A N. 1524. LVIII. Commencemens

des clercs réguliers, dits Thea, tins.

Rec Bzovius ho anno,

Quoique tant d'affaires temporelles occupaffent beaucoup Clément VII, ce pape ne laiffoit pas de donner quelques foins à celles de l'églife. Animé du même zèle que fon prédé ceffeur, il donna une bulle le deuxième de Mai de cette année, pour réformer les abus & arrêter les défordres qui régnoient à Rome & dans le refte de l'Italie, fur-tout parmi les eccléfiaftiques. Il chargea auffi Jean-Pierre Caraffe, archevêque de Théate, de prendre garde qu'aucun ne reçût les ordres facrés, qu'après avoir été éprouvé, s'il étoit capable, & exempt de tout crime, & particuliérement de fimonie. Le pape ayant fçu enfuite que Caraffe Gaëtan, Paul Configliéri de la famille de Ghifferie, & Boniface de Colle, fe fentoient inf-nal. cleric. regul. pirés d'inftituer un ordre de clercs réguliers qui devoit travailler à remettre le clergé dans l'état de fa premiére perfection fur le modèle de la vie des apôtres, & qu'ils vouloient commencer eux-mêmes par en donner l'exemple, il les anima à exécuter cette fainte résolution, & leur promit de les fecourir felon fon pouvoir.

Ces nouveaux ouvriers évangéliques commencérent donc d'abord par remettre leurs bénéfices & leurs emplois entre les mains du pape. Clément VII eut beaucoup de peine à y confentir, & particuliérement à recevoir la démiffion de l'archevêque de Théate; mais enfin il fallut fe rendre à la force de fes raifons, ou plutôt à la violence de fes priéres. L'inftitut de ces quatre fondateurs fut propofé enfuite dans un confiftoire pour y être approuvé. Les cardinaux y trouvérent de grandes difficultés, fur ce que ces nouveaux réguliers, non contens de vouloir vivre fans fonds & fans revenus, comme les religieux de S. François, prétendoient encore ne point quêter & s'obliger à ne rien demander, parce qu'on ne pourroit pas toujours prévoir ou deviner leurs befoins; mais Caraffe & Gaëtan représentérent avec tant de force la conformité de cette manière de vivre avec celle des apôtres & des premiers difciples, qu'ils obtinrent enfin l'approbation qu'ils demandoient. La bulle approbative eft du vingt-quatrième Juin 1524. Le pape leur donne le pouvoir de faire les trois vœux de pauvreté, chafteté & obéiffance; de vivre en commun, vêtus néanmoins comme les autres clercs; de faire des conftitutions, de choisir un fupérieur fous le titre de Prévôt qui fera changé tous les trois ans ; de jouir des mêmes priviléges dont jouiffoient les chanoines réguliers de faint Jean de

Jofeph. Silos an

Sulfo, hift. dalla relig. del. patri cler.

Joan. Bapt. de

regul.

Aubert. Mir. de orig. cleric. regul

c. 2.

LIX. Les quatre fon dateurs font leurs vœux avec la per miffion du pape.

Bullarii t. 1. Clement. VII. conft. 11.

AN. 1524.

LX.

dans le Mexique.

n. 112. & 113.

Latran; de recevoir enfin tous ceux qui fe présenteroient pour embraffer leur inftitut, & de dreffer des ftatuts pour le maintien de la difcipline régulière. Ces quatre inftituteurs prononcérent leurs vœux le quatorziéme de Septembre, jour de l'exaltation de fainte Croix de cette même année, entre les mains de Jean Baptiste évêque de Caferte & dataire du pape; & après qu'ils eurent communié à la meffe qu'il célébra, ils élurent pour leur premier prévôt, Jean-Pierre Caraffe, que l'évêque confirma. On nomma cet inftitut, l'Ordre des clercs réguliers, ou Théatins, à cause que Caraffe avoit été archevêque de Théate, & qu'il en conferva toujours le nom. Ces quatre premiers clercs réguliers fe retirérent après leur profeffion au champ de Mars, dans une maison qui appartenoit à Boniface de Colle, & partagérent leur tems entre les exercices de la vie active & la contemplation.

