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Cette lettre fut leûë dans l'affemblée le 16. Fevrier. La Compagnie témoigna beaucoup de joye d'une entreprife qui paroiffoit avantageufe pour la Phyfique, & qui marquoit combien Sa Majesté fouhaitoit qu'on en perfectionnaft les différentes parties. Monfieur l'Abbé Bignon propofa ce jour là Mr Gundelfcheimer, qui fut accepté tout d'une voix, & fes lettres lui furent expédiées en qualité d'envoié par l'Académie, pour me feconder dans mes travaux. Il remercia la Compagnie à la premiere affemblée, & fe trouva à toutes les autres jufques à noftre départ. Nous eûmes l'honneur d'en prendre congé le 6. Mars, & nous allâmes enfuite à Verfailles recevoir les derniers ordres de Monseigneur de Pontchartrain, & de M le premier Medecin. Mr Fagon qui occupe cette charge avec tant de diftinction, non content d'avoir parlé plufieurs fois au Roy des avantages qui pourroient revenir de ce voyage pour l'éclairciffement de l'Hiftoire naturelle me fit encore l'honneur de me prefenter à Sa Majesté, qui receut avec fa bonté ordinaire a un ouvrage qu'elle m'avoit permis de lui dédier.

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Le 9. Mars nous partîmes par la diligence, & nous arrivâmes à Lyon en fept jours & demi. Nous y vîmes le recueil des plantes rares que M Goiffon a obfervées dans les Alpes. On attend de cet habile Medecin, non feulement l'Hiftoire des plantes qui naiffent aux environs de Lyon : mais encore plufieurs obfervations anatomiques trés fingulieres, & fur tout celles qui regardent la ftructure de l'oreille. Mr Goiffon nous procura la connoiffance du Pere de Colonia Bibliothecaire des Jefuites, scavant antiquaire. Il a fait en peu a Inftitutiones Rei Herbariæ. /

de tems un prodigieux receuil de Medailles gréques & latines; d'Idoles; d'Inftrumens qui ont fervi aux facrifices des payens; de Poids & de Mesures anciennes ; de Talifmans, & de tout ce qui regarde la belle antiquité.

Le 16. Mars nous defcendîmes fur le Rhône jufques à Condrieu, bourg du Lyonnois à fept lieuës de Lyon, & à deux lieues de Vienne. On coucha le lendemain au Pouzin, village à quatre lieuës au deffous de Valence,

quel

Le 18. nous débarquâmes à Avignon,d'où partîmes pour Aix qui n'en eft éloigné que d'une A 1 x, journée. On ne m'accufera pas d'eftre prévenu en faveur de ma patric, fi je dis que dans fa médiocre grandeur c'eft une des villes de France la mieux bâtie & la plus agréable. Aprés que j'eûs embraffé mes parents, nous allâmes faluer Mr de Boyer d'Aiguilles Confeiller au Parlement & nous fùmes bien moins touchez de fes tableaux, que rares qu'ils foient, que nous ne le fùmes de fon merite. Ce fçavant magiftrat n'excelle pas feulement dans la connoiffance de l'antiquité, il a naturellement ce gouft exquis du deffein, qui rend fi recommandables les grands hommes en ce genre. M' d'Aiguilles a fait graver une partie de fon cabinet en cent grandes planches d'aprés les originaux de Raphaël, d'André del Sarto, du Titien, de Michel Ange Caravage, de Paul Veronéfe, du Corrége, du Carrache, du Tintoret, du Guide, du Pouffin, de Bourdon, de le Sueur, de Puget, du Valentin, de Rubens, du Vandéix, & d'autres peintres fameux. Ce Magiftrat me permettra-t-il de dire qu'il a gravé lui-même quelques-unes de ces planches, que les frontispices des deux volumes qui compofent ce recueil font

de fon invention; qu'il a conduit les graveurs pour la fidelité des contours, & pour la force des expreffions. Un homme de qualité, qui remplit d'ailleurs fi dignement les devoirs de fa charge, ne fçauroit fe délaffer plus noblement.

M' de Thomaffin Mazaugues eft un autre Confeiller du Parlement de Provence, d'un mérite diftingué, qui nous fait efperer un recueil des lettres de M de Peirefc, dont les manufcrits ont efté répandus par tout le Royaume. Cet homme infatigable en a laiffe plus de cent, tous écrits de fa main,comme le remarque a M Spon. On affeure que les heritiers de M de Peirefc, s'étoient chauffez pendant tout un hiver des papiers qu'on avoit trouvez dans fon cabinet, N'auroient-ils pas mieux fait de bruler du bois de Cedre ou du bois d'Aloes. La nature en produit tous les jours, & peut-être ne verra-t-on jamais d'homme femblable à M de Peiresc.

