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SECTION X.

De l'Equilibre des Liqueurs.

Uelques perfonnes habiles prévenues en faveur du principe de Statique de M. Defcartes, qui eft qu'il faut autant de force pour faire monter un poids, par exemple, d'une livre à 100 pied de hauteur, que pour en faire monter un de 100 livres à un pied: ces perfonnes, dis-je, prévenues en faveur de ce principe, fur tout par rapport à l'explication de l'équilibre des Liqueurs, parmi lefquelles eft un Auteur, dont on verra les objections Latines refolues dans la fuite, m'ayant marqué toutes fimplement qu'elles ne voyoient pas comment on pourroit, hors lui, qui a dit nettement qu'on ne peut pas rendre raifon de cet équilibre par le principe dont je me fervis en 1687. & dont je me fers encore ici pour démontrer l'équilibre des forces ou des poids appliquez à des Machines; m'engagent à ajoûter ici cette Section pour les fatisfaire fur ce fujet, & en même tems ce qu'il y en pourroit avoir d'autres, aufquels cette prévention commune à plufieurs, ou quelqu'autre caufe ne laifferoit pas affez d'attention pour voir d'eux-mêmes que le principe qu'on fuit ici, peut servir auffi aisément à rendre raifon de l'équilibre des Liqueurs, qu'on l'a vù fervir jufqu'ici à rendre celle de l'équilibre des forces ou des poids appliquez à des Machines, & ici comme là par la generation de l'équilibre toujours & par tout réfultant de l'oppofition directe entre deux forces égales, ou entre une force & une réfiftance invincible, foit que chacune de ces forces foit fimple, ou dérivée, ou compofée de tant d'autres qu'on voudra. Cela s'eft vu jufqu'ici par rapport à l'équilibre fur des Machines; le voici auffi par rapport à l'équilibre des Li-. queurs, dont les pefanteurs quelconques feront par tout prifes

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prifes ici à l'ordinaire, comme tendantes de haut en bas luivant des directions paralleles verticales.

Si je n'avois affaire qu'à des Cartefiens, tels que l'Auteur dont je viens de parler, & qui feul m'oblige de m'expliquer fur le principe de Statique de M. Defcartes, par l'objection qu'il m'en fait; peut-être que pour en obtenir un peu plus d'attention à ce que je vas dire, il ne feroit pas hors de propos de leur demander la folution de quelques difficultez que voici par rapport à leur maniere d'expliquer l'équilibre des Liqueurs: je leur propoferois le Ciphon MDEN de branches cylindriques verticales, MD, NE, inégales en groffeur, dans lequel il y auroit de l'eau en équilibre jufqu'au niveau AH; & je leur demandrois la raifon de cet équilibre.

I. Ils me répondroient à leur ordinaire, que s'il n'y avoit pas ici d'équilibre, l'eau defcendroit dans une des branches du Ciphon, & monteroit dans l'autre; de ma- FIG. 286, niere que fi fa furface, par exemple, AL defcendoit de quelque hauteur AB que ce foit dans fa groffe branche MD, elle forceroit la furface HO de l'eau de la petite branche NE d'y monter d'une hauteur HK, telle qu'on auroit alors AL-AB-HO×HK.

Cela eft vrai, puifque les quantitez d'eau BALP,HKQO, font égales entr'elles. Mais que s'enfuit-il de la ? finon qu'en ce cas de non équilibre les hauteurs AB, HK, qui exprimeroient également ici les viîteffes contemporaines & les chemins contemporains des furfaces AL, KO, y feroient entr'elles en raifon reciproque de ces mêmes furfaces ?

II. En voilà affez pour ce que nous prétendons, diront-ils fans doute puifque, fuivant le principe précedent de M. Descartes, il faut des forces égales pour faire parcourir à des poids des chemins differens qui foient en raifon reciproque de ces mêmes poids ; & que fuivant le nomb. 1. en cas de non équilibre les furfaces ou lames d'eau AL, HO, où leurs poids feroient ici en raifon reciproque des chemins AB, HK, qu'elles y parcourroient.

Tome II.

Ff

Donc elles y auroient des forces égales ; & par confequent elles y demeureroient en équilibre entr'elles au niveau AH, auquel on les a fuppofées d'abord, au lieu de fe mouvoir, comme ces Meffieurs viennent auffi de le fuppofer, pour en déduire ainfi cet équilibre.

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Cette derniere confequence, fi elle étoit valable, neferoit tout au plus que ab abfurdo, puifque ce ne feroit conclure l'équilibre que du non-équilibre. Mais il s'en faut bien qu'elle foit jufte; puifque pour l'équilibre entre deux forces ce n'eft pas affez qu'elles foient égales entreelles, il faut de plus qu'elles foient contraires l'une à l'autre jufqu'à fe détruire ou s'empêcher mutuellement, Or c'elt ce qui ne fe trouve point ici; puifque ce n'eft que du non-équilibre entre les furfaces ou lames d'eau AL, HO, qu'on leur y trouve des forces égales, qui bien loin d'être contraires entr'elles, y font parfaitement d'accord, & tellement que l'une y failant defcendre AL, &. l'autre faifant monter HO, la feconde y obéit à la premiere malgré la résistance qu'y fait le poids de l'eau qu'el le y fait monter dans la petite branche EN; laquelle réfiftance ainfi furmontée dans ce cas de non-équilibre par la force du poids de l'eau de la grande branche MD, seroit confequemment ici moindre que cette force, dont l'excès fur la force du poids de l'eau de la petite branche, s'y diftriburoit en deux parties qui feroient les forces égales de defcente & d'afcenfion qu'on vient de trouver aux furfaces ou lames d'eau AL, HO, dans ce cas de nonéquilibre, où les poids des colonnes d'eau comprifes dans les branches MD, NE, du Ciphon MDEN, auroient ainfi des forces inégales pour les y faire defcendre de part & d'autre. Donc de ce qu'en ce cas de non-équilibre les forces de defcente d'une des furfaces ou lames d'eau AL, HO, & d'afcenfion de l'autre, font égales entr'elles ; il ne s'enfuit pas, ainsi qu'on l'en vient de conclure à la maniere (ce me femble) des Cartefiens, que les efforts contraires que les poids des deux colonnes d'eau fuppofées d'abord à niveau en AH dans les deux branches du Ci

