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parle. Quoiqu'il en foit, l'éxemple me femble affez remarquable pour avoir place ici, quoique je n'aime guéres à parler de ce que je ne crois point.

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En 1476. trente mille Spahis, dit l'Auteur, étant entrez dans le Frioul, y portérent tous les maux & toutes les horreurs de la guerre, & battirent tout ce qui ofa leur P. Juftiréfifter; mais ils ne pûrent jamais rompre un corps d'infanterie Vénitienne commandé niani. P. Jovio, par Carlo Montone, Capitaine très-intelligent dans les évolutions pratiquées dans ce fiécle-là. Il forma de fes troupes un bataillon de figure triangulaire, fraifé de piquiers & de pertuifannes qui faifoient front de tous côtez, & qui rendirent inutiles tous les efforts de la cavalerie Ottomane, & fe retirérent bravement dans cet ordre jusques dans un pofte où il fut impoffible de les forcer.

Si ce corps d'infanterie, rangé de la forte, avoit été triangulaire, & non pas un quarré long, ou une Colonne parfaite, il étoit impoffible qu'il réfiftât contre le choc des chevaux à fes angles trop émincez d'ailleurs on ne peut pas dire qu'un triangle faffe front de tous côtez, fi les angles n'en font pas abattus, & qu'ils puiffent au moins préfenter dix hommes, & alors ce ne feroit pas un triangle, mais un éxagone très-irregulier. On ne peut pas dire qu'une épée faffe front à fa pointe: outre que le triangle n'eft nullement propre pour une retraite, & ne fçauroit marcher fans fe rompre & fans fe confondre, il ne feroit pas befoin de l'ennemi pour cela. Mettons cet éxemple au nombre des imaginaires à l'égard de la figure de ce corps d'infanterie. Ne doutons pas un feul moment que cet Officier n'ait formé un ordre quarré plein qui étoit alors en ufage, ou un quarré long: or fi cette évolution est capable de réfifter à trente mille chevaux de la meilleure cavalerie Turque, que peut-on attendre d'une Colonne, qui eft un corps plus parfait & d'une figure plus fimple, & qui a toute la force du bataillon quarré fans en avoir les défauts?

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Suite du Chapitre précédent. Que la Tête de Porc, dont les Auteurs de la moienne antiquité font mention, peut être le Cuneus des Grecs.

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Marc.

Ous l'Empire de Juftinien le Coin changea de nom, on lui donna celui de Tête de Caput Porc. Plufieurs Auteurs de ce tems-là nous apprennent cela, entr'autres Végéce, PorciAmmien Marcellin & Agathias: celui-ci dans la bataille de Bucelin, Général Fran- Veget. çois, qui mit en œuvre cette évolution au centre de fon infanterie contre celle de Nar-1. I. c. fez, un des plus grands Capitaines de fon tems. Le Pére Daniel dans fon Histoire de 19. France, & dans celle de la Milice Françoife, a pris tellement plaifir au détail de cette Amm. journée, qu'il l'accompagne d'un plan des deux ordres de bataille, qui fentent un peu la 1.XVII. conjecture. Avec tout le refpect dû à cet Hiftorien célébre, je ne crois pas que cette Agath. I. Tête de Porc fût ce qu'il nous repréfente: en rigueur c'étoit plutôt un triangle plein, II. p. 24. épointé, moins ouvert que le droit, & formé par fections débordées, mais fort peu de l'une à l'autre; en faifant trop déborder ces fections, comme dans la figure A, on rend cette évolution très-foible, & fujette à de grands défauts: car les angles des fections B, pant trop au-delà de ceux des fections qui les précédent, fe trouvent trop en prife aux files de la phalange, qui ne font pas oppofées à la tête A, laquelle trouve une force & une profondeur égale à ce qui fe trouve à fon paffage: & l'on peut dire qu'il

