-ci font très-rares en tout tems & en tous lieux.

Après tant de réfléxions & de remarques, finiffons par d'autres, qui ne font pas moins importantes pour l'inftruction des gens de guerre. Notre méthode de ranger

l'infanterie eft imparfaite & foible, dès qu'on la met en regard avec celle que je propofe. Tel Général, qui fe voit fupérieur en infanterie, & foible en cavalerie, s'il s'embarque dans les plaines, muni feulement de ce qu'il a appris de la routine & de l'ufage, ne fait plus où il en eft: la tête lui tourne, il ne trouve aucun reméde, & bientôt il porte la peine de fa témérité, ou il cherche au plutôt un azile par un délogement précipité. Il aime mieux abandonner les plaines à l'ennemi, & les voir défoler à fon aife, que de l'y chercher & de l'attaquer dans fon avantage. Il reste dans une honteufe inaction, & dans une défenfive toujours ruineufe à la réputation de fon Prince, & à la fienne propre. Il abandonne tout un païs, & des Provinces entiéres, fans ofer paroître lorfqu'il le pourroit avec gloire, en fe gouvernant par un fyftême différent de celui que nous fuivons communément; car à moins qu'il n'y ait une trop grande difproportion de forces, rien ne doit nous empêcher de tenter la fortune, perfuadez que l'adreffe, le courage, l'intelligence, qui réglent notre maniére de combattre, fuppléent toujours au défaut du nombre.

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Il y a diverfes maniéres de ranger une armée en bataille dans un païs de plaine, lorfqu'elle fe trouve inférieure à celle de l'ennemi, foit que celui-ci le furpaffe par le nombre à tous égards, foit par la fupériorité d'une arme favorable au terrain, que l'autre n'a pas. Ce que l'ennemi à de plus de troupes à fes aîles, eft très-dangereux, lorfque le foible ne voit pas où appuier les fiennes pour s'empêcher d'être débordé, en fe rangeant felon l'ufage d'aujourd'hui, qui n'eft que trop foible & trop défectueux. Nos Tacticiens de ce tems, nation vraiment moutonniére, puifqu'elle ne connoît qu'une feule maniére de fe ranger & de combattre, propofent l'expérience imitatoire. Nous voilà certes bien favans. Cette expérience imitatoire eft-elle autre chofe que ce que nous combattons & que nous rejettons de toutes nos forces?

Les uns contre la fupériorité extraordinaire de cavalerie, nous propofent de mettre tout ce que l'on en a fur les aîles de la premiére ligne, les efcadrons & les bataillons alternativement mêlez, & de compofer la feconde du refte de l'infanterie. Cela feroit bon, fi ces bataillons combattoient fur plus de profondeur, & qu'avec cela ils fuffent fraifez d'un cinquiéme de piques; mais cela n'étant pas, ils ne fauroient jamais foutenir contre le choc des efcadrons qui leur feront oppofez, & qui leur pafferont aisément fur le corps. Par conféquent cet ordre ne vaut rien. J'aimerois beaucoup mieux des pelotons, ou des compagnies de grenadiers fur cinq de hauteur, entre les efpaces des efcadrons; parce que ces petits corps font prompts & fubits dans leurs mouvemens, ils fe jettent fur les flancs des efcadrons ennemis, & fe répandent partout. La premiére méthode eft la plus ordinaire, l'autre eft plus rarement pratiquée, ou pour mieux dire, elle ne l'eft plus depuis plus de foixante ans.

Les autres entrelaffent alternativement toute leur cavalerie entre les bataillons de leur premiére ligne, & leur feconde eft formée du refte de leur infanterie; ce qui n'eft pas fans de très-grands défauts: mais cette maniére de fe ranger, auffi-bien que la premiére, eft une chofe fi commune & fi connue, que fi l'ennemi en fait autant, on eft réduit au même embarras. Il fe trouve toujours dans le même avantage de fupériorité à fa cavalerie, & en poffeffion du terrain propre à cette arme, qu'on ne fauroit lui enlever par ces fortes de difpofitions mille fois répétées, & toujours les mêmes, fans qu'il en paroiffe aucune autre depuis près d'un fiécle.

