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avoit longtems que les Tyrans en avoient effacé toute mémoire; que les Achéens avoient donné leurs propres loix aux Lacédémoniens, & que c'étoit pour ces derniers beaucoup d'honneur que d'être unis au refte du Péloponéfe.

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Puis prenant de nouvelles forces & s'adreffant au Député: « Je fai, dit-il, Appius, que le difcours que je tiens, n'eft pas tant d'un Allié qui parle à des Alliez, que d'un efclave qui rend compte à fon Maître. Car pourquoi, je vous prie, fi en nous » annonçant par un Héraut que nous étions libres, on a voulu fincérement que nous le fuffions, pourquoi pendant que je ne vous demande pas raifon de ce que vous avez fait après la prife de Capoue, dois-je vous en rendre de la conduite que nous avons tenue à l'égard des Lacédémoniens, après l'avantage remporté fur eux? Nous en a"vons fait mourir quelques-uns, foit: mais vous, n'avez-vous pas fait fauter la tête " aux Sénateurs de Capoue? Nous avons détruit des murailles, cela eft vrai: mais ,, vous en êtes-vous tenus là? N'avez-vous pas encore ruiné la ville & le territoire ? Nous étions les maîtres, direz-vous, & les Achéens ne font libres que par grace, & ,, qu'autant qu'il nous plaît. Je le fens bien, Appius, & fi l'on ne doit pas en étre fa,, ché, je n'en fuis pas fâché. Mais quelque différence qu'il y ait entre vous & nous, ,, au moins ne nous mettez pas en méme rang nous qui fommes vos Alliez, & ceux qui font autant vos ennemis que les nôtres: au moins ne traitez pas ceux-ci plus favorablement que nous. En leur donnant nos loix, & en les admettant dans la ligue des » Achéens, nous avons rendu leur condition égale à la nôtre: cela ne leur fuffifoit-il ,, pas? Mais non: vaincus, ils ne fe contentent pas de ce qui contenteroit des vain"queurs; ennemis, ils prétendent plus que ne prétendroient des Alliez. Ils veulent anéantir un Traité, qui gravé fur la pierre a été comme confacré à l'immortalité, & auquel nous nous fommes obligez par ferment. Nous vous refpectons, Romains, & fi vous le voulez même, nous vous craignons; mais nous refpectons & craignons », encore plus les Dieux immortels.

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Tout le Confeil applaudit à ce difcours, chacun s'écria que l'on ne pouvoit foutenir plus majestueufement & avec plus de vigueur la dignité de premier Magiftrat. II n'y eut qu'Appius qui reftât infléxible. "Pendant que vous pouvez de bon gré, ré"pondit-il orgueilleufement, vous accommoder avec les Lacédémoniens, croiez-moi, Achéens, accommodez-vous avec eux; de peur que dans la fuite vous ne foiez obligez de le faire malgré vous. Cette hauteur faifit d'effroi les Achéens, ils fe bornérent à demander qu'on n'éxigeât rien d'eux contre la religion du ferment, laiffant en la difpofition des Romains de faire des Lacédémoniens tout ce qu'ils jugeroient à pro

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pos.

Appius caffa la Sentence prononcée contre Areus & Alcibiades, & permit aux Spartiates de députer à Rome; quoique ce fût une loi parmi les Achéens, qu'aucune ville ne députeroit de fon chef & féparément du Confeil général de la République. Les Achéens envoiérent auffi de leur côté des Ambaffadeurs. Après de longues conteftations, Tit. Liv. le Sénat fit partir pour la Gréce Q. Marcius, qui tout en arrivant remit dans Sparte ceux que les Achéens en avoient éxilez, déclara innocens tous ceux qu'ils avoient condamnez, éxemta les Lacédémoniens de toute contribution, leur permit de recourir à in A- des tribunaux étrangers pour les caufes capitales, & de relever leurs murailles.

Lib.

XXXIX.

Paufan.

chaic.

Lib.
XXXIX.

