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en fon royaume. L'empereur le lui permit: mais au lieu du chemin ordinaire par la Syrie, il lui confeilla d'aller par l'Egypte. Agrippa vint donc à Alexandrie, où le peuple, qui haïffoit les Juifs, indigné de ce qu'ils avoient un roi, le voulut tourner en ridicule, étant autorisé fecretement par Flaccus prefet d'Egypte; à qui la prefence de ce roi donnoit de la jaloufie, & qui d'ailleurs haïffoit les Juifs.

Il y avoit un fou nommé Carabas qui fe promenoit tout nud par les rues d'Alexandrie, & étoit le jouet des enfans. Ils le menerent au gymnafe;c'étoit le lieu des exercices publics : & l'ayant élevé lui mirent fur la tête un diadême de papier d'Egypte, dont la feuille eft nommée Papyros: fur les épaules une natte pour manteau, & à la main pour fceptre un morceau de rofeau qu'ils trouverent à terre. De jeunes gens l'entouroient avec des perches fur leurs épaules pour réprefenter ses gardes. Les uns venoient lui faire la reverence,les autres lui demandoient justice, d'autres le confultoient fur les affaires de l'état : & ceux qui étoient amaffez à l'entour crioient, Mâri, c'eft-à-dire,Seigneur en syriaque.

Le peuple d'Alexandrie s'échauffant de plus en plus, s'affembla le lendemain dès le matin au théatre, & cria qu'il falloit confacrer des ftatuës, c'est-à-dire, mettre des idoles dans les fynagogues des Juifs, fe fervant du nom de l'empereur pour couvrir cette entreprise féditieufe. Flac

xv. an. Flac. p. 908. D.

tiq. c. 8. Phil.in

Euf. chr.an.39. cus le permit. Ainfi on leur ôta leurs fynagogues: une partie furent abbattues ou brûlées: dans les autres on mit des ftatues de l'empereur Caligu

10. 1. C.

A.

C.

la qui avoit la folie de fe faire adorer comme Phil.de leg.p. un dieu. Flaccus publia enfuite une ordonnance In El. p.973. par laquelle il les déclara étrangers, quoiqu'ils fuffent citoïens & avec les mêmes privileges qu'à Antioche; & quoiqu'ils fuffent en fi grand nombre, que dans Alexandrie & le refte de l'Egypte ils étoient bien un million. Enfin il permit à tout le monde de traiter les Juifs comme des captifs pris en guerre.

Ibid. p. 971.

Alexandrie étoit divifée en cinq quartiers, qui portoient le nom des premieres lettres de l'alphabet. Il y en avoit deux particulierement attribuez aux Juifs. On les réduifit à une petite partie d'un seul quartier. En forte que plufieurs n'y pouvant trouver place, étoient réduits à errer fur le bord de la mer, dans les tombeaux & les fumiers, etant dépoüillez de tout. Cependant les gentils pilloient leurs maisons, enfonçoient leurs boutiques, enlevoient les marchandifes & les partageoient en plein marché : & les Juifs ne pouvoient plus exercer leur commerce ni leurs métiers. Les gentils pafferent plus avant. Ils tuerent & brûlerent grand nombre de Juifs, & traînerent leurs corps par la ville. Flaccus fit fouëtter cruellement plufieurs de leurs fenateurs: & fous prétexte de défarmer la nation; il fit foüiller les maisons, & en tira plusieurs femmes

qu'il

qu'il faifoit tourmenter, quand elles refufoient de manger de la chair de porc. C'eft ainsi que la vengeance divine commençoit à éclater contre les Juifs.

1016. A.

Ces cruautez fervoient de divertiffement pu- Philo. de leg. på blic pour la fête de l'empereur, & les Alexandrins prétendoient lui faire leur cour, en traitant ainfi les Juifs qui ne vouloient pas le reconnoître pour un dieu, quoiqu'ils lui euffent rendu tous les honneurs que leur loi permettoit de rendre à un homme. On lui envoïoit des relations de ce qui s'étoit paffé chaque jour, à l'occasion des fynagogues, & l'empereur ne lut jamais avec tant de plaifir, ni poëme, ni histoire. Ce qui n'empêcha pas que la même année il ne fît arrêter Flaccus, contre lequel il étoit irrité depuis Philo. in Flac. p« long-tems. Il l'envoïa en exil & le fit mourir 981. peu de tems après.

