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nous l'avoit baillée à éxécuter. M. de Montpezat fe trouva fort malade, qui n'en put rien dire; de forte que je demeurai autant inconnu du Roi que jamais. Ce que je Jus du Roi Henry de Navarre, qui m'a dit avoir lû les lettres que ledit fieur de Barbefieux avoit écrit au Roi, par lesquelles il s'attribuoit tout l'honneur de ladite entreprife. M. de Lautrec n'eût pas fait cela. Il fred mal de dérober l'honneur d'autrui; il n'y a rien qui décourage tant un bon cœur. M. de Tavanes, qui eft en vie, peut témoigner de la vérité, & fi eft-ce que ces ruptures de moulins tant d'un côté que tre, mêmement de celui-là, mirent le camp de l'Empereur en fi grand néceffité, qu'ils mangeoient le blé pilé à la Turque, & les raifins qu'ils mangeoient mirent leur camp en fi grand défordre de maladie & mortalité, mêmement parmi les Allemans, que je pense qu'il n'en retourna jamais mille en leur païs.

§. VII.

d'an

Blocus d' Agrigente. Il eft plus prudent de bloquer que d'affiéger en forme les villes d'une grande étendue. Quand les lignes font menacées, fouvent le plus für eft d'en fortir. Affaire de Turin en 1706.

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L paroît affez que le deffein des Romains étoit d'affiéger Agrigente dans les formes. La perte de leurs machines, plus que toute autre chofe, les détermina à un blocus, & ce blocus, fans qu'ils y priffent garde, fut la caufe de leur falut & de la prife de la place, qui felon toutes les apparences leur échapoit. La garde de leurs travaux & de leurs machines eût fait une telle diverfion de leurs forces, qu'il leur eût été moralement impoffible de foutenir leur circonvallation & leurs travaux tout en même tems.

Les fiéges des grandes villes font très-difficiles & très-incertains, lorfqu'elles font bien munies, que de puiffantes garnifons & des Officiers habiles les défendent, & que les garnisons fentent une armée en campagne, qui n'eft point empêchée par une autre, qui la tient en cervelle, & qui retorque fur fes mouvemens pour lui couper broche, comme parle Brantome. C'eft ce que nous appellons aujourd'hui Armée d'obfervation: Méthode, pour le dire en paffant, qui eft felon mon fens, fujette à de fâcheux inconveniens. Quoiqu'on en dife, le pour & le contre combattent également des deux côtez, je tiendrois plutôt pour celui-ci que pour l'autre. Un Général habile, qui cherche à fecourir la place, le peut plus aifément qu'on ne fe l'imagine. Un mouvement fait à propos le met au deffus du vent, & démonte toutes les mefures de l'antagonifte. Témoin Denain. Ces fortes de manoeuvres n'appartiennent pas à tout le monde, les imaginations communes ne vont pas fi loin. Deux Généraux, également habiles & expérimentez, fe joindront bientôt: fi celui, qui veut fecourir la place, ne trouve rien de plus fubtil à faire, & que l'autre ne puiffe l'éviter, la fortune du fiége dépend de cette affaire le hazard ne manque jamais d'y avoir la principale part, & fouvent toute entiére: fi le dernier eft battu, voilà fon fiége évanoui & fa réputation perdue. On manque fon coup, c'eft un grand mal c'eft un grand mal, & l'on perd une bataille, qui eft encore pis. J'aurois mille chofes à dire là deffus; mais je les écarte avec regret, cela pourra venir ailleurs. Puifqu'il s'agit dans cette affaire d'une armée toute emploiée dans un fiége, & renfermée dans une ligne environnante d'une trèsgrande étendue & divifée en plufieurs quartiers; je crois que dans ces occaLions un blocus eft toujours plus prudent & plus affuré qu'un fiége dans toutes les

formes.

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ce

Céfar n'eut garde d'affiéger Alexia, il fe contenta de bloquer cette place par ces deux lignes fi célébres dans l'Hiftoire. Il ne fut pas fi mal avifé que de fonder fa fubfistance Tom. I.

H

fur

fur les places voifines de fon camp; il le munit de toutes fortes de provifions de guerre & de bouche; ce qui devroit apprendre aux Généraux d'armée à ne pas compter fur les convois qu'ils reçoivent de tems en tems des villes les plus proches. Cela s'appelle vivre au jour la journée.