Ici achéve fa glorieufe carriére le fameux Philopamen, le guerrier de fon tems, & Tit. Liv. ce tems étoit très-fécond en Héros, qui eût le plus étudié fon métier, & qui l'eût le mieux appris. Malade à Argos & âgé de foixante-dix ans, aiant ouï dire que Dinocrates avoit détaché Mefféne de la ligue des Achéens, & qu'il étoit fur le point de s'emin Philop. parer de Corone, pofte confidérable au deffous de Mefféne fur le bord de la mer, il part pour se rendre à Mégalopolis, & y arrive le même jour. Il ne s'y arrête

Plutarch.

pas, il

prend

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prend quelques jeunes gens des plus qualifiez de la ville, tous bien montez, & parmi lefquels on ne peut raifonnablement douter que Polybe ne fût, & marche vers Mefféne. A moitié chemin, il rencontre Dinocrates, le charge & le met en fuite. Cinq cens chevaux des ennemis le furprennent dans un fond très-difficile. Il ferre fon petit efcadron, fe met à la queue, & s'avance plufieurs fois contre l'ennemi, pour donner à fes jeunes gens le tems de fe fauver. Son cheval s'abbat, il tombe, & fon cheval fur lui, peu s'en fallut qu'il n'en fût écrafé. Les ennemis accourent & l'environnent. Quand ils eurent reconnu que c'étoit Philopomen, refpectant ce grand homme, & fe rappellant les fervices fignalez qu'il leur avoit rendus, ils le relevérent comme fi ç'eût été leur Génénal, & le conduifirent à Mefféne à travers une foule innombrable de peuple qui s'étoit amaffée pour le voir: mais à peine y fut-il arrivé, qu'on le defcendit dans un lieu fouterrain, que l'on couvroit d'une groffe pierre, & où le lendemain on lui envoia un poifon. Il demanda à l'éxécuteur, fi Lycortas & fes cavaliers s'étoient retirez fains & faufs, & quand on lui eut dit qu'ils s'étoient fauvez: cela me fait plaifir, ditil, & auffi-tôt il prit le poifon, qui ne le tourmenta pas longtems; il étoit fi épuifé, qu'il fut éteint en un moment.

Sur la nouvelle de fa mort, on tint un grand Confeil à Mégalopolis, où l'on réfolut de venger un attentat fi horrible. Lycortas nommé Général, fe jette dans la Meffénie, & y met tout à feu & à fang. Mefféne ouvre fes portes. On brûle le corps de Philopamen, & l'on porte fes cendres à Mégalopolis. C'étoit Polybe qui dans cette pompe triomphale portoit l'urne, il avoit alors environ vingt-deux ans.

An de
Rome

DLXXI

Les Mefféniens députérent enfuite aux Achéens pour demander la paix, qui leur fut Polyb. accordée par Lycortas à ces trois conditions, qu'ils livreroient tous ceux qui avoient eu T. II. part au démembrement de la ligue & à la mort de Philopamen, que toutes les affaires P. 1207. feroient portées au Confeil des Achéens, & qu'ils recevroient garnifon dans leur citadelle. Ces conditions acceptées, Lycortas entra dans Mefféne, & enjoignit à tous ceux qui étoient convaincus d'avoir confpiré contre Philopamen, de fe donner la mort à eux

mêmes.

T. II.

La guerre de Mefféne terminée, les Romains furent un peu étonnez que ce fût à l'avantage des Achéens. Pendant qu'elle étoit le plus allumée, comme les Ambaffadeurs de cette République leur avoient demandé du fecours contre les Mefféniens, ou du moins qu'ils ne permiffent pas qu'on leur portât des vivres, ils avoient répondu, qu'ils Polyb. ne vouloient point fe mêler dans cette guerre, & qu'il leur importoit peu que Lacédé- p. 1204 mone, Corinthe ou Argos fe féparaffent de la ligue. Mais quand ils eurent appris que Idem les Achéens avoient eu le deffus, ils changérent de fentiment, & dirent aux mêmes Am- p. 1207baffadeurs, qu'ils avoient pris des mefures, pour empêcher que l'on ne portât des vivres & des munitions à Mefféne.

Lycortas fans faire femblant de favoir la derniére réponse, profita habilement de la premiére, pour rejoindre Lacédémone à fa République. Le Confeil affemblé, il dit que puifque les principaux de cette ville fouhaitoient rentrer dans la ligue, fon avis étoit qu'on ne refufât pas leurs offres; qu'il voioit dans cette réunion de grands avantages, outre qu'il n'y avoit rien à craindre des anciens bannis; parce que l'on ne reprendroit que ceux, fur la fidélité defquels on pourroit compter.

Ces raifons eurent tout leur effet, malgré les oppofitions de Diophanes, qui favorifoit le retour de tous les bannis en général, & Lacédémone rentra dans la ligue des Achéens. On députa enfuite Bippus d'Argos, pour informer le Sénat Romain de ce qui venoit de fe paffer, & les bannis envoiérent à Rome de leur part Cletis, pour défendre Idem leur caufe contre l'Ambaffadeur des Achéens. Le Sénat, après les avoir entendus, écri- P. 1210 vit par Cletis aux Achéens, pour les engager à rétablir tous les éxilez; mais cette Ré

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pu

Idem

publique, avant que de fe déterminer, crut qu'il étoit bon d'attendre le retour de fon Ambaffadeur.

