Imágenes de páginas
PDF
EPUB

:

tiens y avoient intérêt; enforte que, s'ils ne faifoient pas la paix entr'eux pour fe réunir contre ces infidèles, les Allemands ne pourroient pas feuls y contribuer qu'il étoit vrai que les Turcs faifoient de grands préparatifs, mais qu'il falloit attendre pour voir à quoi tout cela fe termineroit. Après ces paroles l'on préfenta au légat les cent griefs de la nation, afin qu'il les vit & qu'il les examinât.

Le légat, après avoir jetté les yeux deffus affez légérement répliqua qu'il n'avoit point été informé que les princes euffent proposé ces moyens pour appaiser les différends de la religion, & qu'ils euffent été envoyés au fouverain pontife & aux cardinaux, qu'il pouvoit cependant les affurer que fa fainteté étoit pleine de bonne volonté pour eux; qu'elle avoit les meilleures intentions du monde, & qu'il avoit reçu d'elle un plein pouvoir de faire tout ce que l'on jugeroit néceffaire pour réunir les efprits & rétablir la paix; que c'étoit à eux d'en frayer le chemin, parce qu'ils connoiffoient mieux le caractére & l'humeur des gens à qui l'on avoit affaire. Que perfonne n'ignoroit que l'empereur, dans la diette de Wormes, avoit publié un édit de leur confentement, qu'il avoit été renouvellé l'année derniére, & que tous les princes avoient approuvé qu'il feroit mis à exécution dans toute l'Allemagne qu'il étoit vrai que quelques-uns l'avoient fait obferver, mais que beaucoup d'autres n'y avoient eu aucun égard, & qu'il n'en pouvoit deviner la caufe; mais qu'à fon avis la premiére chofe par où l'on devoit commencer, étoit de trouver le moyen de le faire exécuter par-tout: qu'il n'étoit pas venu pour exciter aucune diffenfion, & pour allumer le feu de la difcorde en Allemagne, comme quelques-uns le croyent, & même le publient; qu'il ne demande que la paix & la réunion de ceux qui fe font féparés de l'églife, & l'obfer vation des décrets des conciles & des édits de l'empe

réur.

9

Quant au mémoire des cent griefs, il dit que, bien qu'il ignorât fi on les avoit publiés pour les préfenter au pape, il fçavoit toutefois que trois exemplaires avoient été envoyés à Rome à des particuliers: que le pape à la vérité & les cardinaux en avoient vu un qui lui étoit aufli tombé entre les mains; mais que ni le pape, ni le facré collége n'avoient ja mais pu croire que ces articles euffent été dreffés par le commandement des princes de la diette, ni qu'ils vinffent d'au

[ocr errors]
[blocks in formation]

JAN. 1524.

Sleidan.in comment. l. 4. p. 111. Pallavicin, hift. l. 2. c. 19. p. 180.

Cochlaus, in att

&fcrip. Luth. hoc ann. p. 90.

IX.

tre part que de quelque ennemi fecret de la cour de Rome
qu'à la vérité il n'avoit point de commiffion particuliére de
Clément VII fur ce point, mais qu'il ne laiffoit
pas d'avoir
un pouvoir fuffifant pour en traiter; que néanmoins il ne pou-
voit fe difpenfer de leur dire, que comme parmi ces de-
mandes il y en avoit plufieurs qui dérogeoient à la puiffance
légitime du pape, & qui fentoient l'héréfie, il ne pourroit
traiter de celles-là; mais qu'il prendroit volontiers connoif-
fance de celles qui n'étoient pas contraires à l'autorité du sou-
verain pontife, & qui étoient fondées fur la juftice: après quoi,
s'il reftoit encore quelque chofe à traiter avec le pape,
le pourroient propofer, pourvu que ce fût en des termes plus
modeftes; que cependant il ne pouvoit s'abftenir de condam-
ner la liberté qu'on avoit prife de faire imprimer & publier
ces griefs.

ils

Le légat finit fa replique par l'article qui regardoit la guerre contre les Turcs: il dit que le fouverain pontife n'ignoroit pas quelle étoit la puiffance de ces Infideles, & les grands préparatifs qu'ils faifoient; qu'on ne pourroit s'opposer à eux qu'en établiffant l'union & la paix entre les princes chrétiens, & que c'étoit le deffein qui occupoit davantage fa fainteté qu'elle avoit déja une fomme d'argent affez confidérable qu'elle deftinoit aux frais de cette guerre; qu'elle s'emploie roit dans la fuite à amaffer encore une plus grande fomme mais que les princes de leur côté y devolent contribuer, furtout dans la conjoncture présente, où le jeune roi de Hongrie, leur parent & leur allié, avoit un fi grand befoin d'être fecouru; que fa fainteté, dès le commencement de fon pontificat, avoit pris toutes les mefures néceffaires pour réunir l'empereur, les rois de France & d'Angleterre, afin de tourner enfuite leurs forces contre le Turc: en un mot que le pape étoit un bon pere, & un pasteur zèlé pour le bien de l'églife; que fi les brebis ne fuivent pas la voix du pafteur, il ne lui restera plus rien à faire qu'à prendre patience, & à remettre tout entre les mains de Dieu, Jean Hannart, un des fecrétaires de l'empereur, s'unit au légat pour demander de la de fon maître l'exécution de l'édit de Wormes; & part les princes lui répondirent qu'on feroit fon poffible pour contenter l'empereur, & pour exécuter fon édit.

