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Pallant par Marseille quelques années aprés, je dis à cet excellent homme que l'on trouvoit la figure d'Androméde trop petite, & que Perfée paroiffoit un peu vieux pour un jeune heros. II me répondit allez tranquillement qu'un de fes éleves nommé Verrier, qui eftoit devenu fort habile depuis ce temps là, avoit un peu trop racourci la figure d'Androméde en l'ébauchant; que néanmoins on y trouveroit les mêmes proportions que dans la Venus de Medicis. A l'égard de Perfée, me dit-il en riant, le coton qu'il a fur les jouës, marque plûtôt fa tendre jeuneffe qu'un âge plus avancé.

Mr Puget a confervé le dernier ouvrage de fon pere c'eft le bas-relief de faint Charles, où la pefte de Milan eft représentée d'une maniere fi touchante. Ce beau morceau étoit deftiné depuis long-temps pour M' l'Abbé de la Chambre, Curé de S. Barthelemi: mais Mr Puget ne l'a fini que fort tard M' fon fils a le modéle en cire de la figure équeftre du Roy, que l'on devoit ériger dans la place Royale de Marseille, dont fon pere ayoit auffi donné le deffein. Mr Lauthier célebre Avocat au Confeil & Secretaire du Roy, & Mr Girardon premier Sculpteur de Sa Majesté, confervent de Mr Puget quelques marines à la plume, qui font d'une beauté furprenante.

Egalement heureux dans l'invention, la fécondité, la nobleffe, le grand gouft & la correction du deffein, il animoit le marbre & lui donnoit de la tendrelle. Les pierres les plus dures s'amoliffoient fous fon cifeau, & prenoient entre fes mains cette flexibilité qui caractérise fi bien les chairs & les fait fentir même au travers des draperies. Ce beau feu joint à des expreffions fi vives &

finaturelles, eft un don du ciel qui ne s'aquiert par aucune étude. Combien voit-on de figures d'une correction achevée, lefquelles cependant font auffi froides que le marbre ou la bronze dont elles font faites. M Puget mourut à Marseille en 1695. âgé de 72. ans.

L'Arcenal & le Parc des Galéres méritent bien d'eftre visiteż. La grandeur du Roy & la vigilance de Monfeigneur de Pontchartrain y paroillent par tout. La Sale d'armes eft une des plus belles & des mieux entretenues du royaume. La corderie en fon genre ne cede à aucun des plus beaux endroits du parc. Il n'y a pas jufques aux ateliers des voiles & des tentes des Galéres; à la ferrurerie; aux mas gafins des rames où l'on ne reconnoiffe l'ordre & la propreté de M de Montmor Intendant des Galéres.

Cet Intendant ne prend pas connoillance des affaires du commerce: c'eft l'Intendant de Juftice qui en eft le jugé. Il eft à la tefte de la Chambre du commerce, tribunal particulier, compofé des Echevins de la ville, & d'un certain nombre de députez, qui font les plus gros marchands de Marseille. Cette Chambre fait une penfion de dixhuit mille livres à noftre Ambaladeur à la Porte, pour foutenir les droits qué nos capitulations neus donnent par rapport au commerce du Levant. Elle paye fix mille livres par an à M' l'Intendant, comme Juge du commerce, & d'ailleurs elle fait toucher dans les Echelles du Levant des appointcmens confiderables aux Confuls François & à leurs Chanceliers. Les Confuls font proprement des avocats d'épée, s'il eft permis de parler ainfi, & les Chanceliers font les notaires de la nation. La Chambre eft fouvent obligée à des dépenses ex

traordinaires, fur tout à faire des préfens aux Pà. chas qui arrivent dans les Echelles, & à payer les avanies que les Turcs font quelquefois aux François.

Non feulement cette Chambre fe dédommage de tous fes frais; mais elle fait de gros profits fur les droits de Confulat, que payent en Levant les marchandises que l'on charge dans les villes où il y a des Confuls François ces droits font remis entre les mains des députez de chaque Echelle, & ces députez en rendent compte à Mrs du commerce de Marseille. Ils ont difpofé des Confulats dant quelques années : aujourd'hui la Cour y pourvoit, & la chambre ne juge des affaires qu'autant que le lui permet le Miniftre, qui a la furintendance du commerce.