Dans cet intervalle, Lycortas & Polybe furent chargez par la République d'aller, en p. 1214 qualité d'Ambaffadeurs, remercier Ptolémée Roi d'Egypte des dix galéres à cinquante rangs, dont il lui avoit fait préfent, dans la vûe d'entrer dans fon alliance. Le choix ne pouvoit guéres tomber que fur eux deux, qui étoient très-connus du Prince; Lycortas, parce que perfonne n'avoit été plus porté que lui à renouveller l'alliance avec Ptolémée, & qu'elle s'étoit renouvellée fous fon Généralat; Polybe, parce que, quoiqu'il fût alors trop jeune pour cette fonction, il avoit déja été, quelques années auparavant, chercher en Egypte les armes & l'argent que Ptolémée avoit offert aux Achéens.

Idem p. 1216.

Idem p. 1241.

Rome

DLXXXVI.

A leur retour, Hyperbate alors Général fit lecture, dans le Confeil, des lettres que le Sénat avoit écrites pour le rétablissement des éxilez. Ce Général & Callicrates étoient du fentiment que l'on fe foumît aveuglément aux ordres des Romains, & fans aucun égard pour les loix qui fembloient ne le pas permettre. Cette baffeffe révolta Lycortas. Zélé Républiquain, il s'éleva avec force contre une foumillion fi peu digne d'un gouvernement libre: mais connoiffant le caractére de ceux qui tâchoient de l'infpirer, il tourna fon oppofition de maniére, qu'on ne pouvoit lui en faire une affaire auprès des Romains. Il infinua adroitement, que quand les Romains portoient compaffion aux miférables, & qu'ils leur accordoient leurs demandes, ils ne faifoient que ce que l'on devoit attendre de leur juftice & de leur équité, fur tout lorfqu'on ne leur demandoit rien que de raifonnable: mais que lorfqu'on leur montroit que ce que l'on avoit obtenu d'eux, ou ne pouvoit abfolument fe faire, ou devoit avoir des fuites facheufes pour leurs Alliez, ils étoient trop juftes pour vouloir qu'on obéît, malgré qu'on en eût, aux ordres qu'ils avoient donnez: qu'ainfi dans cette occafion, quand on leur auroit fait favoir que les Achéens ne pouvoient fe rendre à leurs lettres, fans violer fermens, loix, traitez, en un mot tout ce qu'ils avoient de plus facré & de plus inviolable, ils fe relâcheroient & ne trouveroient pas mauvais qu'on fe défendît de leur accorder ce qu'ils fouhaitoient.

Dans ce conflit de fentimens, on députe à Rome pour informer le Sénat de la modefte oppofition que Lycortas avoit faite aux ordres qu'il en avoit reçûs. Mais par malheur on mit Callicrates au nombre des Ambaffadeurs, & ce traître gagné & corrompu par les préfens des bannis, parla dans le Sénat contre les Achéens plus vivement, que n'auroit pû faire leur ennemi le plus emporté. Non feulement il y déclama contre ceux qui n'avoient point été de fon avis, il ofa encore fuggérer comment il falloit s'y prendre pour étendre & établir la puiffance Romaine dans le Péloponéfe. Le Sénat ne manqua pas de faifir cette occafion, pour rabaiffer la prétendue fierté de cette République ; il ne fe contenta pas d'envoier de nouveaux ordres en faveur des éxilez, il écrivit encore aux Etoliens, aux Epirotes, aux Athéniens & aux Acarnaniens, pour les exciter à fe joindre tous enfemble contre les Achéens, & pour comble de malheur le perfide Callicrates fçut à fon retour jetter dans le Péloponéfe une fi grande terreur des Romains, que la multitude, qui n'étoit pas inftruite de ce qu'il avoit fait à Rome, crut ne pouvoir rien faire de mieux que de le choifir pour Capitaine Général.

La guerre de Perfée qui fuivit de près cet événement, donna lieu à de nouveaux troubles. Aulus Hoftilius, de la Theffalie, où il étoit en quartier d'hiver, envoia dans le Péloponéfe C. Popilius & Cn. Octavius. Le bruit courut auffi-tôt dans le païs que ces deux Députez venoient pour faire le procès à Lycortas, à Polybe & à Archon, autre Magiftrat, fur ce qui avoit été rapporté aux Romains que ces trois Achéens intriguoient contre eux, & que fi pour le préfent ils paroiffoient ne pas fe remuer, ce n'étoit pas qu'ils n'euffent mauvaise volonté, mais qu'ils attendoient quelque incident qui

leur

leur donnât occafion de la faire éclater. Les Députez n'oférent cependant rien entreprendre contre ces trois Magiftrats.