Quoiqu'on fe fût bien apperçu que le légat ufât de diffiles députés pour mulation, n'étant pas vraisemblable que le pape & les car

La diette nomme

AN. 1524.

cardinal légat

dinaux n'euffent été pleinement informés de ce qu'Adrien VI avoit fait dire à la diette précédente; cependant les prin- conférer avec le ces, dans le deffein de pacifier l'Allemagne, ne laifférent pas de nominer des députés pour conférer avec le cardinal Campège. Mais toutes ces conférences n'eurent pas grand fuccès. Tout ce que promit Campège fut qu'il réformeroit tellement le clergé d'Allemagne, que la diette auroit fujet d'en être contente il ne promit rien fur ce qui concernoit les abus de la cour de Rome, & il renvoya cette affaire au pape, qui feul (à ce qu'il difoit) avoit droit de fe faire luimême juftice. Il n'alla pas en effet au-delà de ce qu'il avoit promis: il fit, de concert avec quelques évêques & quelques théologiens d'Allemagne différens réglemens, où il ne parla pas des cent griefs de la nation, mais où néanmoins il remédioit à quelques-uns des abus qui en étoient l'objet. Il préfenta ces réglemens à la diette, prétendant qu'ils fuffifoient pour rétablir l'empire dans fon ancienne pureté en matiére de religion; mais les princes jugérent que ces réglemens étant trop doux, non feulement fomenteroient le mal, mais ferviroient à augmenter davantage la puiffance de la cour de Rome, & l'autorité des évêques au préjudice des princes féculiers, & qu'ils ouvriroient la porte à de plus grandes vexations. D'ailleurs on regardoit cette réforme comme un jeu de la cour Romaine pour amufer l'Allemagne, & la réduire infenfiblement à une plus dure fervitude. Ainfi quelques inf-tances que le légat fît à la diette pour y faire agréer fes ftatuts, il ne put jamais réuffir; & lui de fon côté, pour rendre la pareille, rejetta toutes les propofitions que les députés lui firent de la part des princes.

[ocr errors]

On parla encore, dans la diette, d'une autre affaire dont l'iffue ne dut pas plaire au légat. Il s'agiffoit d'un différend mu entre l'évêque de Strasbourg & quelques prêtres de fa ville, qui, fuivant le nouvel évangile, avoient cru pouvoir fe marier. Comme leur action avoit beaucoup fcandalife,. l'évêque avoit ajourné les coupables à comparoître devant lui pour rendre raifon de leur conduite, & pour être jugés comme violateurs des loix de l'églife, des faints peres, des papes & de l'empire. Les accufés, au lieu de comparoître, s'adrefférent au fénat pour décliner la jurifdiction de l'évê que; & promirent de fubir les peines qu'on voudroit leurs impofer, fi on pouvoit les convaincre d'avoir agi contre

AN. 1524.

berg.

[ocr errors]

quelque prétexte formel. Le fénat, qui favorifoit le Luthéra nifme, interpella l'évêque; mais l'affaire fut furfife jufqu'à la diette. L'évêque de Strasbourg trouva cette furféance préjudiciable à fes droits : il en écrivit fortement au légat, lui remontrant qu'il étoit injufte d'empêcher ainfi un évêque dans l'exercice de la jurifdiction; & afin de le mettre mieux au fait de toute cette affaire, il lui députa Thomas Murner, Cordelier, qui lui expofa toute la conduite des prêtres accufés & celle du fénat. L'affaire fut donc propofée à la diette : le fénat y envoya des députés; mais comme la conduite des prêtres étoit évidemment contraire aux faints canons, le légat voulut donner gain de caufe à l'évêque de Strasbourg; mais les députés du fénat de Strasbourg parlérent fi haut, qu'ils empêchérent qu'il n'y eût rien de décidé. Ils dirent que le fénat ne prétendoit pas néanmoins autorifer le déréglement de ces prêtres, qui vivoient fcandaleufement avec leurs concubines; qu'il n'avoit mis aucun empêchement à la jurifdiction de l'évêque, à qui il avoit fait fignifier feulement qu'on lui prêteroit main-forte pour faire exécuter fa fentence, quand il auroit prouvé que le mariage eft défendu aux prêtres, de droit divin: qu'en recevant la requête des prêtres accufés qui s'étoient adreffés au fénat, celui-ci n'avoit rien fait que de conforme à ce dont on étoit convenu mutuellement, que les eccléfiaftiques coupables feroient renvoyés par-devant le magiftrat; & que ce n'étoit qu'en conféquence de cette convention, que les accufés avoient refufé de se rendre à l'accufation de l'évêque. La diette fentoit bien la foibleffe de ces raifons; mais elle ne laiffoit pas, pour mortifier le légat, de favorifer un peu le Luthéranifme. Le légat de fon côté perfifta toujours à refufer les demandes de la diette; ainfi elle fut terminée le dix-huitiéme d'Avril, fans prefque rien conclure.