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•qu'il n'y a que la tête A qui faffe effort, & qui s'ouvre un paffage pour l'ouvrir aux autres B, qui prêtent toutes le flanc. Car bien loin d'éviter les angles, qui font ce qu'il y a de plus foible, on a trouvé le fecret d'en produire huit, & de rendre facile à enlever tout ce qui déborde, & qui avance au-delà des fections qui précédent : ainsi cette masse fe trouve fans force à fes côtez, & peu redoutable à fon extrémité A, qui ne fçauroit être foutenue, parce que le fecond corps qui lui fert d'appui fe trouve en même tems attaqué à fes aîles & à fes flancs, comme les autres qui font derriére; les ennemis pouvoient d'autant mieux les rompre, qu'en ce tems-là les François étoient trèsmal armez, felon la coûtume de cette nation, qui n'avoit que la hache & l'épée, & aucune arme de jet, pas même des armes défenfives; au lieu que les Romains avoient de tout cela, tant la coûtume avoit de force & de puiffance fur cette nation, fans que leurs défaites, qui venoient toutes de la foibleffe de leurs armes, leur ferviffent de leçon : car les Gaulois de l'antiquité la plus reculée, comme les autres qui font venus après eux -fous le nom de François, ont toujours été battus pour n'avoir pas imité leurs ennemis -dans la maniére de s'armer. S'ils l'euffent fait, je ne fçai fi on parleroit aujourd'hui de : ces anciens Grecs & Romains, fi admirez dans l'Hiftoire, & fi renommeż par la grandeur de leurs victoires, & par celle de leurs conquêtes.

&au

Guftave-Adolphe, le plus grand Capitaine & le plus profond dans l'infanterie qu'on ait jamais vû depuis les Anciens, avoit cherché une évolution plus parfaite & plus propre à enfoncer que la ridicule Tête de Porc, qui ne fut jamais au monde telle qu'on nous la donne ici. La premiére idée de ce grand homme, fut la portion de Croix A, qu'il entrelaffa entre les brigades de fon infanterie, comme il paroît dans le plan de la batailMerian. le de Léipzig en 1631, ou les Impériaux furent totalement défaits. Dans cette bataille Theat. le Roi de Suéde inféra des Coins fimples, ou pour mieux dire des Colonnes entre les briEurop, gades de fon infanterie : la manche des piques A faifoit la premiére fection, & les deux

P.433.

P.

Ibid.

Ibid.

manches des Moufquétaires B, C, derriére celle des piquiers fur une même ligne. La fection C étoit alignée entre les bataillons D de chaque brigade, les deux autres fections A, B, débordant fur tout le front de la ligne; ainfi chaque Colonne fe trouvoit flanquée du feu des Moufquétaires, & foutenue encore du centre des piques E, des bataillons D, des aîles des brigades, & les deux rentrans F, entre les corps D, & la Colonne, ne pouvoient être abordables, fi l'on ne commençoit par embraffer la Colonne & tous les corps; ce qu'on ne pouvoit que par un ordre & des armes femblables. L'ordonnance de Lutzen fut une fuite des réfléxions que Gustave avoit faites à celle de Léipzig; c'est à cette maniére de combattre, auparavant inconnue, qu'il dut le fuccès de ces deux grandes journées...

Cette fçavante méthode de Guftave ne périt pas après la mort de ce grand Roi, elle trouva des gens qui la pratiquérent avec beaucoup de gloire. Les Suédois combattitom.III. rent & vainquirent par Colonnes à la bataille d'Oldendorp en 1633. Cinq campagnes P85 après les mêmes Suédois remportérent une grande victoire à Witte-Weyr. Et en 1642. tom. III. le Maréchal de Guébriand gagna celle de Hulft. On peut dire que dans celle-ci comP.963. me dans la précédente, les deux Généraux fe rangérent fur une ligne de Coins fimples, Ibid. c'eft-à-dire que les deux fections des Moufquétaires C flanquoient celles des PiP.800. quiers B.

tom. IV.

Pour revenir à l'ordre de bataille de Léipzig, bien que j'aie dit que Guftave se rangea par Colonnés entre les brigades, je crois qu'en rigueur on ne peut pas les qualifier de ce nom, mais feulement de portions de croix, ou de Coins fimples; parce que les bataillons D. faifoient corps avec elles, & que tous ensemble' agiffoient du même branle & du même mouvement, fans s'en féparer. Cela les rendoit pefantes & difficiles à manier dans leurs différentes manoeuvres, & leur ôtoit la force & l'impétuofité du choc.

Le

D.de Butter fecit.

LA TÊTE DE PORC.

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COLONNE DE GUSTAVE-ADOLPHE ROI DE SUEDE À LEIPZIG.

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