Du Péloponéfe ils furent dans l'Etolie, & de là dans l'Acarnanie. Cette députation donna de l'inquiétude aux Achéens. Les principaux affemblez, on délibéra fur le parti que l'on devoit prendre entre Perfée & les Romains. Lycortas foutint que le meilleur étoit de leur laiffer vuider leurs démêlez, fans fe déclarer ni pour l'un ni pour les autres. Mais cette neutralité ne plut pas au plus grand nombre. Il ne paroît pas non plus que ce fut le parti le plus avantageux. N'étoit-ce pas là l'occafion de fecouer le joug des Romains, & de fe venger des hauteurs qu'on avoit eu à fouffrir de leur part? On avoit quitté Philippe fi à regret, on fe repentoit tant de l'avoir quitté. Pourquoi ne fe remettre en liberté en fe joignant à fon fucceffeur? On n'en fit rien, il fut réfolu au contraire que l'on fe rangeroit du côté des Romains. Archon, qui avoit été de cet avis, fut élû Capitaine Général, & Polybe Commandant de la cavalerie.

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Sur ces entrefaites arrivent des Ambaffadeurs de la part d'Attalus, pour demander que les Achéens rendiffent à Euménes fon frére les honneurs qu'il avoit autrefois reçûs de leur République. Ces honneurs étoient apparemment quelques ftatues qu'on lui avoit érigées, & qui pour quelques brouilleries avoient depuis été abattues. Il y eut dans le Confeil de grandes conteftations fur ce point. Archon étoit bien du fentiment, qu'on les lui rendit, mais il ne dit qu'un mot pour l'appuier; dans la crainte qu'aiant acheté fort cher fa dignité, l'on ne crût qu'il ne favorifoit Attalus, que pour en tirer quelque gratification. Dans le tumulte & la confufion, où il avoit laiffé le Confeil en fe retirant, Polybe fe leva & fit un long difcours qui fut fort applaudi.

Il montra que le Decret fait par les Achéens pour ôter les honneurs à Eumé- Id. p. nes, fouffroit explication: qu'il devoit s'entendre non de tous, mais feulement de 1245. ceux qui feroient contre les loix, & que la République ne pouvoit accorder fans fe déshonorer: que c'étoient Sofigénes & Diopithes Rhodiens, qui pour des différens qui les regardoient perfonnellement, avoient, contre le Decret des Achéens, fait cette infulte à Euménes: qu'en cela ils n'avoient pas feulement paffé les bornes de leur pouvoir, mais bleffé encore la bienséance & la juftice; puifque fi les Achéens avoient retranché les honneurs à Euménes, ce n'étoit pas qu'ils lui vouluffent du mal, mais parce qu'il en demandoit plus que fes bienfaits ne lui en avoient mérité: que les Achéens devoient en cette occafion modérer les excès de ces deux Magiftrats, fachant fur tout qu'Attalus ne feroit pas moins fenfible à cette faveur que le Prince fon frére. Sur ces raifons, on fit un Decret qui ordonnoit que l'on rétablît Euménes dans tous fes honneurs, à moins qu'il n'y en eût de déshonorans pour la République, ou contre les loix.

Sur le bruit que Perfée fe difpofoit à entrer dans la Theffalie, Archon fit dreffer un Decret qui portoit que la République leveroit une armée, pour aller dans la même Province au fecours des Romains. Il eut commiffion de lever des troupes, & d'amaffer les munitions néceffaires. On mit enfuite en délibération fur qui l'on jetteroit les yeux pour informer Quintus Marcius de la résolution que la République avoit prife, & on les jetta fur Polybe, en lui recommandant de prier le Conful de faire favoir quand il auroit befoin des foldats de l'Achaïe, de peur qu'ils n'arrivaffent pas affez-tôt, & de prendre garde lui-même, fi dans les villes où il pafferoit, il y avoit des magafins tout prêts pour le paffage des troupes. Polybe ne trouva pas les Romains dans la Theffalie, ils en étoient fortis, & campoient entre Azorium & Doliches. Il ne jugea pas à propos de paffer alors jufqu'à eux; mais il eut part à tous les combats qui se donnérent pour entrer dans la Macédoine.

