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Quand la guerre m'offrit un fort plus glorieux;
De barbares brigands une nombreuse armée,
Avide de carnage, au meurtre accoûtumée,
Vint fondre dans Tarteffe & ravager nos champs,
Tout fuyoit à fa vûë, & nos foldats tremblants
Loin de les attaquer & de rien entreprendre,
Se difputoient entr'eux la honte de fe rendre.
Le bruit de leurs fureurs parvenu jufqu'à moi
Au lieu de m'infpirer la terreur & l'effroi,
Fit naître dans mon cœur la glorieuse envie
De fignaler mon nom en expofant ma vie ;
Et comme de Phefrès je me croyois le fils,
Je le preffai d'offrir mon bras à Melgoris.
Les monftres furieux des forêts de Tarteffe
Avoient déja fenti ma force & mon adreffe :
J'étois toujours vainqueur, & j'ofois me flatter
Que l'homme n'étoit pas moins facile à dompter.
Phefrès avec plaifir reconnut mon courage,
Mais craignant pour mes jours quelque nouvel
orage,

Par un recit fincere, entrecoupé de pleurs,
Il m'apprit qui j'étois; l'oracle, mes malheurs
Les cruautés du Roi, le trepas de mon pere,
Et la longue prifon de la Reine ma mere;
Et que fi je voulois prouver à Melgoris
Que malgré fes fureurs il revoyoit Habis,
Je portois fur mon fein les glorieufes marques
Qu'on imprime en naiffant aux fils de nos Monar

ques;

Mais qu'il falloit avant, à force de vertus,

Le contraindre à m'aimer fous le nom d'Hefpe

ras.

Ce difcours flatoit trop mes defirs & ma gloire
Pour ofer hefiter un moment à le croire;
Ainfi dans mes deffeins toujours plus affermi
Je ne refpire plus que le fang ennemi.
Phefrès trop convaincu que depuis ma naissance

Les Dieux s'étoient unis pour prendre ma dé, fenfe,

Pour retenir mon bras ne fit qu'un foible effort, Et je me vis enfin le maître de mon fort.

NARBA S.

Ciel ! qui pourroit ici douter de ta puiffance!
Satisfaites, Seigneur, ma jufte impatience.
Je ne puis conçevoir fans en trembler d'éfroi,
Comment vous avez fait pour vous cacher au
Röi.

HESPERU S.

Je me rendis au camp, où fans vouloir paroître,
J'attendis le moment de me faire connoître.
Le hazard me l'offrit dans le premier combat,
Où je parus d'abord comme fimple foldat.

De notre General la valeur temeraire

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L'engageant trop avant dans le parti contraire¿
Malgré tous les efforts précipita fa mort.
Les Cinettes bien-tôt fûrent fon trifte fort,
Et trouvant dans la fuite un fecours falutaire,
Ils s'ébranloient déja, lorfqu'outré de colere
De voir fi peu de cœur aux foûtiens de nos Rois,
Je m'avance, & par tout faifant voler ma voix
Je m'oppose à leur fuite, & leur vante la gloire
Qu'ils auront de mourir en cherchant la victoire.
De l'efpoir du butin je flate leur valeur,
Et ne neglige rien pour calmer leur terreur.
Je ne fai i les Dieux, à mes vœux favorables,
Leur firent voir en moi quelques traits refpecta-
bles;

Mais lorsque j'eus parlé, d'une commune voix : Commandez, dirent-ils, & nous fuivrons vos loix.

Alors, fans balancer, j'accepte cette gloire;
J'ordonne qu'on me fuive, & bien-tôt la victoire
Par un heureux retour s'attachant

nos pas, De dix mille brigands nous fit voir le trepas; Le refte n'a d'efpoir qu'en une prompte fuite,

Et la nuit qui paroît nous défend la pourfuite.
Les Cinettes vainqueurs, mais furpris & confus
Portent jufques au Roi l'action d'Helperus.
Il demande à me voir, & c'est Phesrès lui-même
Qui m'annonce du Roi la volonté fuprême.
Je me rends à la Cour, & m'offre à Melgoris;
Et comme rien en moi ne lui parloit d'Habis,
Qu'il n'avoit point d'objet qui reveillât sa haine,
La nature en fecret agit fur lui fans peine ;
Et fans favoir quel eft cet abfolu pouvoir
Qui le force à fentir tant de joie à me voir,
Il m'embraffe, & cent fois nomme reconnoiffance,
Ce qui n'eft que du fang l'invifible puiffance.
NARBAS.