phon MDEN, font pour les y faire defcendre, foient égaux entr'eux ; ni confequemment que ces colonnes ou cylindres d'eau doivent demeurer en équilibre à ce niveau.

III. Le défaut de jufteffe de cette confequence n'eft pas le feul qui me paroiffe dans le raisonnement de l'art. 2. fait (ce me femble ) à la maniere des Cartefiens: il m'y paroît encore un autre défaut, qui confifte en ce qu'on n'y compte que les mouvemens des furfaces AL, HO, quoiqu'il y en ait beaucoup davantage. Car pour que la furface ou lame d'eau AL defcende de la hauteur quelconque AB dans la groffe branche MD du Ciphon MDEN, il faut ( en fuppofant horisontal le plan touchant CF du canal de communication des deux branches MD, EN, de ce Ciphon) que tout le cylindre d'eau ACGL defcende auffi de cette hauteur AB; puifque la furface ou lame AL de ce cylindre d'eau contenue dans la branche MD, n'y fçauroit defcendre de cette hauteur AB en BP, à moins que cette feconde lame-ci ne defcende d'autant en la place d'une troifiéme de cette diftance au-delfous d'elles pour cela il faut de même que cette troifiéme lame d'eau defcende auffi d'une pareille hauteur en la place d'une quatrième de même distance au-deffous d'elle, & ainfi de fuite jufqu'à la derniere lame CG qui entrera pour lors dans le canal CFED de communication des deux branches du Ciphon MDEN : d'où l'on voit que pour que la furface ou lame d'eau AL descende de la hauteur AB, il faut que toutes les fuivantes jufqu'en CG, & confequemment auffi que tout le cylindre d'eau ACGL, compofé de toutes ces lames ou petits cylindres égaux, defcende alors de cette hauteur AB. On démontrera de même que pour que la furface HO de l'autre cylindre d'eau HFPO, forcée par cette defcente de ACGL (fuppofé d'abord lui être à niveau) de monter en KQ d'une hauteur HK, qui rende KQ×HK=AL×AB, monte en effet de cette hauteur, il faut que tout le cylindre KFPQ monte auffi de cette hauteur HK, dans le tems que l'autre ACGL defcend de la hauteur AB. Par confequent

en ce cas-ci de non-équilibre les vîteffes de ce cylindre d'eau ACGL, & d'afcenfion de l'autre KFPQ, feront ici entr'elles en raison de ces hauteurs AB, HK, qu'ils y parcourent en même tems en ces deux fens contraires. Ainfi les quantitez de mouvemens de ces deux cylindres d'eau ACGL AC×AL, & KFPQ=KF×KQ, seront ici entr'elles : AC-AL-A B. KF×KQxHK à caufe de AL-AB KQxHK) :: AC. KF.

Ce font-là les quantitez de mouvement réfultantes ici. du non-équilibre qu'on y fuppofe, & non pas les feules des deux furfaces ou lames d'eau AL, HO, prifes dans le raisonnement de l'art. 2. pour tout ce qui en réfulte de ce non-équilibre. Donc outre le défaut de ce railonnement, marqué dans cet art. 2. quand même il n'y auroit point ici d'autre mouvement que celui des furfaces AL, HO: y voici encore un autre défaut, qui vient de n'y avoir fuppofé que cette feule quantité de mouvement.

IV. Peut-être que ceux aufquels j'expofe bonnement ici mes difficultez fur leur maniere d'expliquer l'équilibre des Liqueurs, diront que les quantitez de mouvement qu'ils prennent ici pour les réfultantes du non-équilibre qu'ils y fuppofent entre les cylindres d'eau ACGL,HFPO, pour en conclure l'équilibre entr'eux, ne font pas les feules des furfaces AL, HO, ainfi qu'on l'a cru-dans l'art. 2. mais qu'elles font celles des cylindres entiers ACGL, HFPO, telles qu'on les leur vient de trouver dans le pré cedent art. 3. en raifon des hauteurs AC, FK, de ces deux cylindres d'eau ; lefquelles quantitez de mouvement font égales entr'elles, non pas à la verité toujours, mais du moins au premier inftant de leurs naiffances contemporaines ; puifque les hauteurs AB, HK, de defcente de la colonne d'eau ACGL, & d'afcenfion de HFPO fuppofée d'abord à niveau de celle-là, parcourues par ces deux cylindres d'eau pendant ce même inftant, fe trouvant alors infiniment petites, & confequemment négligeables par rapport aux finies AC, FK ; n'empêchent point que celles-ci, ni confequemment (art. 3.) que les quantitez

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