On compte parmi les autres fçavants de nostre ville MF Gautier Prieur de la Valette, ce grand Aftronome, dont M' Gaffendi parle avec tant d'éloges, Scaliger & Cafaubon qui ne prodiguoient pas leurs louanges, conviennent que M de Rafcas de Bagarris, d Garde du Cabinet du Roy Henry IV. eftoit un excellent connoiffeur de tous les anciens monumens. Il ne faut pas Ou blier ici Annibal Fabrot grand Jurifconfulte, qui fçavoit parfaitement la langue gréque, & l'Hiftoire orientale, comme il paroit par les verfions qu'il a faites de quelques volumes de l'Hiftoire Byzantine, & par les fçavantes notes dont il en

? Voyage de Spon. > Scalig. Opufc. £ De Satyr. Poefs.

d Maitre des Cabinets des Antiques du Roy. Scalig. ibid.

a éclairci les endroits les plus obfcurs. Les PP. Thomaffin & Cabaffut, Prêtres de l'Oratoire, feront toujours beaucoup d'honneur à la ville d'Aix. Leur fcience eftoit inépuifable, auffi bien que celle du P. Pagi Cordelier, l'un des plus profonds Chronologiftes du fiécle pallé.

Il y a peu de villes dans le Royaume, & peuteftre en Europe où il y ait eû plus de cabinets curieux, & l'on y voit encore de tres belles chofes, fur tout chez M' l'Intendant le Bret. Il vient peu de vaiffeaux de Levant en Provence fur lefquels il n'y ait des marchands, & même des matelots qui apportent des médailles, des pierres gravées, ou d'autres bijoux antiques. Comme le Parlement & les autres Cours fupérieures attirent à Aix la plufpart des gens de la Province, ces curiofitez s'y répandent facilement.

Le 27. Mars nous arrivâmes à Marseille. J'al- MARlai d'abord faluer Mrs les Députez du commerce, SEILLE. & je leur remis les ordres dont Monseigneur de Pontchartrain m'avoit chargé. Comme il n'y avoit point de bâtiment prêt à partir pour le Leyant, nous cûmes tout le temps de confiderer les beautez de cette ville, & d'admirer les changemens qu'on y a faits fous ce regne. Si l'on continuë d'y bâtir avec la même magnificence, elle reprendra bien-tôt la beauté qu'elle avoit du tems des Grecs & des Romains: car tout ce que nous y voïons de l'ancienne ville eft l'ouvrage des derniers fiécles, qui fe reffentoient encore du mauvais gouft & de l'ignorance des Goths.

Strabon, le plus exact des anciens a Geogra phes, tout prevenu qu'il étoit en faveur des villes d'Afie, où l'on n'emploïoit que marbre & que • Rerum Geog. lib. 4.

granit, décrit Marseille comme une ville tres bien bâtie & d'une grandeur confiderable, difposée en maniere de theatre au tour d'un a port naturelle ment creufé dans les rochers. Peut-eftre même eftoit-elle encore plus fuperbe avant le regne d'Augufte, fous lequel vivoit Strabon : car cet auteur parlant de b Cyzique comme d'une des plus belles villes d'Afie, remarque qu'elle étoit enrichie des mêmes ornemens d'architecture, qu'on avoit autrefois vûs dans Rhodes, dans Cartage & dans Marfeille.

que

On n'y trouve aucuns reftes de cette ancienne magnificence, en vain y chercheroit-on les fondemens des temples d'Apollon & de Diane, les habitans de la ville de Phocée fes fondateurs y avoient bâtis. Nous fçavons feulement que ces édifices étoient fur le haut de la ville. On ignore auffi l'endroit où Pytheas fit dreffer cette celebre

e

aiguille pour déterminer la hauteur du pole de Marfeille. Pytheas qui étoit de cette ville, & qui vivoit du temps d'Alexandre, a été felon Mr Gaffendi, le plus ancien de tous les gens de lettres, qu'on ait veûs en Occident. Il eft glorieux à la France, comme le remarque M Caffini le plus grand Aftronome de nôtre temps, d'avoir eû une perfonne capable de porter les fpéculations à un point de fubtilité, où les Grecs qui vouloient paffer pour les inventeurs de toutes les fciences, n'avoient pû encore atteindre.

Non feulement Marfeille peut fe vanter d'avoir donné l'entrée aux fciences dans les Gaules,

• Aaxúdar. Eftat, ad Dio- draw. Strab. ibid. ib. 2.

nyf. Perieg, v.75.`.

Ibid. lib. 12.

C Κτίσμα δ' έςι Φωκαέων ή

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Memoires de Mathematique de Phyfique de l'Acadé mie Royale des Sciences, du 31. Mars 1692.

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