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C'est ce- expérimentez qui ait paru dans notre fiécle, & dont les actions font affez connues, fe lui qui a retirant par les plaines de Pologne avec un corps d'infanterie d'environ quatre à cinq défendu mille hommes, fe vit tout d'un coup attaqué dans fa marche par huit mille chevaux de glorieu- cavalerie Suédoife, & l'intrépide Roi de Suéde Charles XII. à la tête. Cet habile fement. Chef Saxon, brave & expérimenté, ne fe déconcerte point, & fait voir tout ce que

Corfou fi

peut un efprit éclairé, fecondé d'un grand courage & de la confiance de fes troupes. It fe range en Colonne, fe fraise de tout ce qu'il a d'armes de longueur, halebardes, pertuifannes & efpontons, & fe prépare à une vigoureuse réfiftance; il eft bientôt joint, & dans l'inftant attaqué: il foutient le choc de cette cavalerie avec tout l'ordre & la. valeur poffible. La cavalerie Suédoife eft repouffée, le Roi ne fe rebute pas; il étend fes efcadrons & environne cette Colonne de toutes parts, elle fait face par tout: le combat recommence avec la même fureur, le Monarque s'abandonne fur cette Colonne, &. la charge à différentes reprises. Il trouve un courage & une obftination égale à la fienne; il fe laffe enfin de tant de charges inutiles & fans effet, & Schoulembourg continue fa marche jufqu'à un ruiffeau, qu'il paffe à la faveur de la nuit, & du feu d'un moulin où il avoit jetté quelque infanterie..

Hift.

Grec. 1. VII.

Diodore

I'

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Suite du même fujet. Batailles de Leuctres & de Mantinée.

L me femble que Plutarque n'inftruit pas affez fon Lecteur dans le récit d'une bataille: auffi mémorable que celle de Leutres. Elle méritoit plus de foin & d'éxactitude : car jamais un bon abréviateur ne laiffe échaper les circonftances d'un fait d'où naiffent les grands événemens.

L'Auteur ne dit pas un feul mot de la cavalerie. S'il eût confulté Xénophon, il eût remarqué qu'il y en avoit dans les deux armées, & celle des Thébains contribua beaucoup à la victoire.

Pour redreffer ce qui manque dans cet Auteur, j'ai fuivi Xénophon, qui dit que Cléombrote forma une premiére ligne de fa cavalerie A, qu'il posta à la droite de fa phalange B, qui la foutenoit.

Les Thébains étoient plus foibles de la moitié; mais comme ils étoient bien dit qu'ils commandez & mieux ordonnez, ils marchérent aux ennemis, qui les debordoient avoient extraordinairement à leur droite C.

7000.
hommes

Epaminondas le voioit affez: pour leur ôter cet avantage, il fit un trait d'un d'infan- Capitaine fin & rufé. terie, & 500.de cavale

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Îl se détermine d'attaquer par fa gauche D, il la fortifie de tout ce qu'il avoit d'hom-mes d'élite, ou de péfamment armez, qu'il rangea fur cinquante de profondeur, c'està-dire en Colonne E, que je conjecture de trois mille hommes. La Compagnie des trois cens (a) F. fermoit cette aîle. Le refte de fon infanterie G, qui confiftoit en

(a) La Compagnie des trois cens.] Cette Compagnie, ou Troupe facrée, comme la plupart des Auteurs l'appellent, étoit très-bien imaginée pour ces tems antiques. Quiconque la propoferoit dans celui-ci, fe feroit moquer de lui, & pafferoit pour

fes

très-vifionnaire. Où trouver tant d'amis dans un fiécle fi corrompu? A moins qu'on ne les cherchât dans les troupes, car je ne pense pas qu'on en puiffe trouver ailleurs que dans les armées; les armes font cet effet, c'est une très-grande rareté

dans

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fes armez à la légére, & les troupes qui ne faifoient pas corps avec fa premiére phalange, s'étendoient fur une ligne fort mince, fur trois ou quatre de hauteur, parce qu'il comptoit en formant une oblique, d'éviter un engagement de ce côté-là. A l'égard de fa cavalerie H, il fe régla fur la difpofition de fon ennemi.

Cléombrote forma fa phalange L, felon la coûtume des Grecs; fa cavalerie, comme je l'ai déja dit, étoit en première ligne à fa droite rangée par efcadrons. C'est l'ordre & la diftribution des troupes des deux armées dans une plaine rafe & décou

verte.

Les Thébains parurent d'abord en bataille aux points M fur une ligne droite & paral léle à la phalange Lacédémonienne; ils s'ébranlent tout d'un coup, & pendant que l'extrémité de leur aîle droite ne bouge, tout le refte de la ligne marche par un demi quart de converfion par les lignes ponctuées P; c'eft-à-dire que la ligne fe meut autour de N, comme autour de fon centre: de forte que l'aîle droite fe trouva fort éloignée de la gauche de Cléombrote. Par ce mouvement les Thébains à leur gauche s'approchérent toujours plus de la droite des Lacédémoniens, fur laquelle ils vouloient tomber. Cette difpofition d'Epaminondas eft la fixiéme de Végéce, qu'il appelle In fimilitudinem veru; c'eft l'ordre oblique dont il fait plus de cas que d'aucun autre des fept qu'il nous donne dans fon Livre. Les Anciens l'appelloient bataille de biais, c'eft-à-dire qu'on mettoit tout ce qu'on avoit de troupes d'élite à l'aîle qui devoit attaquer, pendant qu'on refufoit tout le reste de la ligne à l'ennemi. 11 paroît qu'Epaminondas le préféroit à tous les autres, effectivement c'est le meilleur : la ligne oblique ou l'ordre de bataille oblique étant tout ce qu'il y a de plus à craindre & de plus rufé dans la tactique; c'eft la reffource des foibles, & fur tout lorsqu'on introduit des Colonnes dans l'aîle qui doit attaquer. Il y a plus d'art qu'on ne penfe dans les manoeuvres de l'oblique, j'en fais plus de cas que de la courbe, quoique belle & profonde, mais moins fûre que l'autre. Quoiqu'il en foit, bien que les Anciens connuffent l'oblique comme la courbe, ils n'introduifirent jamais de Colonnes du côté où ils vouloient engager le combat, comme fait Epaminondas dans celui-ci. Feu S. A. R. Monfeigneur le Duc d'Orléans me parut furpris de cet ordre de bataille que j'eus l'honneur de lui préfenter, les Experts n'en penferont pas moins avantageusement que ce Prince habile & éclairé. Reprenons notre fujet.