Nous tombâmes dans une faute toute femblable au fiége d'Arras en 1640. fous le regne de Louis XIII. Le Cardinal de Richelieu étoit affez bien informé que les Efpagnols affembloient toutes leurs forces pour le fecours d'une place fi importante. On confeilla au Cardinal Infant de couper les vivres aux affiégeans. Rien n'étoit plus aifé. · Richelieu y avoit très-mal pourvû. L'Infant devoit favoir que lorfqu'il s'agit d'une entreprise extrémement importante, telle qu'étoit celle-là, qu'on fait d'ailleurs que l'ennemi n'oubliera aucun effort pour le fecours de la place; que l'on fait encore qu'il eft maître de la campagne, & qu'on n'a d'armée à lui oppofer que celle qui eft enfermée dans fes lignes; quand on fait, dis-je, tout cela, peut-on demeurer fufpendu entre ce qu'on fera & ce qu'on ne fera pas? Rien ne l'empêchoit de couper les vivres aux affićgeans, en fe campant entre eux & les places d'où ils tiroient leurs convois. N'étoit-ce pas là le fentiment de tous les Généraux? S'il eût pris ce parti, & qu'il n'eût pas perdu à délibérer le tems qu'il falloit emploier à agir, il eût obligé les François à lever honteu fement le fiége. Il eut tout le tems de voir cela pendant qu'il fut campé auprès des lignes, au lieu qu'il les attaqua fans fruit à caufe de leur force extraordinaire. Mais Richelieu étoit-il bien affuré que le Général d'Eglife ne verroit goute dans cette foule d'avantages & d'occafions qui fe préfentoient pour ruiner & réduire à néant une entreprise de cette importance? Ces avantages étoient frapans. Un peu de réflexion fuffifoit de refte pour les reconnoître, fi le Général Efpagnol en cette occafion eût été homme à en faire. Mais le Miniftre François fut-il plus habile & plus clairvoiant? J'en doute. Car pourquoi ne munit-il pas fon camp de vivres & de munitions de guerre pour tout le tems du fiége? Dans les entreprifes de cette conféquence, c'eft peu lorfqu'on n'en a pas pour trois mois. Ce n'étoit pas là le pis qui nous pouvoit arriver en levant le fiége de cette place; il falloit fe retirer, & la retraite ne pouvoit fe faire qu'en paffant fur le corps de l'armée Efpagnole, beaucoup fuperieure à la nôtre, & compofée de tout ce que l'Espagne avoit de fort & de redoutable.

Si le Cardinal Infant pancha plutôt à infulter nos lignes qu'à nous couper les vivres, parti qu'il crut peu digne de fon courage, ou qui paffoit fon intelligence; fi, dis-je, il rejetta celui-ci pour prendre l'autre, & s'il le prit tard, c'eft qu'il s'imagina qu'il nous trouveroit foibles, abattus & atterrez des travaux du fiége & de nos pertes. C'étoit mal raifonner, il n'eft pas toujours fûr, il ne l'eft même jamais de fecourir une place lorfqu'elle eft à l'extrémité, & que les affiégeans n'en peuvent plus, ou que le fiége eft fort avancé. Il l'eft encore moins au commencement d'une guerre, & à la premiere grande entreprife. Je ne faurois être du fentiment de ceux qui s'imaginent que le tems le plus propre eft, lorfque les troupes font affoiblies par la défenfe vigoureufe & opiniâtrée des affiégeans. Rien n'éxerce davantage les troupes que les fiéges, & fur tout ceux qui font féconds en grandes forties. Quand on attend ce tems-là au commencement d'une guerre, c'eft expofer une armée déja aguerrie contre une autre qui l'eft encore plus. Le meilleur & le plus prudent à l'ouverture d'une guerre, eft de débuter par quelque fiége important qui aguerriffe les troupes de nouvelles levées, ou celles qui n'ont encore rien vû.