Le pape Clément VII avoit envoyé dans le Mexique un Le pape envoie homme apoftolique, nommé Martin de Valence, avec douze des Mifionnaires freres Mineurs, pour travailler à la converfion de ces peuRaynald. an. 1524. ples, & leur faire quitter le culte de leurs idoles. Ces faints ouvriers s'y employérent efficacement, aidés de Ferdinand Cortès, qui étoit encore en ce pays-là, qui les reçut avec beaucoup d'honneur, & qui par fon exemple engagea les Mexiquains à les écouter avec refpect. Après qu'ils eurent fait des progrès affez confidérables, ils affemblérent cette année un fynode dans la ville de Mexique, où ils firent plufieurs réglemens fur l'inftruction des fidèles, pour les difpofer au baptême, & pour les entretenir dans la foi dont ils faifoient profeffion. Martin préfidoit à ce fynode, Concile tenu dans comme légat du pape; & comme la polygamie étoit trèsla ville de Mexi- fréquente parmi les Mexiquains, on y définit que ceux qui fuivroient la religion catholique feroient obligés d'abandonner Spond, a. 1524. leurs femmes, & n'en choifir parmi elles qu'une feule, qu'ils Surius in comment. épouferoient felon les cérémonies de la religion chrétienne. Cortès établit des gouverneurs dans les provinces pour tenir la main à l'exécution de ces réglemens; il partit enfuite dans le mois d'Octobre pour aller découvir d'autres pays, se faifant accompagner de Quahutimoë roi du Mexique, & d'autres grands feigneurs, pour les empêcher de causer quelques troubles après fon départ.

que.

LXI.

Raynald, ibid.

n. 18.

LXII.

Découverte de

Dans cette année, un certain Jean Vérazani, Vénitien ou

ce.

AN. 1524.

Spond. ann. 15242

n. 19.

Ramus, t. 2. in finem.

Florentin, entreprit une navigation fous le pavillon François du côté du Septentrion, & arriva jufqu'à la Floride, découvrit la Nouvelle Fran enfuite une Me & le promontoire des Bretons. Ces terres font habitées par les Canadois: on leur donne aujourd'hui le nom de Nouvelle France, qui comprend les ifles du golfe S. Laurent, & toutes celles qui bordent la Gafperie, dont la principale eft l'ifle royale ou du cap Breton, la terre de la Brudor, tout le cours du fleuve S. Laurent, & celui de Miffiffipi au Nord jufqu'au quarantiéme dégré, avec toutes les riviéres qui s'y déchargent. Vérazani prit poffeffion de plufieurs de ces terres au nom de François I; mais ayant voulu aller plus avant dans une autre navigation, il fut tué & dévoré par les barbares avec quelques autres de fes compagnons.

po

Les ifles Moluques qui font dans la mer des Indes en Afie, aux environs de la ligne équinoxiale, avoient été découvertes par Magellan, & devinrent le fujet de grandes conteftations entre les Efpagnols & les Portuguais, qui commencérent dès l'an 15 20, & furent plus vives dans cette année 1524. Alexandre VI avoit décidé que les Portuguais étendroient leur domination fur ce qui feroit découvert du côté de l'Orient, & les Efpagnols du côté de l'Occident. Ceuxlà prétendoient que les ifles découvertes par Magellan, étoient de leur reffort déterminé par Alexandre VI. Ceux-ci au contraire foutenoient que les Moluques étoient hors de la ligne qui divife l'Orient de l'Occident du côté des deux les. L'empereur tâcha de juftifier fon bon droit: & comme Emmanuel refufoit de fe rendre, Charles V envoya des troupes en ce pays-là pour maintenir la juftice de fa cause. L'affaire ne fut pas décidée pour cela plufieurs fouverains fe plaignirent de la décifion d'Alexandre VI qui avoit difpofé d'un bien qui ne lui appartenoit pas, & prétendoient qu'il étoit du droit naturel de jouir des fruits de fes conquêtes, fans que les papes duffent s'en mêler. Les Portuguais dans la fuite en chafférent les Efpagnols, & en furent eux-mêmes prefque chaffés par les infulaires, appuyés des Hollandois, qui font aujourd'hui les maîtres de prefque tout le pays, & principalement des ports & du commerce.

Sur la fin de l'année le vingt-troifiéme Décembre, le pape fit fçavoir par une bulle, que le lendemain, qui étoit la veille de Noël, le Jubilé commenceroit avec indulgence pléniére pour tous ceux qui vifiteroient à l'ordinaire les églifes de S.

AN. 1524.

#525. n. 1.

Spond. ad an. $524. n. 20,

Pierre & S. Paul, de S. Jean de Latran, & Ste. Marie MaRaynald, ad an, jeure. Il en fit lui-même l'ouverture felon la coutume, aux premiéres vêpres de la fête de Noël, & avec les cérémonies ordinaires. Il envoya les cardinaux aux autres églifes pour en faire autant; mais ce Jubilé attira peu de monde à Rome, à caufe des guerres qui ravageoient l'Italie: outre que les peuples commençoient à faire peu de cas de ces indulgences, qui devenoient trop fréquentes.

LXV.

Eraime achève fes paraphrafes fur

de nouveau testa

ment.