La cavalerie en vint bientôt aux mains. Comme celle des Thébains étoit mieux montée, & plus expérimentée que celle de Lacédémone, (qui ne valut jamais rien,) celleci ne fut pas longtems fans être rompue & renversée fur fon infanterie, qu'elle mit en confufion.

Les Thébains, après ces premiers fuccès, attaquent d'abord la droite de la phalange. Sur ces entrefaites la Compagnie des trois cens F, tourne fubitement fur l'aîle, & la prend en flanc, pendant que la groffe Colonne choque de tête, enfonce tout ce qui lui réfifte, paffe outre, & retourne fur ce qui reftoit encore en entier, pour ne lui pas donner le tems de fe reconnoître.

Cette aîle totalement ruinée & en fuite, la cavalerie fe met à fes trouffes, pendant

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qué l'infanterie victorieufe profitant de fon premier avantage, gagne toujours vers la gauche. Cette gauche qui voit le défordre de fa droite, & l'ennemi qui s'avance toujours vers elle, croit tout perdu; elle plie & lâche le pied. La déroute de cette droite fut la caufe de la perte de cette bataille, qui n'étoit pas encore perdue, fi les Généraux n'euffent pas défefpéré. Elle peut être comparée aux plus fameufes de l'antiquité. Jamais Lacédémone n'en éprouva de femblable, ni de plus honteufe. Le Roi Cléombrote y fut tué, & mille Lacédémoniens, c'étoit l'élite de Sparte: ceux qui fuirent n'en étoient que la lie, comme dans toutes les batailles ceux qui ne rendent aucun

combat.

Epaminondas raifonna en grand Capitaine, & prévit bien ce qui pouvoit arriver par l'excellence de fa difpofition, autant rufée que fçavante & profonde. Comme il étoit grand homme d'infanterie, qu'il en connoiffoit la force autant qu'il la faifoit connoître à fes foldats, il vit bien que l'ennemi résisteroit vainement au choc, & à la pefanteur de cette formidable Colonne, & à celle des trois cens qu'il oppofa à la phalange Lacédémonienne, qui n'étoit rangée que fur douze de hauteur. Cléombrote fit une faute d'en diminuer la profondeur pour en augmenter le front, fans aucune néceffité, puifqu'il étoit fupérieur en nombre. Le grand nombre ne fert de rien contre un Général qui fe refufe à une aîle, & donne à l'autre cet avantage de l'ordre oblique. Voilà une énorme bévûe dans Cléombrote en voici une autre qui ne céde en rien à la premiére.

Il mit fa cavalerie en premiére ligne à fa droite, foutenue par celle de fa phalange. Cela étoit encore dans les régles de la guerre, & de la milice, fi l'on confidére que la phalange étoit un corps uni & fans aucun intervalle, ni divifions entre les lignes. Il eût dû laiffer des efpaces entre les enfeignes pour donner des iffues, ou un écoulement à fa cavalerie en cas d'accident. Elle eût pû se remettre du défordre derriére son infanterie ; pourquoi négliger cette précaution? On ne fait pas autrement quand on veut foutenir l'infanterie par la cavalerie, ou qu'on ne compte pas fur la valeur de celle-ci ; après tout, cela n'eût fervi de rien contre les Colonnes: car je ne vois aucun reméde, finon de combattre fur un ordre femblable.

Lorfque Cléombrote s'apperçut que les Thébains s'éloignoient à leur droite, & avançoient leur gauche, il eût dû doubler & tripler les files de fa phalange. Ce mouvement étoit fimple, aifé & prompt: au lieu qu'il marcha par l'aile à fa droite, c'est-à-dire qu'il la prolongea pour l'empêcher d'être débordée de ce côté-là, & par où l'ennemi s'étendoit, au lieu qu'il falloit oppofer une maffe égale en hauteur à l'infanterie Thébaine, & jetter en même tems fa cavalerie à la pointe de fon aîle attaquée, & l'entrelaffer de quelque infanterie, felon la méthode des Grecs. Il ne fit rien de ce qu'il auroit dû faire, il fut battu; qui peut difconvenir qu'il ne dût l'être ?

Epaminondas fe trouva fi bien de cette difpofition à la bataille de Leucres, qu'il ne manqua pas de s'en fouvenir à celle de Mantinée: il combattit dans cet efprit, & vainquit par cela feul. Il fut tué dans cette grande journée, & avec lui périt la gloire & l'efpérance de Thébes.

OB

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