A Monfieur le Maréchal de Catinat.
Illes de Jupiter, compagnes d'Appollon, Mass
le facre valon; Soûtenez mes accents, & par votre science Satisfaites mes voeux, & mon impatience. Mon efprit, que les Dieux, ont fans doute agîté Sous les appas d'un fonge, a vû la verité, Et c'eft pour le décrire avec plus d'éloquence, Que de votre art ici, j'implore l'affiftance. Je cherchois à chanter quelque fameux Heros Dont vous avez jadis celebré les travaux Quand d'un fi haut projet l'ouvrage trop penible, Aux charmes du fommeil me fit rendre fenfible; Je ferme la paupiere, & dans l'obfcure nuit, Je crois que le flambeau du plus beau jour nous
Sur le fommet d'un Mont qui menace la nue La Guerriere Pallas fe prefente à ma vûë ! Approche, me dit-elie, obeïs à ma voix ? Et du grand Catinat tu verras les exploits, C'eft lui qu'il faut chanter, & c'eft lui dont la gloire Sera, dans l'avenir, d'éternelle memoire. Tandis qu'elle ne parle, une invifible main Sur le haut de ce Mont me tranfporte foudain ; Là je découvre un Temple où la toute puifl'ince, Fait goûter aux mortels le calme & l'innoce ce Prés de ce lieu facré je jette mes regards Et je vois nos François porter nos étendarts; Leur Chef eft le Heros vanté par la Déeffe, Mon ame en ce moment pour les jours s'interreffe,
Un monde d'ennemis que cherche fon grand cœur, Anime fon courage, & caufe ma frayeur; Il leur donne bataille, & fon bras invincible Montre de fa valeur un exemple terrible: La victoire qu'on voit attachée à fes pas Le fait prendre de tous pour le Dieu des combats; Sous un tel General nos Soldats intrepides En voulant l'imiter, combattent en Alcides; Rien n'échape à fes coups, & des fiers Alliez Quatre mille à mes yeux expirent à fes pieds. Le Prince que je vois commander cette armée De la peur d'être pris fent fon ame allarmée, II fuit, & le vainqueur par de nouveaux combats Attire mes regards en fignalant fon bras ; Tout lui cede & fe rend, trois importantes Villes Sont pour ce grand guerrier des conquêtes faciles : Je le vois ce Heros, toûjours victorieux, Détruire les projets d'un Prince ambitieux; Ce Prince qui tantôt par de juftes allarmes, S'étoit fçû derober au bonheur de fes armes, Veut encor d'un combat éprouver les hafards Notre Guerrier fçavant dans le métier de Mars, Accepte avec plaifir, cette nouvelle gloire, Sans craiudre les perils, il cherche la victoire, Il paroît à la fois, General & Soldat,
Il commande, il attaque, il renverse, il abbat; L'ennemi fans effroi ne peut conter fa perte, De dix mille des leurs, la campagne est couverte ; Et le refte en fuyant, pour éviter la mort, Avec fon Souverain va deplorer fon fort; Tandis que Catinat, toûjours infatigable Va par d'autres exploits fe rendre redoutable; Tu vois me dit alors la vaillante Pallas,
Ce qu'aux cœurs genereux la gloire offre d'appas; Mais c'eft trop te montrer des objets de carnage Tu viens d'en voit affez pour vanter fon courage; Va le voir à prefent, prouver que le repos Augmente bica fouyent la gloire d'un Heros;
Va, cours, portes tes pas jufqu'à fa folitude; C'eft-là que loin du bruit & de la multitude Après tant de combats & de travaux guerriers Tu verras ce Heros, content de fes lauriers Refufer, fans mépris, & grandeur & richeffe, Et preferer à tout la folide fageffe.
La Déeffe à ces mots prend la route des Cieux L'aftre du jour paroît & viens fraper mes yeux Je m'éveille, & vos foins, Mufes, m'ont fait décrire Ses grandes veritez que l'Univers admire.
Voila, Madame, mon coup d'effai. Fort peu de temps aprés, je feconday par ces Vers à feu Monfieur le Duc de Sully qui me faifoit l'honneur de m'appeller fa fille, & qui étant à Rhony m'avoit permis & même prefcrit de lui écrire en vers.
A Monfieur le Duc de Sully.
EP ITR E.
vos ordres, grand Duc, ma Mufe eft toute prête,
Elle fait fon bonheur d'obéir à vos loix ; Mais fon peu de merite, en ce moment l'arrête, Peut-elle fans trembler faire entendre fa voix? Il faudroit un langage au-deffus du vulguaire Une fimple mortelle, en parlant à des Dieux, Peut-elle fe flåter du bonheur de leur plaire,
Et fans temerité lever fi haut les yeux ? Je voudrois me parer du nom de votre Ce titre glorieux a pour moi mille appas, Mais cet éclat pompeux, dont la naiffance brille, Ne me fait que trop voir, que je ne la fuis pas; A ce degré d'honneur je ne dois point prétendre, Je fçai ce que je fuis, & ne puis oublier Que fi votre bonté pour moi vous fait defcendre, Il faut plus que jamais, grand Duc m'humilier Ce beau nom à jamais fera dans ma memoire, Et rappellant fans ceffe un fouvenir fi doux Ma Mufe, Monfeigneur, mettra toute fa gloire A montrer le refpect que j'eus toûjours pour vous.
Vous voyez, Madame, toute l'étenduë de mon orgueil; il ne falloit pas moins que des Heros ou des perfonnes d'un haut rang pour animer ma verve; cependant vous n'êtes pas encore à la fin des preuves de ma vanité: en avançant en âge j'ai avancé en temerité, des Seigneurs & des Heros, j'ai monté jusqu'aux premiers Princes du Sang; & vous venez de voir par mes journées amufantes, que j'ai eu la hardieffe de monter jufqu'au Trône Mais pour diverfifier la matiere je vais vous faire fortir de l'Epitre pour quelques momens, & ma Mufe va ceffer de fe montrer ambitieuse
pour vous paroître tendre, delicate & badine; fur-tout ne formez point de jugement, & fongez en lifant ceci que les Poëtes dans leurs entoufiafmes, n'ont fouvent aucun objet réel.
RONDE A V.
Qui l'auroit dit, fans être temeraire Que je verrois celui qui n'a fçû plaire De notre amour brifer les tendres nœuds Et me vendroit en ce jour malheureux, Le trifte objet d'une flâme ordinaire ! A l'accufer mon foible cœur differe ; Mais le cruel me contraint à le faire, C'est un ingrat indigne d'être heureux. Qui l'auroit dit!
Lui dont l'efprit au-deffus du vulguaire; Aux mœurs du temps paroiffoit fi contraire ; Il me trahit & porte ailleurs fes vœux, De mes tourmens, de mes foins, de mes feux C'eftlà le prix & l'injufte ialaire;
Si le jour paroiffoit au milieu des tenebres, Si la nuit fe montroit, quand il doit faire jour, Si la terre abîmoit, fi, par des cris funebres J'entendois du cahos annoncer le retour; Si la pefte & la faim arrêtoient l'abondance, Si le temps revenoit où le Ciel en fureur Fit fentir aux mortels le poids de fa vengeance ; Si tout n'étoit enfin que trouble & que terreur ? Je croi qué men tourment cederoit à la peine Que me fait reffentir, en ce jour malheureux
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