Erafme acheva, dans cette même année 1524, fes paraphra fes fur le nouveau teftament. Quand il commença d'y travailler, il n'avoit deffein que de paraphrafer l'épître de S. Paul aux Romains; & en ayant compofé deux chapîtres, il voulut abandonner ce deffein qu'il croyoit au-deffus de fes forces; mais fes amis l'ayant encouragé, non feulement il acheva la paraphrase de l'épître aux Romains, mais il paraphrafa encore toutes les épîtres de S. Paul, & enfuite toutes les épîtres canoniques, les quatre évangéliftes, & les actes des apôtres : cet ouvrage eft écrit avec beaucoup de netteté & d'élégance. Il eut d'abord beaucoup d'approbateurs, & enfuite beaucoup de cenfeurs. Noël Béda, fyndic de la faculté Noël Béda, fyn de théologie de Paris, prétendit avoir trouvé un grand nombre d'héréfies dans ces paraphrafes, & fit paroître en 1524 une cenfure en fon nom contre les écrits de ce fçavant.

LXVI.

dic de la faculté, écrit contre lui.

Quelque tems après, dans le mois d'Avril de cette année, il dreffa une cenfure générale de la doctrine d'Erafme, par laquelle il déclaroit qu'elle étoit en plufieurs chefs erronnée, contraire aux bonnes mœurs, & fchifmatique ; qu'elle dérogeoit à l'état de la religion; qu'elle décrioit l'état monaftique, & qu'on devoit empêcher, fur-tout les religieux de lire fes ouvrages. Pour le prouver, il renvoyoit aux articles qu'il avoit extraits de fes livres, & dont il avoit montré quelques-uns à Erafme. Avant que de les publier, il fit figner cette cenfure à Guillaume Duchêne docteur de Paris.

Un certain Louis Combout ou Coubout, de l'ordre des freres Prêcheurs, avoit avancé le treiziéme de Juin dans sa thèse appellé Aulique, à laquelle préfidoit Henri Fabri: qu'entre les apôtres, S. Pierre avoit été le feul immédiatement confacré par Jefus-Chrift; enforte qu'aucun évêque, excepté S. Pierre, n'a été immédiatement inftitué par Jefus - Chritt. Il ajouta que les curés étoient de droit pofitif humain. Ces propofitions déplurent à tous les affiftans, & maître Duchêne

fous-doyen, qui étoit préfent à l'acte, & qui tenoit la place de régent comme plus ancien, demanda au foutenant s'il ne s'en tenoit pas aux décifions de la faculté fur cette matiére. Le religieux répondit qu'il s'y foumettoit, mais comme cette réponse ne parut pas fuffifante à quelques-uns pour réparer le scandale, Noël Béda fyndic, à l'inftance de plufeurs anciens, requit qu'on fit venir le foutenant pour pa roître devant les députés de la faculté, & être interrogé s'il fçavoit quelle étoit la détermination de ladite faculté. Le religieux parut le dix-huitiéme de Juin, & répondit qu'il n'en fçavoit rien, mais qu'on le trouveroit toujours foumis à fes décrets. Là-deffus on lui ordonna de révoquer fa propofition dans la premiére forbonique, & de foutenir la propofition contraire que la faculté lui donneroit, en ajoutant que l'opinion qu'il avoit foutenue n'étoit pas probable. Le religieux confentit au dernier parti; enforte que dans fa forbonique, qu'il foutint le quinziéme de Septembre fuivant, il défendit la propofition fuivante: Comme on croit que S. Pierre a été ordonné fouverain pontife par Jefus-Chrift, de même tous les apôtres ont été ordonnés évêques immédiatement par Jefus Chrift, qui a auffi inftitué l'ordre des curés ; & l'églife a de droit divin ces trois ordres de la hiérarchie La propofition contraire étant certainement oppofée à l'évangile, ne peut être foutenue probablement.

Il y eut une autre cenfure d'une propofition touchant la fimonie, que Martin de la Serre bachelier avoit foutenue dans une aulique, à laquelle préfidoit Nicolas Martel : où il avoit dit qu'un fidèle peut louer un bénéfice, fans se rendre coupable de fimonie, mais non pas un office eccléfiaftique. Quoique le foutenant fe fût expliqué, & eût donné un fens vrai à fa propofition; cependant, à la requifition du fyndic Béda, la faculté s'affembla le lendemain de cette thèfe vingt-cinquiéme de Novembre, examina la propofition, & condamna le bachelier qui l'avoit foutenue, à la même peine qu'elle avoit ordonnée contre Combout. Il parut dans l'affemblée du premier Décembre, où, après que Béda l'eut exhorté à s'énoncer à l'avenir d'une manière qui ne causât aucun fcandale, on l'obligea à foutenir qu'un fidèle ne peut louer fans fimonie, ni un office, ni un bénéfice eccléfiaftique, c'eft une erreur de foutenir le contraire: ce que le bachelier fit dans fa majeure le quatorziéme de Février de l'année fuivante.