pen

Le commerce des François en Levant eft plus confidérable qu'il n'a jamais été. Il égale & furpaffe même celui des autres nations par le bon ordre qu'y a établi Monfeigneur de Pontchartrain : nos marchandises y font bien reçûës lorfqu'elles font de la qualité requife. Ce commerce ne demande pas un grand génie mais beaucoup de droiture & de probité : toutes les affaires y paífent par les mains des Juifs, il faut neceffairement s'accommoder à l'ufage du pays, c'est à dire leur confier nos effets, les vendre fuivant leurs avis, achetter les marchandises du Levant, & en faire les échanges felon qu'ils le jugent à propos. Les Juifs concluent tous les marchez; on en eft quitte en leur leurs vacations: ainfi il ne faut payant qu'être fage en Levant pour gagner du bien, & fur tout il faut éviter le commerce des Gréques, qui font les plus dangereufes femmes du monde. Les boutiques des marchands de Corail, les

magasins

magafins des droguiftes, les rafineries de fucre, les manufactures des étoffes d'or & de foye & celles du favon méritent d'être veûës avec foin.

On ne trouve des marchands de Corail qu'à Marseille & à Génes; ceux de Marseille en débitent beaucoup plus: tout l'Orient eft rempli de leurs colliers & de leurs braffelets. Ce commerce eft très-ancien, car Pline a affure que les Gaulois manquoient de Corail chez eux, pour en faire garnir leurs armes, parce qu'on le transportoit tout dans les Indes, où les prêtres enfeignoient qu'il préfervoit de toute forte de dangers. Celui que l'on pêchoit fur la côte de Provence autour des Ifles d'Hiéres & fur les côtes de Sicile étoit le plus recherché. On en pêche encore dans ces quartiers-là: mais la plus grande quantité fe prend vers les côtes d'Afrique auprès du Baftion de France, d'où on l'envoye à Marseille pour le mettre

en œuvre.

M Salade, qui eft un des plus gros marchands de Corail de Marfeille, nous en fit voir de très beaux morceaux tant bruts que travaillez. Le Corail travaillé fe vend environ 5.1. l'once: j'en ay dans mon cabinet de plufieurs couleurs, rouge ordinaire, plus pâle, ou plus foncé ; couleur de rofe, couleur de chair; blanc, moitié rouge & moitié blanc, feuille morte, grisdelin frifé, mais ce dernier a été apporté d'Amerique. La piece la plus remarquable que t'aye fur cette matiere, eft ain morceau de Corai: rouge d'un demi pied de haut, lequel a pris na ce dans le fond de la mer, fur un plat de ter caffé: cela fait bien voir que les plantes marines e fe nourriffent pas com me celles qui naiffen" ar la terre; quelle nourri

a Hift. nat. lig:
Tome

ap.s.

B

ture pourroit tirer le Corail d'un morceau de ter re cuite, d'une piéce de crane humain, d'une bou teille caffée, d'un caillou très-dur & très-folide, d'une coquille car il s'en trouve fur toutes ces fortes de corps. Fai proposé ma pensée la-deffus, dans le fecond volume des a Mémoires de l'Académie Royale des Sciences.

Pour ce qui eft des drogues on trouve fur le port de Marfeille, ce que Pon apporte de plus précieux de Saryrne, d'Alep & d'Alexandrie; fçavoir la meilleure Scamonée, la Caffe, la Rhubar be, le Storax en larmes, le Storax liquide, la Myrrhe, l'Encens, le Bdellium, les Tamarins, le Galbanum, l'Opopanax, le Sagapenum, ble Baume blanc, le Poivre, la Canelle, le fel Ammoniac, & une infinité d'autres chofes. Cependant Marseille & Venife ont beaucoup perdu depuis que les Hollandois fe font établis fi puiffamment dans les Indes Orientales. Les drogues qui viennent des Indes Occidentales arrivent à Marfeille en droiture ou par la voye de Cadis : ce font l'Ipecacuana, le Kinkina, le Gingembre, la Caffe des Ifles, l'Indigo, le Roucou, le Baume du Perou, le Baume fec, celui de Copaive, &c.

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On y raffine parfaitement le fucre de nos Ifles d'Amérique les Savonneries de la ville font très belles auffi, & non feulement elles confomment les huiles de Provence, mais encore celles que l'on tire de Candie & de Grèce.

Après avoir vu ce qu'il y a de plus confiderable à Marseille, comme le vent n'étoit pas encore favorable pour nôtre départ, nous allâmes nous promener à la campagne. La Chartreufe eft unc maifon fuperbe & bien entenduë: celles des bourOpobalfamum.

a Ann. 1700. p. 27.

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