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fentoit de le voir en cet état. « Ah! capitaine Bayard, lui » dit-il, que je fuis marri & déplaifant de vous voir en cet état je vous ai toujours aimé, par la grande proueffe & fageffe qui eft en vous; ah! que j'ai grande pitié de vous! » La réponse de Bayard fut héroïque. « Monfeigneur, lui-dit

il, je vous remercie: il n'y a point de pitié en moi qui » meurs en homme de bien, fervant mon roi; il faut avoir » pitié de vous, qu'on voit portant les armes avec les en» nemis de la France contre votre prince, votre patrie & » votre ferment. » Ce prince, loin d'être fâché de cette liberté, tâcha de fe juftifier par les motifs de fa difgrace. Bayard l'exhorta d'une voix mourante à fe réconcilier avec le roi, & à quitter le mauvais parti où la paffion l'avoit précipité. Un moment après le marquis de Pefcaire arriva, & lui donna toutes les marques poffibles d'eftime & d'affection. Il lui fit dreffer une tente au même lieu, & lui rendit, durant les quatre heures qu'il vécut, tous les devoirs qu'il eût pu attendre du meilleur de fes amis. Les Impériaux le plaignirent prefque autant que les François ; & Pefcaire prit foin de faire embaumer fon corps, & de le renvoyer à fes parens avec un convoi magnifique, fous la conduite de fon maître-d'hôtel, à qui le duc de Bourbon donna un fauf-conduit. Il fut porté en Dauphiné, & enterré dans l'églife des peres Minimes de la Plaine près de Grenoble. Il mourut dans le mois d'Avril 1524, & n'avoit que quarante-huit ans.

Sa mort fit prefque oublier celle de tous les autres. Le roi le regretta toujours, & n'en parloit jamais qu'avec éloge ; & tout le monde convenoit que jamais officier ne porta à plus jufte titre le nom de bon chevalier fans peur & fans reproche.

Le comte de Saint-Pol prit la conduite de l'armée, & fit affez heureusement fa retraite, en abandonnant toutefois aux confédérés le canon & l'équipage que les Suiffes laifférent à Ste. Agathe, au nombre de vingt piéces d'artillerie, pour prendre le chemin du Val-d'Aofte, & retournérent en leur pays. Le comte arriva fans obftacle à Turin, auffi-bien que l'amiral Bonnivet; & tous deux rencontrérent entre Suze & Briançon le duc de Longueville avec les quatre cens lances qui devoient accompagner les Suiffes en Italie. Il eft certain que fi le roi eût fait partir cette cavalerie douze jours plutôt, & les fix mille Suiffes qui s'étoient avancés jufqu'à Yvrée, les Impériaux auroient fuccombé, & la France auroit pu facilement Tome XVIII.

D

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AN. 1524.

XXXVIII.

Deflein de l'em d'Angleterre con

pereur & du roi

tre la France. XXXIX.

la paix.

"

recouvrer le duché de Milan. Après la retraite de l'armée Françoife, Buffi d'Amboife qui commandoit dans Lodi, & le prince de Bozzolo dans Alexandrie, voulurent résister aux Impériaux, mais leurs foldats, qui étoient tous Italiens, les contraignirent de capituler, après avoir foutenu chacun quinze jours de fiége. Le château de Crémone s'étoit déja rendu enforte qu'il ne reftoit plus rien aux François dans tout le duché de Milan. L'amiral Bonnivet arrivé en cour fut trèsbien reçu du roi, & autant careffé que s'il fût revenu victorieux. La grande confidération que fa mere avoit pour cet amiral, fut en partie caufe de cette bonne réception..

Les François ne furent pas plutôt hors d'Italie, que l'empereur & le roi d'Angleterre penférent aux moyens d'attaquer François I dans fon royaume. Toutes ces mefures étoient prifes contre l'intention du pape Clément VII, qui avoit envoyé Le pape exhorte l'archevêque de Capoue en Espagne, pour repréfenter à l'empel'empereur & le reur qu'il devoit fe contenter de fes états, & céder le duché roi d'Angleterre à de Milan à François I auquel il appartenoit de droit; qu'il Guicciardin, 1.15. s'acquerroit par-là une réputation immortelle, que toute la terre le regarderoit comme un prince pieux & un empereur véritablement augufte. Mais l'empereur, prévenu qu'il y avoit quelque mauvais deffein caché fous ces belles exhortations du pape, ne donna point de réponse favorable à son envoyé.. La vanité du cardinal Wolfey empêcha auffi que Clément VIIne réufsît auprès du roi d'Angleterre. Ce cardinal avoit perfuadé à ce prince, qu'avec les intelligences du duc de Bourbon,. il pourroit faire valoir les prétentions de fes ancêtres fur le royaume de France : & d'ailleurs il ne vouloit pas que le pape fe mêlât de cette paix, afin d'en attribuer l'honneur à fon feul mérite dans toute l'Europe.