Quand les Romains furent arrivez autour d'Héraclée, il crut que c'étoit le tems de

les

Id. p. 1268.

Id. p.

1270.

les joindre, parce qu'alors le Conful avoit heureusement terminé la plus grande partie de fon expédition. Il fut donc trouver Marcius, & lui montra le Decret par lequel fes Concitoiens s'engageoient à partager avec les Romains tous les travaux & tous les dangers de cette guerre. Il le fit enfuite fouvenir de la promtitude & de la foumiffion avec laquelle les Achéens avoient toujours éxécuté les ordres qui leur étoient venus de la part du Sénat Romain. Marcius remercia fort poliment les Achéens des offres obligeantes qu'ils faifoient, ajoutant que pour le préfent ils pouvoient s'épargner & les fatigues & les frais de cette guerre, parce que les Romains pouvoient la finir par leurs propres for

ces & fans le fecours de leurs Alliez.

Ceux qui étoient collégues de Polybe dans cette Ambaffade, retournérent dans leur patrie; pour lui il refta feul avec les Romains, & prit part à tout ce qui se passa dans la fuite; jufqu'à ce que Marcius aiant été informé qu'Appius Cento demandoit que les Achéens lui envoiaffent cinq mille hommes dans l'Epire, il le renvoia pour avertir fa République de ne pas donner ces troupes à Appius, qui les demandoit fans aucune néceffité. Polybe arrivant à Sicyone, où le Confeil fe tenoit, fut affez embaraffé. D'un côté il avoit des ordres de la part de Marcius qu'il ne pouvoit pas ne point faire connoître, & de l'autre il étoit dangereux de refufer crument à Appius le fecours qu'il attendoit. Pour fe tirer d'intrigue, il fe fervit heureusement d'un Decret du Sénat, qui défendoit que l'on eût égard à ce que demanderoient par lettres les Commandans des armées, à moins qu'ils ne montraffent l'ordre du Sénat, ordre qu' Appius ne montroit pas. Par cet expédient Polybe épargna à fa nation une dépenfe de plus de cent mille écus; mais auffi il ouvrit un beau champ à ceux qui auroient eu deffein d'indifpofer Appius contre lui.

L'hiver de cette année n'étoit pas encore paffé, qu'il arriva dans le Péloponése une Ambaffade folemnelle de la part des deux Ptolémées Philométor & Evergétes, pour demander aux Achéens le fecours qu'ils leur devoient comme Alliez des Rois d'Egypte. Les fentimens dans la place furent partagez. Callicrates, Diophanes & Hyperbatone ne trouvoient pas à propos que l'on accordât ce fecours; qu'en général il étoit de l'intérêt des Achéens de ne pas fe mêler des affaires étrangères, mais fur tout dans les circonstances préfentes, où il étoit important de ne pas divifer leurs forces, de peur de se mettre hors d'état de fervir les Romains, qui ne tarderoient pas à donner une bataille générale à Perfée, puifque Marcius avoit fes quartiers dans la Macédoine.

Là deffus on héfitoit, perfonne n'ofant prendre ouvertement le parti des Ptolémées, de crainte d'encourir l'indignation des Romains. Alors Lycortas & Polybe prirent la parole, & dirent entr'autres chofes, que l'année précédente Polybe étant allé trouver Marcius lui offrir le fecours des Achéens, ce Conful, en le remerciant, lui avoit pour dit qu'une fois entré dans la Macédoine, il n'avoit pas befoin des forces des Alliez; que l'on ne devoit donc pas fe fervir de ce prétexte pour abandonner les Rois d'Egypte ; que dans les conjonctures, où ces Princes fe trouvoient, ce feroit une ingratitude extrême de ne leur pas prêter la main, après les bienfaits qu'on en avoit reçûs, & que l'on ne pouvoit manquer à ce devoir, fans violer les Traitez & les fermens, fur lefquels l'alliance étoit fondée. Déja la multitude panchoit vers ce fentiment, lorfque Callicrates, prévoiant qu'il alloit avoir du deffous, congédia les Magiftrats, fous prétexte que les loix ne permettoient pas qu'on délibérât fur de pareilles affaires dans un marché.

Quelque tems après, à Sicyone, où le Confeil étoit affemblé, on remit la chofe fur le tapis. Là fe rendirent non feulement les Magiftrats ordinaires, mais encore tous ceux qui étoient âgez de plus de trente ans. Polybe y aiant répété qu'il favoit de Marcius même que le fecours des Achéens lui étoit inutile, & aiant ajouté que quand même il feroit néceffaire aux Romains, cela ne devoit pas empêcher que la République n'en don

nât

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