pas contre fes furprises; il devient un lion redoutable qui devore tous ceuxqui auroient d'abord pû le vaincre tres-faci

lement.

Et faint Bernard après avoir reprefenté combien c'est une chofe fâcheufe d'être continuellement exposé à la rage d'un ennemi qu'on ne voit point, & qui prend differentes formes pour tromper plus facilement ceux à qui il fait la guerre, ajoûte enfuite, qu'il faut neanmoins Serm.<. demeurer d'accord qu'il ne dépend que drag. des Chrétiens de ne point fuccomber dans ce combat,& qu'ils en fortent victorieux toutes les fois qu'ils refiftent aux defirs du peché,& qu'ils refusent d'y confentir.

Ainfi pourvû que les fideles foient foûmis à Dieu, qu'ils mettent en lui feul toute leur confiance, & qu'ils veillent exactement fur eux-mêmes, le demon eft devant leurs yeux comme un neant, & il n'a point de force contre eux, par confequent ils ne doivent nullement le craindre.

&

Mais il n'eft point neceffaire d'avoir recours à cette interpretation, puifque le fens litteral de ce Verfet eft fort édifiant, & qu'il contient une inftruction tres-importante pour tous ceux qui tra

in Qua

vaillent ferieusement à fe fanctifier. Il faut felon le Prophete, qu'ils regardent les méchans comme un neant, & qu'ils honorent tous ceux qui craignent le Seigneur. Cela ne paroît pas difficile à l'exterieurni fort extraordinaire. Cependant il est bien rare de trouver des Chrétiens qui s'acquittent exactement de ce devoir & on peut dire que fi on vouloit juger de leur conduite par cette regle, on en trouveroit tres peu qu'on pût regarder comme de veritables Juftes. Et en effet, où font maintenant ceux qui ne fe laiffent point éblouir par les apparences exterieures, qui ne jugent point du merite des hommes par les richelles qu'ils poffedent, par les Charges qu'ils exercent, & par le rang qu'ils tiennent dans le monde; qui honorent la vertu, & qui condamnent le vice indépendamment des perfonnes, & fans confiderer l état de leur fortune? Un particulier vient il à s'élever par fon ambition, par le moyen de fes amis, & fouvent par les crimes &

par fes concuffions, on l'admire auffitôt, on le refpecte, on le louë, & on lui fait la Cour, fans penfer en aucune maniere aux moyens dont il s'eft fervi pour monter aux honneurs, & fans faire de reflexion aux vices,ni aux mauvaises qualitez

qualitez qu'on remarquoit en lui un moment auparavant. Et au contraire un homme de bien, & dont la vie et ir réprehenfible, fe trouve-t-il dans la pauvreté, éloigné des Charges & des emplois éclatans, & dans la difgrace des Grands & des Princes; on ne parle plus de lui, on ne lui rend aucun honneur, & il tombe dans l'oubli & même dans le mépris des gens du fiecle: Lampas contempta apud cogitationes di. Job.x2 5

vitum.

1. 2.

L'Apôtre faint Jacques fe plaignoit de cette injustice, dès le commencement de l'Eglife, & il en faifoit des reproches aux fideles qu'il inftruifoit. Mes freres, Jacob. 2. leur difoit-il, n'ayez point de refp. Ets fequent. humains pour la condition des perfonnes, vous qui avez la foi de la gloire de Notre-Seigneur JESUS-CHRIST. Car s'il entre dans votre assemblée un homme qui ait un anneau d'or & un habit magnifique, & qu'il y entre auffi quelque pauvre avec un méchant habit, & qu'arrêtant vôtre vie fur celui qui eft magnifiquement vêtu, vous lui difiez en lui prefentant une place, honorable, affoyezvous ici, & que vous difiez au pauvre tenez vous là debout, ou affoyez-vous mes pieds, n'eft-ce pas là faire difference

B

L

en vous-même entre l'un & l'autre, & fuivre des penfées injuftes dans le jugement que vous en faites? Ecoutez, més chers freres: Dieu n'a-t-il pas choifi ceux qui étoient pauvres dans ce monde, pour être riches dans la foi & heritiers du Royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment?& vous au contraire vous deshonorez le pauvre.

Un Chrétien qui ne veut point fe conduire par les maximes du monde, & qui tend à la Jerufalem celefte, doit éviter ce défaut avec beaucoup de foin; car c'eft principalement à lui que s'adreffe . Cette parole du Prophete: Le méchant eft devant fes yeux comme un neant, & il honore ceux qui craignent le Seigneur. Il faut qu'il n'ait aucune eftime pour tous fes impies, qu'il les confidere comme de veritables neants, & qu'il les méprife dans le fecret de fon cœur, quand même ils feroient revêtus des premieres dignitez, & qu'ils poffederoient des richeffes immenfes. Il pourra bien à la verité les refpecter à l'exterieur, & leur déferer les honneurs qui font attachez à leurs Charges; mais ce ne fera que pour s'acquitter de fon devoir & pour garder l'ordre qui eft établi dans la focieté civile; & cela n'empêchera pas qu'il

n'ait pitié d'eux en lui-même, & qu'il ne les regarde avec mépris; non en fe preferant à eux, parce qu'il eft humble & qu'il connoît fa propre infirmité ; mais en leur rendant la justice qui leur est dûë, en haïffant les vices & les pechez dont ils font efclaves, & en ne justifiant point leurs defordres à caufe de leurs grandeurs & de leur felicité temporelle.

Il faut au contraire qu'il honore tous ceux qui fervent & qui craignent le Seigneur, qu'il les eftime & qu'il les refpecte, quoiqu'ils vivent dans l'obfcurité, & qu'ils ne foient ni riches, ni puiffans dans le monde. On peut même dire que c'eft par la conduite qu'il tient envers eux, qu'on doit juger s'il aime & s'il eftime veritablement la vertu. Car lorfqu'elle fe trouve environnée de richeffes & revêtue de grandes dignitez, les honneurs qu'on lui rend font tres fufpects, & il y a fujet de craindre qu'on ne la confidere moins que les les avantages temporels dont elle eft accompagnée: mais quand on l'eftime & qu'on l'honore au milieu de la pauvreté, des difgraces de la fortune, & des perfecutions, l'on peut croire que c'eft elle que l'on aime & que l'on recherche. :.