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Par qui feul j'efperois de voir finir mes peines.

Votre gloire en ce jour augmente mes douleurs, J'envie à chaque inftant votre bonheur fuprême, Vous poffedez en paix le grand Prince que j'aime, Et je n'attends plus rien qu'un tiffu de malheurs..

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Mais que dis-je?& pourquoi perdre toute esperance,
Non, non, de moa Heros je verrai le retour
Et vos bords orgueilleux fentiront à leur tour
Le tourment rigoureux que caufe fon abfence..

D'un fi flatteur efpoir ne foyez point jaloux,
Depuis affez long-temps recevans vos hommages
H vous comble de dons, enrichit vos rivages,
Un feul de fes regards étoit affez pour vous.

Baucis & Philemon Bergers de la Phrygie, Reçûrent comme vous, les plus puiffants des Dieux, kt comme eux à jamais contens & glorieux, Vous ferez de vos jours l'ornement & l'envit.

De votre heureux deftin, foyez donc fatisfaits Et laiffez-moi penfer que mon augufte Maître, Lui qui du monde entier meriteroit de l'être, Ne s'offencera pas de mes juftes regrets.

Au même..

Dignes filles du Ciel, vous fçavantes fœurs,
Qui fur le Mont facré, voulûtes m'introduire,
Quand de votre art divin, vous daignâtes m'inftruire
Vous fçavez à quel prix j'acceptai vos faveurs.

J'ofai vous demander pour me combler de gloire, De n'avoir qu'un objet à chanter dans mes Vers,

De qui le rang fuprême & les exploits divers,
Fiffent graver mon nom au temple de memoire.

Qui peut mieux m'affurer un fort fi glorieux,
Que l'augufte Heros que l'Ifere a vû naître ?`
Ce Prince magnanime en qui l'on vit paroître
Tant de rares vertus qui l'égalent aux Dieux.

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C'eft lui feul aujourd'hui qui m'anime & m'infpire;, Je voudrois celebrer cette haute valeur, Qui du fier Othoman le rendit la terreur, Et qui fit chanceler fon redoutable Empire.

De là portant mes yeux fur des objets plus doux, Je voudrois exprimer cette bonté charmante, Qui d'une ame heroïque, eft la marque évidente, Et qui le fait fouvent defcendre jusqu'à nous.

Enfin, je veux chanter cette magnificence, Qui nous laiffe par tout la trace de fes pas, Cette noble fierté, cet acueil plein d'appas Dont il fçait adoucir l'éclat de fa prefence.

Muses, vous vous troublez à ce hardi deffein, Vous le trouvez trop grand po r ma plume timide, Il faudroit, dites-vous, pour peindre mon Alcide Les plus vives couleurs, la plus fçavante main.

Je le fçais, mais, mon but eft de prouver mon zele, Sans ceffe, d'en offrir quelque preuve à fes yeux, D'en fignaler l'ardeur, & le fuivre en tous lieux, S'il accepte mes foins, ma Muse eft immortelle.

Ces Vers furent reçus de fon Alteffe Electorale avec des marques

d'eftime fi glorieufes pour moi, que je me crûs dans l'obligation de lur dédier ma Tragedie d'HABIS, dont il avoit honoré de fa prefence les premieres representations; revenons prefent, Madame, à des fujets moins relevez, quoique trés- dignes d'attention, & puifque je vous ai parlé d'Ha bis, & que voici l'endroit où mes Ouvrages dragmatiques interrompront ma lettre, fouffrez que je les precedent d'un Pouquet que je fis pour l'Illuftre Mademoiselle Defmares; Vous fçavez ainsi que tout le monde, que cette Actrice inimitable paroit le Theâtre des charmes de fa perfonne, & qu'elle y joignoit un jeu fi parfait dans l'un & l'autre genre, que fans avoir diminué la veneration que l'on a pour la memoire de celles qu'ils l'ont precedée, elle les a toutes effacées : mais, vous ignorez peut-être fes autres qualitez, ne l'ayant jamais vûë que fur la Scene c'eft ce qui m'oblige à vous faire un portrait abregé de fon caractere; vous avez dû juger

de fon efprit par celui qu'elle répan doit dans les rôlles, elle l'a vif, penetrant, orné & délicat, elle eft naturellement éloquente, parlant bien, jufte, & s'exprimant avec facilité; fon cœur ne cede en rien à son esprit, il eft tendre, genereux, & fenfible aux belles chofes.

Elle ne prodigue pas fon amitié, mais elle aime parfaitement ce qu'elle croit en être digne; elle eft conftante, bonne amie, & n'a que des fentimens nobles & relevez; voila, Madame une foible peinture de cette admirable fille, qui pour le malheur du blic vient de quitter, fi jeune, fi belle & fi excellente, qu'il a encore bien. des années à la regretter de fon vivant. Voici le Bouquet..

pu

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A Mademoiselle Defmares.

BOUQUET.

Vous qui poffedez les graces de Cithere,
Vous qui les répandez dans vos moindres dif-

cours

Vous qui fçavez en tout le charmant art de plaire, Vous qu'on ne peut aimer, fans vous aimer toujours;

Defmares? c'eft en vain que pour vous rendre hom

mage,

J'implore le fecours de Flore & des neuf fœurs,
Flore , par les attraits qu'on vous voit en partage,
Craint que vous n'effaciez ces plus brillantes fleurs;
Les Mules à vous feule attribuant leur charmes,
Difent que c'est par vous qu'elles ont des appas,
Et que leurs plus beaux Vers leur caufe des allarmes,
Quand par quelque accident vous ne les dites
pas,
Qu'elles tiennent de vous ce que je leur demande,
Que pour rendre leurs traits ou plus forts ou plus

doux,

Il faut que dans leurs chants votre bouche répande
Les charmes & l'efprit qu'on ne trouve qu'en vous;
Que de leurs nourriffons, les peines & les veifles,
Sans vous n'offriroient rien de touchant & de beau;
Et que fans vous enfin, Racine & les Corneilles,
Pour la feconde fois defcendroient au tombeau..
Ainfi me refufant un fecours neceffaire,

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