Dans le même fiége, lorfque le Cardinal Infant fe préfenta devant nos lignes, on affembla le Confeil. La Meilleraie propofa de fortir des lignes, & d'aller au-devant des ennemis pour les combattre. On fut d'un avis contraire. Leur armée, difoit-on, eft du moins auffi forte que la nôtre. Pour aller à eux il faudroit lever tous les quartiers:

après

après cela il feroit facile de jetter du fecours dans la place & de fe retirer, fans que nous pussions les combattre. Dans ce cas nous voilà dans la néceffité de lever le fiége, Ces raifons étoient fages & prudentes, & conformes aux conjonctures. Ce que dit le Cardinal de Richelieu, qu'il n'avoit jamais lû dans l'Hiftoire qu'on fût forti de fes lignes, après avoir demeuré fi longtems à les faire, n'eft pas encore une raifon de n'en pas fortir. Cela dépend du tems & des conjonctures. Qui lui avoit dit qu'il n'y eût rien de tout cela dans l'Hiftoire ? Les éxemples de pareils faits y font fans nombre. Celui d'Agrigente n'en eft-il pas un? Si Richelieu eût été à l'école de Hannon, les François n'euffent-ils pas imité Pofthumius, qui fortit de fes lignes pour fe délivrer de l'extré

mité où il fe trouvoit?

Au dernier fiége de Belgrade, le Prince Eugéne fe trouva dans le cas de fortir de fes lignes, il n'y manqua pas, & c'eft à mon fens une des plus belles actions qu'il ait faites en fa vie: ce qu'il y a de fingulier & de bien extraordinaire, c'eft qu'il fe foit trouvé des gens, qui aient trouvé à reprendre fur la conduite de ce grand Capitaine, qu'ils qualifioient d'imprudente & de téméraire. Je leur demanderois volontiers des preuves démonftratives de leur créance: fans doute qu'ils fe verroient très-embaraffez s'ils étoient obligez de nous en donner quelqu'une; ce feroit les jetter dans un défilé très-embaraffant, & dans un guet-à-pens très-incommode.

Que dirons-nous du dernier fiége de Turin ? Ecarterions-nous un tel éxemple qui s'eft paffé fous nos yeux? Nous n'avons garde, il fait trop bien à notre fujet & à notre propre inftruction, à laquelle nous vifons toujours. Je ne crois pas devoir entrer dans aucun détail d'un événement fi extraordinaire, il eft trop connu dans le monde: on fera feulement quelques remarques fur certaines circonftances les plus capitales, & aufquelles perfonne n'a peut-être encore penfé. Aurions-nous dû fortir de nos lignes, ou n'en pas fortir? C'eft une question qu'un homme du métier réfoudra fans peine: qui peut douter que le premier parti ne fût le meilleur, lorfqu'on eut appris la nouvelle que les ennemis étoient paffez en deçà du Pô? n'auroit-on pas dû aller à leur rencontre, fans délibérer, & au plus vite? Cela étoit dans les régles; mais ç'eût été furieusement s'en écarter lorfqu'ils eurent traversé la Doire. Nous n'avions alors à défendre côté de la circonvallation, qui étoit au-delà de cette riviére, c'eft-à-dire un front d'une très-petite étendue; & cependant ce côté-là ne fe trouva-t-il pas abfolument dénué de troupes? 11 le fut à tel point, que la brigade de la Marine fe vit dans la trifte néceffité de border le retranchement fur deux de hauteur. On aura de la peine à croire, qu'on ait laiffé fi fort dégarni un pofte d'une importance fi capitale, dans le tems que les deux tiers de notre infanterie reftent inutiles dans les autres plus éloignez où l'on n'en avoit que faire.

que

le

Le deffein de M. le Duc d'Orleans étoit de lever tous les quartiers, & de marcher droit aux ennemis, qui paffoient le Pô à Veillane. C'étoit fans doute le meilleur & le plus honorable parti que l'on eût dû prendre, & digne du courage de ce Prince; il s'y étoit déterminé: mais le Maréchal de Marfin, quoiqu'il fût dans le fond un brave homme, avoit pris de bonnes mefures pour que fes fentimens prévaluffent fur ceux de M. le Duc d'Orleans; il avoit mandé à la Cour qu'il étoit beaucoup plus avantageux d'attendre les ennemis dans nos lignes, que de leur aller au-devant. Il appuïa fon opinion de raisons affez fpécieuses, fans s'appercevoir que la grandeur de la circonvallation nous réduifoit à rien. La Cour lui envoia un ordre du Roi, qui bridoit de telle forte le pouvoir du Prince, qu'il ne pouvoit rien faire que felon le bon plaifir du Maréchal. Celui-ci tint cet ordre fort fecret pour s'en fervir en cas d'occafion. Elle ne pouvoit manquer de fe préfenter, puifque les ennemis accouroient au fecours de la place. Le Maréchal produifit enfin cet ordre, qui fut en partie la caufe de tous nos malheurs. Je