Le même jour la diette publia un décret qui portoit que Résultat de la le pape, du confentement de l'empereur, convoqueroit au diette de Nurem- plutôt un concile libre en Allemagne dans quelque lieu conCochlaus, de act. venable, pour y terminer les différends que la doctrine de & fcript. Luth. an. Luther avoit fait naître fur plufieurs points de religion; qu'en attendant ce concile, on tiendroit, à la fête de faint Martin onzième de Novembre, une nouvelle affemblée à Spire, où après que les princes auroient fait examiner dans leurs états par d'habiles docteurs, ce qu'on doit admettre ou rejetter

524. P. 90. Sleidan, in com

ment, l. 4. p. 116.

dans

dans les ouvrages de Luther, on l'examinera dans cette
diette, pour y être déclaré ce qui doit être cru & pratiqué
jufqu'à la décifion du concile; que cependant les magif-
trats auront foin de faire prêcher l'évangile felon la doctrine,
le fens & l'interprétation des théologiens approuvés par l'é-
glife; qu'on fupprimeroit tous les libelles diffamatoires écrits
contre la cour de Rome, comme auffi toutes les peintures
& toutes les images que l'on avoit faites en dérifion du
pe & des évêques; que l'on traiteroit dans cette affemblée
de cent griefs propofés contre la cour de Rome & le cler-
gé d'Allemagne, pour voir fi l'on pourra y apporter quel-
que tempérament. Enfin, que pour obéir à l'empereur, on
exhorteroit les princes à faire exécuter l'édit de Wormes
autant qu'ils le pourront; & que quant à la guerre contre
le Turc, on délibéreroit à la prochaine diette fur les fe-
cours qu'on pourroit donner au roi de Hongrie.

pa

AN.'1524.

XI. L'édit de la diette eft contredit par

Sleidan, in com ment. l. 4. p. 120. Cochlaus, in all.

&

fcript. Luth. an. 124. p. 93. Raynald, ad. an. 1524. n. 8. Pallavic. hift. 1. cap. 10. p. 180.

Jamais édit n'eut plus de contradicteurs; le légat & le pape s'en plaignirent hautement: Luther même le trouva. fort mauvais, quoiqu'il lui parût favorable; il publia un écrit plufieurs. contre les princes, pour montrer que ceux qui avoient fabriqué cet édit fe contredifoient manifeftement, & qu'une partie étoit détruite par l'autre. « Car fi, dit-il, l'édit de Wor» mes qui me condamne comme hérétique, doit être ob» fervé, comme on l'ordonne à Nuremberg: pourquoi veut » on qu'on examine mes livres à Spire, pour fçavoir fi ce » que j'enseigne eft bon ou mauvais ? Et fi l'on doit faire » cet examen de ma doctrine, pourquoi veut-on qu'on me » condamne?» Le légat répondit auffi à tous les chefs de l'édit, & montra que ce n'étoit pas aux féculiers à mettre la main à l'encenfoir, en réglant les points de foi & de doctrine. Cependant voyant la diette prête à fe féparer, il fit de nouvelles inftances auprès des députés, pour les engager à approuver fes articles de réformation; mais n'ayant pu rien gagner, il follicita l'archiduc Ferdinand frere de l'empereur, les deux ducs de la maifon de Bavière, l'archevêque de Salzbourg, les évêques de Trente & de Ratisbonne, & les députés des neuf autres évêques qu'il crut plus favorables à la cour Romaine, & il leur perfuada de tenir avec lui une autre affemblée dans un autre lieu : ils la tinrent à Ratisbonne, & firent le fixiéme de Juillet un décret, par lequel ils ordonTome XVIII. B

XII.

Le légat tient une bonne pour y faire recevoir fes

affemblée à Ratif

réglemens. Pallavic. hift. lib 2. cap. 11. p. 184. Cochlaus, in a&t & fcript. Luth, an 1524. P. 97.

« AnteriorContinuar »