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finon de rallier les reftes d'une armée diffipée & battue, & de fe fauver par une retraite honorable? C'est tout ce qu'on peut raifonnablement attendre du fang froid, du coura ge, de l'habileté, de l'expérience du Général, & de la difcipline de fes troupes.

N'y auroit-il donc que cela dont un Général puiffe être capable pour fe tirer d'un mauvais pas ? Ce feroit s'abufer bien groffiérement, que de croire que la fcience du Général d'armée foit réduite à une retraite. Il n'eft pas vrai qu'un grand Capitaine n'ait d'autre ressource, d'autre parti à prendre après la perte d'une bataille: quoique la chofe foit très-rare, ce n'eft pas pourtant ce qui l'élève le plus. Se retirer bravement & fiérement, c'eft quelque chofe: c'eft même beaucoup, mais ce n'eft pas le plus qu'on puiffe faire; la bataille n'eft pas moins perdue, fi l'on ne va plus loin; c'eft ce que fera un Général du premier ordre. Il ne fe contentera pas de rallier les débris de fon armée, & de fe retirer en bon ordre, en préfence du victorieux; il méditera fa revanche, retournera fur fes pas, & couchera de fon refte avec d'autant plus d'efpérance de réuffir, que le coup fera moins attendu, & d'un tour nouveau; car qui peut s'imaginer qu'une armée battue & terraffée, foit capable de prendre une telle réfolution?

S'il n'y avoit pas d'éxemples de ce que je viens de dire, je ne trouverois pas étrange de rencontrer ici des oppofitions; mais ces éxemples font en foule, non feulement dans les anciens, mais encore chez nos modernes. Quand même je ne ferois pas muni de ces autoritez, ma propofition ne feroit pas moins fondée fur la raifon, & fur ce que peut la honte d'une défaite fur le cœur des hommes véritablement courageux.

C'est une remarque que j'ai faite une infinité de fois, & que je fais tous les jours; (car dans ce que je vais dire ici, je fuis fondé fur ce que j'ai vû d'heureux ou de malheureux dans les combats & dans les batailles où je me fuis trouvé,) que le vaincu, bien informé de l'état du victorieux, de fa négligence & de fon peu de précaution, deux défauts affez ordinaires dans les grandes victoires, auroit pû facilement attaquer, après avoir rallié fes troupes, & les avoir remifes de leur trouble & de leur épouvante, marcher enfuite au vainqueur, & le combattre avec l'avantage qui naît toujours des furprises, pourvû qu'elles foient fubites, promptes & impétueufes. Que Régulus, après avoir été battu, revienne enfuite à la tête de toutes fes forces, il n'y a rien là de fort extraordinaire, & que tout Général ne doive faire. Il n'avoit combattu qu'avec une efcadre, le refte de fon armée ne fe fentoit pas de cette difgrace: mais de rallier les reftes & les débris d'une défaite complette, remarcher au victorieux, l'attaquer & le furprendre, voilà le grand, le fublime & le merveilleux d'un Général d'armée, le plus fin & le plus profond du courage & de la fcience des armes.

On a vû des armées bat

tues & diffipées entiérement, & qu'on avoit cru hors d'état de fe relever jamais, après la perte de leur canon, de leur bagage & le pillage de leur camp, pourfuivies au loin, & très-longtems, fe rallier & remarcher à l'ennemi par une réfolution prompte, & fubite, par le courage & l'adreffe de leur Général, recommencer un nouveau combat, & finir par la victoire & la ruine entiére du victorieux. L'Hiftorien des fucceffeurs d'Alexandre le Grand, me fournira un très-bel éxemple; il fait trop bien à notre fujet, pour ne pas l'inferer ici tel que l'Auteur le rapporte.

que

les

Caffander, averti du départ de Clite, & de fes fuccez, envoia Nicanor, Gouverneur de Munichie, avec une flotte de fix vingt voiles, pour combattre l'ennemi, quelque part où il pût le rencontrer. Les armées navales arrivées à la hauteur de Byfance, l'on commença de fe battre. Soit troupes de Nicanor enffent moins de valeur que celles de Clite, ou que fes matelots euffent moins d'adreffe, il eut le malheur de perdre la victoire: les ennemis lui coulerent à fond dix-fept navires, lui en enlevérent quarante : le refte eut bien de la peine à gagner le port de Calcedoine. Comme il eft affez ordinaire aux vainqueurs de s'enfler de leur victoire, celle que Clite venoit de remporter lui aiant

fait préfumer que les ennemis n'oferoient plus paroître en mer, lui fit négliger des précautions qu'il devoit prendre, & cette négligence fut la caufe de la perte de fon armée & de fa vie.