Agrippa arrivant en Palestine furprit tout le monde, par le changement de fortune. Il en étoit parti miserable & accablé de dettes, & revenoit avec le nom de roi & le diademe. Sa fœur Herodiade en fut la plus touchée, & en conçut une jalousie extrême. Elle reprochoit à fon mari Antipas, que s'il eût eu du courage, & s'il eût voulu aller trouver l'empereur, il auroit bien plus facilement obtenu le titre de roi, étant déja tetrarque, que fon neveu, qui n'étoit que fimple particulier. Herode après avoir réfifté quelque temps, ceda enfin aux importunitez de fa femTome I.

E

X V I.

Fin d'Herode

Antipas & de

Pilate.
Fos. ant. XVIII.
..bell.c.8.

me; & entreprit le voiage: mais Agrippa ens voïa après lui Fortunat fon affranchi, qui arriva en Italie auffi-tôt qu'Herode. L'empereur étoit à Baïe. Herode Antipas le falua le premier. Incontinent après il reçut les lettres d'Agrippa, qui accufoit Antipas d'avoir confpiré contre l'empereur Tibere avec Sejan, & d'être alors d'intelligence avec Artaban roi des Parthes. La preuve étoit, que dans fes magasins il avoit des armes pour 70. mille hommes. L'empereur en fut émû, & lui demanda s'il étoit vrai, qu'il eût cette provifion d'armes. Antipas ne le put nier : & l'em, pereur le tenant pour convaincu de rebellion donna fa tetrarchie à Agrippa, dont il accrut le roïaume. Il lui donna auffi les biens d'Antipas & d'Herodiade, & relegua Antipas pour toûjours à Lyon en Gaule, où fa femme Herodiade le fuivit. Delà ils s'enfuïrent en Espagne, & y perirent. Telle fut la fin d'Herode Antipas, qui avoit fait mourir faint Jean-Baptifte, & traité J. C. avec mépris. Il regna quarante-deux ans entiers depuis la mort du vieil Herode fon pere, jufques à cette troifiéme année de Caligula, 39. de J. C. Pilate qui avoit été condamné dès le commenceEufeb. 11. hift. ment du regne de Caligula, & envoïé en exil à Vienne fur le Rône, y mourut cette même année 39. de J. C. s'étant tué de defespoir.

c. 7.

XVII.

Cependant faint Pierre étoit toûjours à JopConve:fion du pé, logé chez Simon le corroïeur. Un jour il monta au haut de la maison, pour prier à l'heure

centenier Cor

neille.

Act. x. 7.

de fexte, c'est-à-dire, à midi : tandis qu'on lui préparoit à manger. Il fut ravi en extafe, & eut une vision, où il lui fut commandé de manger indifferemment de toutes fortes de viandes, fans diftinguer les animaux immondes marquez par la loi. Comme il fongeoit à ce que fignifioit cette vision, l'efprit de Dieu lui dit : Voilà trois hommes qui te cherchent, va avec eux fans hefiter. En effet, dans le moment arriverent trois hommes envoïez par un Romain nommé Corneille, centurion d'une cohorte, qui demeuroit à Céfarée. Il craignoit Dieu, faifoit de grandes aumônes, & étoit toûjours en prieres. Un Ange lui apparut, & lui ordonna d'envoïer querir Simon Pierre à Joppé.

Saint Pierre fe mit en chemin avec fix des freres, & fuivit les gens de Corneille, qui de fon côté l'attendoit, avec fes parens & fes amis afsemblez. Saint Pierre leur dit : Vous fçavez l'horreur qu'ont les Juifs d'entrer chez un étranger : mais Dieu m'a fait connoître qu'il ne faut tenir perfonne pour immonde. Je demande donc pourquoi vous m'avez fait venir. Corneille lui raconta fa vision, & faint Pierre commença à les inftruire du mystere de J. C. rendant témoignage de fa réfurrection. Il parloit encore, quand le saint-Esprit tomba sur tous ceux qui l'écoutoient ; en forte qu'ils parloient diverses langues & glorifioient Dieu. Les fideles circoncis qui étoient venus avec faint Pierre, furent furpris de voir la

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