H 2

dis

dis en partie, car il fembloit que la fortune voulût nous affurer la victoire fans fortir de nos lignes. En effet les ennemis, en paffant la Doire pour attaquer la partie de la circonvallation qui étoit de l'autre côté de cette riviére, nous fournissoient la plus belle occafion du monde de les défaire; car par une manœuvre fi peu fenfée, ils nous mettoient en état de porter toutes nos forces de ce côté-là, fans rien craindre fur tout le refte de la circonvallation qui fe trouvoit entre cette riviére & le Pô. Par là ils nous mettoient en état de les faire repentir de leur entreprise, puifqu'ils alloient tenter par l'endroit le plus difficile: quoiqu'on s'y fût moins précautionné à l'égard des retrancheil ne devenoit pas moins impraticable par les forces que nous pouvions leur op

mens,

pofer.

Rien n'empêchoit le Maréchal de Marfin de faire marcher vingt bataillons & autant d'efcadrons de ce côté là, & de tirer quinze autres bataillons de la hauteur des Capucins, où Albergotti étoit avec quarante qu'il avoit fait venir de fon côté. Le Maréchal n'en avoit-il pas reçu ordre de M. le Duc d'Orleans? Il l'oublia, ou fit femblant de l'avoir oublié. Toute la nuit & jufqu'au lendemain, que les ennemis attaquérent, le tems fe paffa en vaines conteftations & en difcours inutiles: les uns difant une chofe, & les autres tout le contraire. Cependant le tems s'écoule & l'occafion s'échape; & pendant que les ennemis fe forment de l'autre côté de la Doire, on n'y envoie aucunes troupes pour renforcer le peu qu'il y en avoit peu qu'il y en avoit, fans penfer que tout ce qui étoit en deçà étoit inutile: ces quarante bataillons, plantez comme des termes fur la hauteur des Capucins, & fous les ordres d'Albergotti, que font-ils là? Ne diroit-on pas qu'ils font à cent lieues de la ligne en-delà de la Doire? Ils n'en font pourtant qu'à deux pas. Je le demanderois volontiers à l'ombre du Maréchal de Marfin, elle me renvoiroit fans doute à celle d'Albergotti. Si je m'addreffois à celle-ci, quelle bonne raifon en pourrois-je efpérer? Le fait répond pour elle.

Puifque nous en fommes là, donnons quelque chofe du caractère militaire de cet Officier Général. Je ne dirai rien de fon païs, chacun fait qu'il étoit Italien & d'une des meilleures Maifons de Florence. Il étoit venu fort jeune en France, & y apporta une grande inclination pour les armes. Il étoit d'une humeur fombre & melancolique; grave, compofé & retiré en lui-même; un air impérieux & penfif: allant à fes fins autant bien qu'homme de fon païs; parlant peu, & donnant par là lieu de croire qu'il penfoit beaucoup; prévenu en faveur de fes fentimens jufqu'à dédaigner ceux d'autrui, quels qu'ils fuffent. Circonfpect au-delà des bornes, jamais il ne fe croioit affez de troupes. Ce qu'il falloit éviter, il le prévoioit longtems avant qu'il arrivât, & pour n'y pas tomber il trouvoit dans fon fond des précautions fans nombre. Cette fécondité eft bonne, mais il faut la refferrer aux précautions néceffaires : fans cela elle étouffe le vrai courage, & produit bien des fautes. Je ne m'arrêterai pas fur toutes celles que l'on a reprochées à M. d'Albergotti, il en eft peut-être dont on a eu tort de le charger. D'ailleurs j'honore ce qu'il avoit de bonnes qualitez, & ce feroit outrer la cenfure que de nier qu'il en eût. Je me borne à l'affaire de Turin: on ne me fera pas un crime d'en penfer & d'en dire ce que tout le monde en pense & en dit.