Antigone, qui ne manquoit point de ressource dans les plus grandes difgraces, n'eut pas plutôt appris la perte de la victoire que venoit de faire Nicanor, qu'il ne douta point qu'il n'en put prévenir les fuites, en retournant à la charge fur les ennemis, affuré que Clite, enivré de fon bonheur, avoit quitté la mer, & qu'il campoit avec affez de négligence à quelque diftance de la flotte. Après avoir obtenu des Citoiens de Byfance un certain nombre de petits navires, illy fit charger quantité d'arbalêtriers, avec un détachement de fa meilleure infanterie, armée à la legére. Ces navires pafferent en Europe avec une extrême rapidité, & jetterent l'ancre affez proche du camp des ennemis: profitant de l'obfcurité de la nuit, ils vinrent fondre fur eux avec tant d'ardeur & de précipitation, qu'on les vit auffi-tôt en defordre, les uns courant à leurs navires, laiffant aux victorieux leurs bagages & leurs dépouilles: d'autres empressez à les défendre, & contraints de fuccomber fous le nombre des attaquans, y laiffoient la vie avec les biens.

Durant cette action Antigone fit monter fur ses vaisseaux fes meilleures troupes, avec un grand nombre de matelots: ordonna à Nicanor de remettre à la voile, & d'aller attaquer la flotte ennemie; qu'il lui répondoit du fuccez du combat, & que par avance il pouvoit s'en réjouir. L'on fit voile pendant la nuit avec tant de bonheur & de diligence, qu'à la pointe du jour l'on vint attaquer les ennemis; ce qu'on fit avec un courage fi impétueux, qu'après avoir mis plufieurs navires hors de combat, tous les autres, à la referve de l'Amiral, fur lequel Clite étoit monté, fe rendirent au vainqueur avec tous Les gens d'équipage. Clite aiant gagné la terre, prétendoit fe fauver dans la Thrace; mais malheureusement pour lui, quelques foldats de Lyfimache le rencontrerent comme il fuioit, & le tuérent.

Ces fortes de deffeins ne font pas communs, la routine ne les conduit ni ne les apprend, & les Généraux qui n'ont qu'elle pour guide ne peuvent y réuffir. Il eft aifé de voir que les plus grandes parties de la guerre y entrent. Le détail, les précautions & les mefures en font infinies; mais ces précautions & ces mefures ne font pas toutes à la portée des efprits & des courages communs. Il faut toute l'intelligence & l'expérience d'un grand Capitaine, une présence d'efprit & une activité furprenante à penser & à agir, un profond fecret & gardé avec art. Mais cela ne fuffit pas, fi la marche n'eft zellement concertée, que l'ennemi n'en puiffe avoir la moindre connoiffance, quand il auroit pris toutes les mefures imaginables.

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Avec ces précautions, ces deffeins manquent rarement de réuffir, parce qu'ils font peu communs, & d'un tour nouveau: mais il faut qu'un habile homme s'en mêle, & non pas un Neoptoléme, qui manqua fon coup contre Eumenes. Celui-ci l'avoit bien battu: après fa défaite, qui fut des plus complettes, il fe fauva vers Antigonus & Polypercon, aufquels il perfuada de marcher à fon ennemi, & de le furprendre dans cet état de fécurité & de relâchement, où fe trouvent les armées après les grandes victoires. Mais comme les grands Capitaines ne font jamais furpris, Eumenes fut bientôt inftruit du deffein de ses ennemis, & qu'ils tiroient de fon côté. Il décampe tout auffi-tot, & leur vient au-devant à la faveur d'une nuit obfcure; il les trouve campez, & aussi peu fur leurs gardes, que s'ils euffent été à cent lieues de l'ennemi. Il les furprend dans leur camp, les taille en piéces, & leur apprend par cette victoire, qu'il ne fuffit pas d'imaginer de grandes chofes, fi l'on manque d'intelligence & de conduite dans l'éxécution. C'eft la maxime que nous devons tirer de l'éxemple de Néoptoléme; mais La conduite de Régulus & d'Antigonus en fournit une autre: qu'il y a des entreprises auffi fages dans le fond, qu'elles font téméraires en apparence. M 3

