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& éviter avec beaucoup de foin le défaut cù tombent ceux,qui n'étant pas encore affez affermis dans la vertu, fe laiffent ébloüir par les louanges qu'on leur donne, & ne font pas fâchez de voir qu'on leur applaudit, lorfqu'ils pratiquent quelques bonnes œuvres: Et qu'aprés tout cela on doit veiller continuellement contre l'orgueil & la vanité, être tres-perfuadé qu'on n'a nulle raifon defe preferer à ceux qui tiennent une conduite differente, & prendre bien garde de ne les pas méprifer, parce que ce feroit une vaine préfomption, qui ruineroit toutes les vertus qu'on auroit acquifes.

Voilà, felon ce grand Docteur, ce que nous fommes obligez de faire pour être juftes & fans cache devant Dieu. Nous ne devons pas rejetter abfolument la crainte des peines: car elle nous est utile, elle nous retire de l'engagement du peché, & elle nous en éloigne infenfiblement Mais finous en demeurions. là, nous ferions tres-imparfaits, parce que nous aimerions encore nos déregle. mens & que nôtre cœur y auroit toû jours de l'attache, quoique nous nous en abftinffions à l'exterieur. Ainfi il faut que nous mortifiïons nôtre chair, que nous nous exercions dans les travaux de

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la penitence,& que nous détruifions tel
lement nôtre vieil homme, que nous ne
foyons plus fenfibles aux voluptez, ou
qu'au moins nous les rejettions lorsqu'-
elles fe prefentent à nous, & qu'elles
viennent nous folliciter. Nous rencon-
trerons enfuite un autre écueil au milieu
même de nos bonnes œuvres; car les
louanges qu'on nous donnera, pourront
nous être agreables,nous attirer & nous
porter à nous complaire en nous-mêmes,
ce qui feroit un tres-grand malheur.
C'est pourquoi nous devons nous élever
au-deffus de toutes les vûës humaines
lorfque nous pratiquons le bien, ne re-
garder que Dieu & fa gloire dans tout ce
que nous faifons, & agir en toutes chofes
comme s'il n'y avoit que lui & nous
dans le monde. Enfin quelque vertu que
nous ayons déja acquife, nous devons
être tres perfuadez qu'il nenous eftpoint
permis de nous élever au-deffus de nos
freres, ni de les méprifer, parce que
nous fommes capables de tous les
chez aufquels ils font fujets, & qu'ils
peuvent devenir plus parfaits que nous

pe

ne le fommes. Et c'eft en cette occafion que nous devons penfer fouvent à ces avis falutaires que le grand Apôtre nous donne: Que celui qui fe glorifie, ne fe .

1. Cor.1.

glorifie que dans le Seignenr: Que nul ne s'enfle de vanité contre un autre. Car qui eft-ce qui met de la difference entre vous ? bid c. 4. qu'avez-vous que vous n'ayez point reça? &fi vous l'avez reçû, pourquoi vous en glorifiez-vous comme fi vous ne l'aviez point reçû?

6'7.

Jugeons de nous-mêmes par ces faintes maximes. Voyons de quelle maniere nous avons jufqu'à prefent marché dans la voye que ce grand Docteur nous a marquée. Examinons fans nous flatter fi nous fommes montez par les differens degrez qu'il nous propofe; & fi nous reconnoiffons que nous en foyons encore fort éloignez,humilions nous à nos propres yeux, gemiffons dans le fecret de nôtre cœur, & n'ayons pas la temerité de croire que nôtre vie foit fans tache, & que nous n'ayons plus de progrés à faire dans la vertu & dans la justice chrétienne.

Verf. 3. Qui dit la verité felon qu'il l'a dans le cœur, qui ne fe fert point de fa langue pour tromper.

Qui dit la verité felon qu'il l'a dans le cœur Les faints Peres ont fouvent recours à cette parole, pour faire comprendre aux fideles ce qu'on doit proprement appeller menfonge.Ils difent conformé

mendat

"c. 3°

ment à cette Sentence du RoiProphete, que mentir c'eft énoncer & affirmerune chofe, qu'on ne croit pas dans le fecret de fon cœur être veritable. "Celui là, «Lib. de dit faint Augustin, commet un mensonge dont les paroles ne font pas d'accord << avec le cœur ; qui penfe d'une maniere, «< & qui parle d'une autre. C'eft par cette « regle qu'on doit juger du menfonge. Il ne faut pas s'arrêter precifément à ce qu'on a dit ; mais il faut voir dans quelle difpofition on étoit lorfqu'on a parlé. Il faut examiner fi on a fuivi fes lumieres, & fi on ne s'eft point énoncé d'une maniére contraire à fa propre pensée. Car il peut quelquefois arriver qu'on tombe dans le menfonge, quoiqu'on ne dife que ce qui eft veritable, & qu'on ne mente point, lors même qu'on avance une chofe qui eft fauffe & contraire à la verité. Par exemple, un homme qui croyant qu'un fait eft faux, ne laiffe pas de l'affirmer comme veritable, commet un menfonge, quoique dans la fuite on reconnoiffe que ce qu'il a dit étoit veritable, parce qu'il parle contre fon propre fentiment, & qu'il trahit fes lumieres. Et au contraire, celui qui étant perfuadé qu'une hiftoire eft fauffe, l'a niée & l'a defavoüée, n'a commis aucun

menfonge, quoiqu'elle fe trouve verstable, parce qu'il a parlé conformément à fa penfée.

Mais il ne faut pas nous arrêter plus long-tems fur cette matiere, parce que les paroles du Prophete que nous examinons nous conduisent à une autre verité tres-importante. Si le jufte eft celui qui dit la verité felon qu'il l'a dans le cœur,quel jugement porter d'une infinité de gens, qui connoiffant la verité, qui en étant pleinement convaincus,qui ayant déja conçû quelque amour pour elle,n'oferoient neanmoins la publier ni l'annoncer? qui la diffimulent, qui la fuppriment, & qui la retiennent dans l'injuftice qui par une fauffe condefcendance pour leurs amis ne veulent pas les contredire lorfqu'ils fe trompent,& qui par une complaifance criminelle les laiffent dans des erreurs, dont il leur feroit facile de les tirer? qui, crainte de déplaire aux Grands & de nuire à leur fortune, évitent de leur parler de leurs obligations, & de les reprendre de leurs défauts, & qui fe condamnent à un lâche filence, lorfque leur devoir & leur caractere les obligeroient à élever leur voix & à foûtenir hautement les interêts de la justice & de la verité ?

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