Que fait donc M. d'Albergotti fur la hauteur des Capucins? Il fe plaint qu'il n'y est pas trop en fûreté, & qu'il n'a pas affez de quarante bataillons pour fe défendre. Le Maréchal devoit-il avoir égard à fes terreurs & à fes craintes imaginaires ? Pouvoit-il ignorer que l'ennemi n'avoit de ce côté-là qu'un corps de cinq à fix mille hommes de milice du païs, de miferables païfans, & deux ou trois bataillons de troupes reglées, & le tout pour la mine. Albergotti le voioit bien, il fe plaint pourtant qu'il n'a pas affez de vingt mille hommes; on les lui laiffe pendant qu'on néglige tout le front de la circonvallation de l'autre côté de la Doire, où l'armée du fecours paroît en bataille fans

aucune

aucune distraction de fes forces, ne pouvant même entreprendre fur nous que par ce feul endroit de la riviére dès qu'ils l'ont une fois paffée.

Lorsqu'on vit que c'étoit tout de bon, & qu'on alloit être attaqué, on envoie à Albergotti; on lui demande un fecours de dix ou douze bataillons; il répond qu'il va être attaqué, qu'on s'y difpofe : en effet cinq ou fix mille païfans étonnez & tremblans de fe voir fi près de lui font des gens fort redoutables. On a beau lui repliquer que ce n'eft pas à fon pofte que les ennemis en veulent, puifqu'ils en font féparez par le Pô & par la Doire. Il ne veut rien écouter de tout cela. Cependant les ennemis attaquent toute cette partie de la circonvallation ainfi dégarnie, la pénétrent à la droite, où il n'y avoit prefque perfonne, & l'emportent fans peine, bien moins par l'habileté de leurs Généraux que par la faute du Maréchal. Que peut-on penfer de cette conduite? Que peut-on penfer après cela des éloges qui furent faits de la conduite d'Albergotti devant & après cette action, qui nous fut fi malheureuse, pendant qu'on ne dit mot & qu'on ne tient aucun compte de quelques Officiers Généraux très-estimables, qui penférent toujours bien, & qui firent très-bien leur devoir ?

Tout ce que je viens de dire ici touchant d'Albergotti, ne touche en rien fon honneur. Nous n'avons garde de lui difputer le courage, on fait qu'il n'en manqua jamais par tout où il a été befoin de le faire paroître; on lui rend volontiers cette juftice; on ne lui refuse pas non plus fon grand talent dans le détail des chofes militaires, & plufieurs belles qualitez très-eftimables & très-louables; mais nous ne pouvons convenir qu'il eût celles qui compofent le Général d'armée. Après l'affaire de Turin, fans parler des autres, ne fommes-nous pas bien fondez? Mais remarquez, s'il vous plaît, l'étoile de ce Général. Cette conduite, qui eût dû faire rabattre prodigieufement de l'idée qu'on avoit de fon favoir, & de l'eftime qu'on faifoit de lui, l'éléve & lui produit une profufion d'éloges. Ne fut-il pas lui-même l'unique & principale caufe d'une infortune fi accablante? Qui peut en douter fans abfurdité? Que fait ce Général après avoir joué le perfonnage de Spectateur immobile? Il décampe de fon pofte, & fe retire à Pignerol, où les débris de notre armée s'étoient fauvez. Ornez & parez tant qu'il vous plaira cette retraite de toutes les fleurs de la Rhétorique, ce ne fera jamais qu'une marche trèsaccélerée. Ne falloit-il pas qu'il fe retirât? Cependant on admira cette retraite, comparable, difoit-on, aux plus mémorables. Il falloit que fes panégyriftes fe conmuffent bien mal en retraites pour fe récrier fur celle-ci; car on ne qualifie jamais de ce nom. tout corps d'armée qui fe retire fans combat & fans être fuivi. Une retraite prement dite, eft lorfqu'une armée ou un grand corps de troupes fe trouve fuivi, harcelé & attaqué à fon arriére-garde, pris en flanc, en queue, ou en tête dans des païs difficiles & dangereux; ou lorfqu'on s'échape à toutes ces attaques par la rufe, par l'artifice & par des mouvemens bien concertez, qui donnent le change à l'ennemi, comme celle du Général Bannier, fi célébre dans l'Hiftoire: toutes les autres n'ont rien qui mérite qu'on en faffe la moindre mention. Tout ce qu'on peut dire de celle dont nous parlons, c'est qu'après la levée du fiége, M. d'Albergotti se retira heureufement depuis la hauteur des Capucins jufqu'à Pignerol, fans aucune mauvaise ren

contre.

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