J'au

J'aurois une infinité de chofes à dire, & d'excellentes obfervations à faire fur ces deux actions de Tyndaride, tant la matiére eft abondante, belle & curieufe: je ne m'y arrêterai pas davantage, cela me méneroit où je ne veux pas aller, au moins pour cette fois. Polybe, qui embraffe toutes les parties de la guerre dans les faits qu'il rapporte, nous fournira affez d'occafions d'épuifer tout ce qui regarde les furprises d'armées par des principes certains & affurez: or comme cette partie de la fcience militaire, & ces principes ne font pas fort connus, qu'aucun de nos Auteurs dogmatiques n'en a écrit, & que c'eft de toutes celle à laquelle je me fuis appliqué avec plus de foin, je ferai tous les efforts dont je fuis capable pour la pouffer auffi loin qu'elle peut aller.

L

OBSERVATIONS

Sur la bataille navale d'Ecnome.

§. I.

Que l'habileté du Général supplée au nombre & à la valeur.

A bataille navale, qui fait le fujet de ces obfervations, eft fans contredit une des plus fameufes & des plus mémorables de l'antiquité. Ce qui excite & redouble le plus l'attention & la curiofité des gens du métier, c'eft la fcience & l'expérience des Chefs, la direction & l'ordonnance des armées dans les actions générales de la guerre; or toutes ces grandes parties paroiffent ici dans tout leur jour.

Qu'une action ait été longtems & obstinément difputée, fans que la victoire panchât plus d'un côté que de l'autre ; que cette Déeffe fe foit enfin déterminée pour le plus fort, & pour le plus brave, cela ne prouvera jamais que le victorieux foit un grand Capitaine; en eût-il gagné dix de cette nature, il ne recevra ce glorieux titre que de la part de ceux qui n'étant pas du métier, l'accordent indifféremment au vainqueur ignorant, & au vainqueur habile. Mais les connoiffeurs ne prodiguent pas ainfi leur encens. Ils favent diftinguer entre fait de hazard, ou de routine, & fait de conduite ou d'habileté. Ils n'écrivent pas alors du camp à leurs amis: M. tel a gagné une bataille, mais, nous avons gagné une bataille. En effet qui eft-ce qui pour l'ordinaire a l'unique part à l'honneur de la victoire? Ce n'eft pas fans doute le Général. Il range fon armée felon la coûtume, & tout fe gouverne felon cette coûtume, autant d'un côté que de l'autre. Tout s'ébranle du même mouvement, l'on en vient aux prises; & lorsqu'on actionne de la forte, c'eft le hazard ou la valeur du foldat qui décide: le Général n'y eft prefque pour rien. Le vainqueur eft heureux, & le vaincu malheureux. Celui-ci a fait une multitude de fautes, il falloit qu'il fût battu : l'autre n'a pas moins bronché, mais beaucoup moins lourdement : il faut qu'il fcit

victorieux.

Pour bien juger d'une victoire, il ne faut pas tant la confidérer en elle-même, que dans les moiens dont on s'eft fervi pour la gagner. C'eft uniquement la difpofition dans une bataille rangée, qui doit régler notre jugement dans le blâme comme dans la louange. Il n'y a que les experts dans le métier qui foient capables de cette analyfe militaire.