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Ce fut dans cette vue que Henri VIII fit un nouveau traité avec l'empereur, par lequel il étoit dit que le duc de Bour-bon entreroit avec une armée en Provence, à caufe qu'il pourroit être aifément affifté de la flotte d'Efpagne, qui fe te-noit au port de Gènes, au lieu qu'en s'engageant dans le milieu du royaume, cette flotte lui devenoit inutile ; que les Anglois fourniroient à ce duc cent mille écus par mois, à condition qu'après le premier mois il feroit libre à Henri de difcontinuer ce payement, pourvu qu'il vint lui-même en Picardie, à la tête d'une puiffante armée, depuis le premier de Juillet jufqu'à la fin de Décembre : auquel cas les troupes des

Pays-Bas fe joindroient à lui, & les gouverneurs lui fourni roient l'artillerie néceffaire avec quatre mille fantaffins ; que dans le même tems l'empereur, avec fes troupes d'Espagne, feroit une irruption dans la Guyenne; que le pape & les prin

ces d'Italie feroient follicités à contribuer aux frais, en leur repréfentant combien il leur étoit important de mettre les François hors d'état de revenir en Italie; qu'on contraindroit François I à reftituer au duc de Bourbon tous fes biens & fes charges; qu'on le rétablirait dans fes terres, & qu'il auroit le royaume d'Arles, à condition qu'il en feroit hommage au roi d'Angleterre, comme à celui qu'il reconnoîtroit pour le véritable roi de France.

Il est vrai que ce traité fubfifta; mais ce ne fut pas avec toutes ces conditions, puifque le pape toujours porré à la paix refusa absolument de contribuer aux frais de la guerre, que les Vénitiens ne voulurent rien donner, & que le duc de Bourbon perfista toujours à ne vouloir point reconnoître le roi d'Angleterre comme roi de France, & à lui faire hommage de la Provence. Le deffein de ce duc n'étoit pas conforme aux idées des deux rois; il ne comptoit pas de s'arrêter en Provence : il vouloit, après avoir pris la tour du port de Toulon, la ville d'Aix & quelques autres, marcher droit à Lyon, de-là pouffer jufqu'en Berry, s'imaginant que le Forez, le Beaujollois, le Bourbonnois, la Marche & l'Auvergne, qui étoient de fes domaines, viendroient auffi - tôt le reconnoître; que la nobleffe de ces pays-là accourroit à lui, & augmenteroit le nombre de fes troupes ; que les peuples, fatigués par les nouvelles impofitions de la France, fe jetteroient entre fes bras; & qu'en les exemptant de tailles & de fubfides, il ôteroit au roi les plus promptes reffources. Mais le confeil de l'empereur, qui alloit aux fins de fon prince plutôt qu'à celles de Bourbon, ne penfoit pas de même. Hugues de Moncade qui commandoit la flotte qu'on avoit équipée à Gènes, écrivit à Charles V que ce feroit trop hazarder de mettre toutes les forces Impériales à la difcrétion d'un rebelle, qui s'avançant jufqu'à Lyon pourroit alors s'accommoder avec François I, à qui il facrifioit l'armée pour retourner avec lui dans le duché de Milan, dont la conquête feroit d'autant plus facile qu'il n'y auroit perfonne pour le défendre; que pour prévenir cet inconvénient, il falloit ordonner à Bourbon d'affiéger une ville maritime de Proven

AN. 1514.

XLI. Deffein du duc de Bourbon,con

traire à celui des deux rois.

AN. 1524.

XLII.

ment de ce duc,

ce, lui donner deux collégues dans le commandement de l'armée, qui auroient ordre de ne lui obéir qu'en certains cas; que l'un commanderoit l'armée navale, & l'autre agiroit avec lui fur terre : & ce confeil fut fuivi.

L'ordre fut donné au duc de Bourbon d'affiéger Marseil Mécontente- le; & il ne l'eut pas plutôt reçu, qu'il fe douta du mauvais office qu'on lui avoit rendu. Il diffimula cette injure avec d'autant plus de peine, que c'étoit la troifiéme qu'on lui faifoit cependant comme il ne pouvoit ni répliquer, ni fe plaindre, fans augmenter les foupçons qu'on avoit de lui, ni fans donner à fes ennemis un nouveau fujet de le décréditer, il fallut fe foumettre. Il fe mit en marche le vingt-quatrième de Juin, bien plus foible qu'il ne s'étoit attendu," puisqu'il n'avoit que treize mille hommes de pied & trois mille chevaux. Il entra en Provence le deuxième de Juillet par le comté de Nice; & après s'être rendu maître de Frejus, d'Antibes, de Graffe, de Brignole, que la ville d'Aix eut ouvert fes por tes, que Toulon eut été pris par Moncade, le duc de Bourbon commença le fiége de Marseille le dix-neuviéme du mois d'Août, ayant pris fon quartier derriére la léproferie, pendant que le marquis de Pefcaire étoit dans cet hôpital, & prefque toute l'armée campée fur le chemin d'Aubagne.