La fcience de la tactique ne roule pas fur un feul ordre de bataille dans les plaines, & dans les païs bizarres & mêlez, où l'on met chaque différente forte d'armes en fa place, & le plus fouvent fans y faire réfléxion, comme je l'ai mille fois remarqué. S'il n'y a que cela à apprendre à la guerre, la tactique ne feroit pas une fcience, ni un art, mais purement une routine. La véritable tactique a fes régles, fes principes, & fes dé-√ 3

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monstrations peuvent s'enfeigner indépendamment de cette expérience tant vantée, & dont le fruit feul eft de nous perfectionner & de nous affermir dans nos entreprises & dans les dangers. Voilà des réfléxions qu'il m'a paru très-néceffaire & très-important de faire; avant que de paffer à l'explication de notre ordre de bataille, ou de nos deux ordres: mon deffein étant de ranger l'armée fupérieure en cavalerie, quoique moindre en nombre de bataillons, de la maniére la plus favorable, felon la méthode de

notre tems.

Je fuppofe donc ici que l'ennemi eft plus fort en cavalerie, & l'autre en infanterie : de forte néanmoins qu'il y ait égalité en nombre de troupes, je tiens moi, que fi les deux armées combattent dans l'ordre ordinaire, celui-là ne fauroit s'empêcher d'être battu par la cavalerie, qui prévaudra fur l'autre, à caufe du terrain favorable à cette arme. Si je ne connoiffois aucune autre méthode que celle dont nous nous fervons aujourd'hui, & que je me viffe fupérieur en cavalerie contre une infanterie plus nombreuse, je formerois une bonne ligne de mon infantere (2), foutenue par toute ma cavalerie en feconde ligne (3), ce que j'aurois de furplus (4) partagé aux aîles de ma feconde ligne & mes dragons (5) en réserve. J'attaquerois dans cet ordre, je crois que ce feroit le mieux qu'on pût faire, quoiqu'on ne l'ait peut-être jamais pratiqué, parce qu'alors une arme fe trouve foutenue par l'autre. Cette maniére de fe ranger feroit redoutable en ce tems-ci, parce que celui qui combat fur deux lignes, n'aiant prefque point de cavalerie, fe trouve fur les bras les deux armes enfemble, & de gros efcadrons oppofez à fes bataillons minces. Contre un tel ordre ne pouvant oppofer prefque aucune cavalerie à l'ennemi par le peu que j'en ai, voici mon ordre de bataille. Soit que l'ennemi attaque dans l'ordre que je viens d'expliquer, foit qu'il combatte felon la méthode ordinaire, la cavalerie fur les aîles, l'infanterie au centre, les deux armées dans une plaine rafe & pelée, & les aîles en l'air, comme on dit.

Ma première ligne (6), fur une ligne de bataillons difpofez en colonnes fur une feule fection. Chaque bataillon de vingt-fix files, le refte en hauteur. Les aîles couver tes de deux colonnes (7), chacune de trois bataillons, ou fections. Deux colonnes (8) au centre, pour faire effort en cet endroit, & féparer les ennemis de leurs aîles. Ma feconde ligne formée du refte de mon infanterie. Deux colonnes (9), de deux fections à chaque aîle, où j'y partage ce que j'ai de cavalerie (10). Les efcadrons entrelaffez chacun de deux compagnies de grenadiers (11). Le centre des bataillons (12), fur huit de profondeur. La réferve (13) de ce que j'ai de dragons. Voilà l'ordre de bataille fur lequel je voudrois combattre. Ceci n'a pas befoin de Commentaire, j'en laiffe le jugement aux connoiffeurs, qui font au fait de mon principe des colonnes. J'appelle connoiffeurs tous ceux qui auront lû & bien éxaminé mon fyftême pour bien comprendre ma tactique; car fans cette connoiffance, il n'y a pas moien qu'ils puiffent rien entendre, ou fort peu de chofe dans ma nouvelle méthode de se battre. fe ranger & de com

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ORDRE DE BATAILLE SELON LE SYSTÈME DE L'AUTEUR CONTRE L'ARMÉE 23.5 PLUS FORTE DE DEUX TIERS À SA CAVALERIE QUE CELLE QUI LUI EST OPPOSÉE.

A. De Putter fecit

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