La

La gloire des armées, foit de mer ou de terre, dépend bien moins du nombre, ou de la valeur des troupes, que de l'excellence de l'ordre de bataille, le nombre ou la ́valeur fût-elle égale, & même fupérieure de l'autre côté. D'où vient que les Grecs, & après eux les Romains, envioient fi peu la fuperiorité du nombre aux nations barbares contre lesquelles ils étoient en guerre ? D'où vient même qu'ils les méprifoient, quoiqu'ils inondaffent les campagnes de leurs troupes ? Quelle pouvoit être la caufe de ce mépris? Etoit-ce la confiance en leur courage, & la lâcheté de ceux contre lesquels ils combattoient? Mais ils n'ont pas toujours eu à combattre contre des lâches. Ils n'ont pas toujours eu en tête des Perfes efféminez; ces Perfes mêmes, dont on décrie tant la valeur, n'ont été fi méprifables, que parce qu'ils manquoient de Chefs capables de les commander, & de difcipliner leurs armées; combien d'éxemples ne le démontrent-ils pas ? Memnon n'en eft-il pas une preuve vifible? Le paffage du Granique, que celui-ci défendit contre Alexandre le Grand, marque-t-il la lâcheté des Perfes? Si Alexandre eût eu longtems un tel antagoniste, cette belle espérance de la conquête de l'Afie eût été une vraie chimére. Le projet de Memnon étoit fi beau & fi sensé, que s'il eût été fuivi, tout eût abouti au paffage du Granique, & peut-être Alexandre ne l'eût-il jamais traversé. Laiffons là ces Perfes, & revenons aux Grecs. N'eurent-ils jamais que des Afiatiques à combattre? Ils ont fouvent trouvé des ennemis, qu'ils appeloient barbares, qui les valoient bien, & qui valoient plus même du côté de la valeur, ou tout au moins le courage étoit pareil. Il n'y avoit de différence que dans les Généraux. Ceux des Grecs étoient très-habiles & très-profonds dans la tactique, ou dans l'art de fe ranger & de combattre, & les autres très-ignorans ; la méthode des premiers étant infiniment meilleure & plus profonde, il falloit qu'elle furmontât l'autre. Une favante difpofition accompagnée de l'avantage des armes, & de la & de la difcipline, fuppléoit au défaut du nombre & de la valeur.

& felon leur

Ceux, qui ne font cas des guerres qu'à proportion du nombre des troupes qui combattent de part & d'autre, & qui dédaignent toute guerre qui n'eft pas groffe, & qui ne leur préfente que de petits objets, feront fervis très-abondamment goût, dans celle-ci. Le prodigieux nombre de troupes & de vaiffeaux, qui combattirent des deux côtez, eft à peine croiable. Ce qu'il y a de plus furprenant, c'eft que deux fi nombreuses flottes ne fuffent compofées que des feules forces des deux Républiques. Carchage étoit affez puissante pour fournir à cette dépense: mais que Rome ait pû mettre une telle puiffance en mer, & se mesurer avec Carthage en fait de marine, cela furprend. Les Romains étoient fi pauvres & fi peu confiderables en ce tems-là, qu'on ne peut concevoir comment, & par quels moiens ils ont pû dreffer une flotte fi formidable de navires de guerre & de charge équipez de tout point; mais ce qui m'étonne le plus, c'eft que cette République montée au plus haut point de fa gloire & de fa grandeur, n'ait jamais pû pouffer auffi loin fes forces navales; c'eft ce qui fait auffi l'étonnement de Polybe, qui vécut affez pour voir Rome dans les deux extrémitez oppofées, c'est-à-dire devant & après la feconde guerre Punique.

J'avoue que les Perfes ont combattu avec de plus grandes forces à la bataille navale de Salamine; mais fi l'on fait attention à la puiffance & aux richeffes prodigieufes de ces peuples, & au nombre de leurs alliez, on n'aura aucun lieu d'être furpris qu'ils aient pû dreffer une flotte de 1207. vaiffeaux de guerre, fur laquelle on comptoit plus de 500000. hommes d'équipage; mais ce qui confirme ici la vérité que je viens de prouver, c'eft que cette fameufe flotte fut battue par une autre de 271. navires: quoique très-inférieure en nombre, elle l'emporta fur celle de Xerxés, par l'adreffe & l'intelligence des Généraux, & le courage des troupes, dreffées & expérimentées aux combats de mer. Les Généraux, qui ne fe croient jamais affez forts, apprendront de là, que