XLIII.

Il entre en Provence & affiége Marfeille.

1.2.

Mém. du Bellai,

Guichardin,l. 15.

Paul. Jov. 1. 4. In vita Pefcariis hift. de Charles V

D. Anton, de Vera,

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Dès que François I eut été informé de la marche du due de Bourbon, il avoit envoyé Rence de Céri gentilhomme Italien au fervice de la France, avec Philippe Chabot seigneur de Brion, pour fe jetter dans Marfeille avec une nombreuse garnifon; ce qui fit comprendre au duc qu'il y trouveroit plus de réfiftance qu'il ne s'y étoit attendu: néanmoins il ne laiffa pas d'en commencer le fiége, qui fut affez long pour donner loifir au roi de France d'amaffer de l'argent & de réi tablir fon armée pour la conduire lui-même devant la ville, dans le deffein d'en faire lever le fiége. Il eut le tems de lever quatorze mille Suiffes; Suffolk & Vaudemont lui ame nérent fix mille Allemands. Il s'empara d'Avignon, fous couleur de conferver cette ville au pape; il y affembla toutes fes forces pour aller attaquer les ennemis, & il ne fouhai toit rien avec tant de paffion que de pouvoir combattre le duc de Bourbon, & le punir de fa rebellion s'il tomboit entre fes mains. Le duc, informé de la marche du roi, n'étoit pas. éloigné de l'attendre & de combattre; mais le marquis de Pef caire ne jugea pas à propos de fe battre contre un tel ennes

AN. 1524.
XLIV.
Aux approches
de l'armée Fran-

Mém. du Bellai

800.

mi fur fes propres terres, & qui avoit des forces plus puiffantes de beaucoup que les fiennes, enforte que le même jour auquel le roi parti d'Avignon étoit arrivé à Salon, à deffein d'aller combattre l'armée Impériale, fçavoir le dixiéme de coife,illève le fiéSeptembre, le duc de Bourbon leva le fiége de Marfeille, ge & fe retire. & décampa après quarante jours de tranchée ouverte. Les dé-1.20 putés de Marfeille en vinrent apprendre au roi la nouvelle à Pet. de Angler.ep, · Aix. La levée de ce fiége, avec les pertes que les ennemis y firent de plufieurs perfonnes de diftinction, & d'une partie de leur canon, mortifia beaucoup l'empereur, & encore plus le duc de Bourbon, fur-tout quand il apprit qu'on faifoit courir fur fon compte à Rome des pafquinades, où l'on difoit que le duc de Bourbon, jadis bon François, s'étoit jetté dans le parti de l'empereur, pour aller faire une rodomontade efpagnole fur les terres de France.

XLV:

de France. Brantôme, via des dames illuft.

Dubouchet & de Sainte-Marthe, gé- ·

néalogie de la mai

Pendant que le roi de France étoit à Avignon, il y reçut la nouvelle de la mort de la reine fa femme, décédée à Blois Mort de la reine fur la fin de Juillet. Cette princeffe étoit Claude de France, fille du roi Louis XII, née à Romorantin le treizième d'Oc tobre 1499. Elle eut trois fils & quatre filles; fçavoir, François dauphin & duc de Bretagne, né le vingt-huitiéme Février 1517; Henri qui fuccéda au royaume de France; Charles duc fon de Frances. d'Orléans, de Bourbon, d'Angoulême & de Châtelleraut, pair & chambrier de France, né le vingt-deuxième de Janvier 1522; Louise née le dix-neuviéme d'Août 1515, morte le vingt-uniéme de Septembre 1517; Charlotte née le vingttroifiéme d'Octobre 1516, & morte le huitiéme de Septembre 1524; Madeleine née le dixième d'Août 1520; enfin Marguerite ducheffe de Berri, née le cinquiéme de Juin 1523. La nouvelle de la mort de la reine n'empêcha pas François I de paffer les Alpes avec fon armée, quoiqu'on fût à la mi-O&obre; les miniftres & les officiers de fon armée voulurent le diffuader de faire ce voyage, & la princeffe de Savoye fa mere lui dépêcha trois couriers pour le conjurer de ne point partir : mais ce prince répondit aux premiers en raillant, que ceux qui craignoient le froid pouvoient demeurer en Provence, & fit fçavoir à fa mere qu'on lui enverroit des lettres de régence, & qu'il la prioit de ne point s'occuper d'autre chofe que de les faire vérifier & de s'en fervir utilement. Cette princeffe récrivit au roi qu'elle partoit pour Faller joindre, & qu'elle avoit à lui communiquer des affai-

XLVI. Le roi eft réfolu mée Impériale, de poursuivre l'ar contre l'avis des plus lages.

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Mém. du Bellaija

Guicciardel. 1.

2.

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