Ce fervice éclatant meritoit fon amour,
Et je ne doute point que la nature un jour
De fon ame, Seigneur, ne fe rende maitreffe,
Et ne fafle ceder la haine à la tendreffe.

HESPER US.

Enfin il demanda quel étoit mon pays,
Si j'étois fon fujet, & de qui j'étois fils.
Je dis que j'ignorois mon rang & ma patrie,
Et le nom de celui dont je tenois la vie :
Qu'un Lybien m'avoit tendrement élevé,
Mais que la mort trop tôt me l'ayant enlevé,
J'avois fait le deffein d'illuftrer ma memoire
En bravant les perils attachez à la gloire,
Et qu'ayant fu la guerre au fein de fes Etats,
Je les avois choifis pour fignaler mon bras.
Ce difcours n'ayant rien qui ne parút fincere,
Il n'en penétra point le fens & le myftere,
Et quoiqu'il fut touché d'ignorer mes aïeux,
Il jura de me faire un deftin glorieux;

Et fans doute voulant éprouver mon courage,
Il me laiffa le foin d'achever mon ouvrage.
Tarteffe, en moins d'un an, fe vit en fûreté
Et les brigands punis de leur temerité.
A peine cette guerre étoit-elle achevée

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Qu'on vit la Gétulie auffi-tôt foulevée.
Ces peuples malheureux foûmis à Melgoris
Ne cherchant qu'à vanger Albius & fon fils,
Pour la troifiéme fois à leur Prince fideles,
Au joug de Melgoris fe montrerent rebelles.
Pour les dompter, Narbas, & leur donnet la loi,
Ce Monarque irrité jetta les yeux fur moi.
Ce ne fut pas, ami, fans repandre des larmes,
Que je me vis contraint d'aller porter les armes
Contre un peuple accablé de mon malheureux
fort,

Et qui n'étoit armé que pour vanger ma mort,

NARBA S.

Je ne m'étonne plus quand tout couvert de gloi

re,

Vous paroifficz, Seigneur, gemir de la victoire;
Ce fut en ce tems-là que m'attachant à vous,
Je fis de vous fervir mon deftin le plus doux.
HESPERUS.

fils.

Ainfi tu te fouviens que contre toute attente
Je fis faire une paix jufqu'à prefent conftante.
Tant de fuccès heureux, firent que Melgoris
Me regarda bien-tôt comme fon propre
De fes plus chers fecrets je fus depofitaire,
Sans moi, fans mes confeils, rien ne pouvoit lui
plaire;

Tout flatant près de lui mes vœux & mon ef

poir

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Je voulus fur fon cœur éprouver mon pouvoir.
J'y réuffis, Narbas, malgré fa colere
J'obtins la liberté de la Reine ma mere.
Impatient, charmé, j'allois fêcher fes pleurs,
Lui faire voir fon fils, & finir ses malheurs,
Lorfque de Garama l'ambaffade éclatante
Vint m'arracher ma joie & tromper mon attente.
Melgoris défendit que jufqu'à mon retour
Axiane reprit fon rang en cette Cour.
Ami, tu fais le refte; arrivé dans l'Afrique

Malgré tous mes efforts, mes foins, ma politi

que,

Erixêne en mon cœur fit naître tant d'amour,
Que pour me l'arracher il faut m'ô:er le jour.
Cependani en ces lieux, par moi-même amenée,
Mes exploits n'ont fervi que pour
fon hymenée.
NARBAS.

Efperez tout, Seigneur, du peuple & des foldats;

Le Roi qui vous cherit fait que fans votre bras......
HESPER US.

Je n'attends rien, Narbas, de fa reconnoiffance
S'il connoît une fois ma flâme & ma naiflance.
Phefrès vient, laife-nous; je veux en liberté
Lui dire les tranfports dont je fuis agité.

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J

SCENE II.

HESPERUS, PHESRE'S,

HESPERUS.

E vous attends Phefrès avec l'impatience
D'un Prince, dont vos foins font l'unique efpe-

rance,

J'attends de vos confeils, ou la vie ou la mort.

PHESRE' S.

Vous êtes feul, Seigneur, maître de votre fort.
Un mot va vous ouvrir le chemin à l'Empire,
Et rompre les liens dont votre cœur foupire.
Le peuple prevenu ne veut que voir Habis,

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