dans

dans les batailles rangées, la valeur foutenue de la fupériorité du nombre, est de peu de conféquence contre un Chef d'armée foible, mais habile & éclairé, qui oppofe une difpofition plus favante & plus rufée à fon ennemi. On ne fauroit attribuer la défaite des Carthaginois à leur foibleffe, puifqu'ils étoient infiniment fupérieurs aux Romains, ni au défaut de courage & d'expérience, ils ne manquérent jamais de ce côté-là, mais feulement dans la difpofition de leur ordre de bataille.

C

§. VI.

Motif de la bataille. Ordonnance des deux armées. Fautes des Amiraux
Romains, quoique victorieux.

Ette fameuse action se paffa entre Héraclée & Ecnome. Notre Auteur nous ap prend que le but des Romains étoit de passer en Afrique, & d'en faire le théatre de la guerre, afin que les Carthaginois n'enffent plus la Sicile à défendre; mais eux-mêmes, & leur propre pais. Le Sénat de Carthage jugea affez par les grands préparatifs des Romains, qu'ils en vouloient à l'Afrique. L'entreprise n'étoit pas difficile. La fameufe diverfion d'Agatocles leur étoit affez préfente. Celle des Romains leur fembla bien plus à craindre & plus redoutable, ils n'avoient aucune frontiére, ni aucune place qui couvrit Carthage; toutes ces raifons les déterminérent à des efforts conformes aux maux qui les menaçoient. Ils fongérent à éloigner les Romains de leurs côtes, & de les aller combattre fur celles de la Sicile.

Les Romains ne dûrent pas être fâchez d'engager un combat loin du voifinage de l'Afrique, où tout leur étoit ennemi, & où ils n'avoient ni parti ni intelligence: car fi la fortune leur eût été contraire, leur retraite en Sicile devenoit très-difficile & trèsdangereufe, & leur perte manifefte.

L'ordre de bataille des Romains est très-aifé à comprendre, quoique moins fimple, que celui des Carthaginois. Il me paroît profond, mais bien hazardeux, & fujet à de grands inconvéniens. Il n'étoit propre que dans une mer calme & tranquille. Cet ordre avoit été prémedité & concerté dans le cabinet entre les deux Confuls, au cas que le tems le permit. Il fe trouva conforme à leurs defirs, le moindre vent eût dérangé toute l'économie de l'ordre, & la confufion n'eût pas manqué de s'y mettre. Cet ordre eût fans doute été différent, fi la mer n'eût pas été calme. La prudence demande que l'on prenne fes mefures de loin, afin que quelque changement qu'il arrive au tems & aux conjonctures, on ne foit pas obligé à cet aveu, plus honteux au Général d'armée qu'au fage, je n'y avois pas pensé.

On a cet avantage dans la guerre de mer, que l'on peut fe former un plan de conduite prefque certain pour toute la campagne; ce n'eft pas la même chofe fur terre, il eft difficile d'y établir rien d'affuré, parce qu'elle eft fujette à de plus grandes variations & à des précautions incommodes, par la différence des lieux & des païs. Un Général y eft obligé de changer autant de fois fes ordres & fes mouvemens, qu'il voit de différence dans les lieux où il campe, où il marche, & où il combat. Pour cela quel coup d'œil, quelle capacité, quelle expérience, quelle fcience des grandes manoeuvres ne faut-il pas? Ajoutez l'attention & l'inquiétude où il eft pour fes vivres, & pour les places d'où il les tire. Mais dans la guerre de mer, bien que les vents ne foient pas toujours favorables à nos deffeins, moins qu'ils ne foient tout à fait contraires, l'on forme fon ordre de bataille, & l'on combat felon le fyftéme qu'on s'eft propofé dans le cabinet, fans y changer beaucoup, parce que la mer eft toujours autant pour l'un que pour l'autre. Un Amiral fe trouve peu embaraffé fur fa difpofition. Les

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