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à

bléfelon l'ancienne coutume, on créa des Magiftrats,parmi lesquels on nomma Andranodore des premiers, avec Théodote & Sofis, & quelques autres Conjurés qui étoient abfens.

D'un autre côté, Hippocrate & Epicyde qu'Hiéronyme avoit envoiés à la tête d'un corps de deux mille hommes, pour tenter d'exciter du trouble dans les villes qui tenoient pour les Romains, fe voiant, à la nouvelle de la mort du tyran, aban donnés des foldats qu'ils commandoient, s'en revinrent à Syracuse, où ils demandérent une escorte pour re tourner furement auprès d'Annibal, n'aiant plus rien à faire en Sicile depuis la mort de celui à qui ce Général les avoit envoiés. On n'étoit pas fâché de fe délivrer de ces deux étrangers dont l'efprit étoit inquiet & remuant & qui avoient beaucoup d'expérience dans la guerre, Il eft dans la plupart des affaires un moment décifif, "qui ne revient point quand on l'a manqué. La négligence qu'on apporta à régler le tems de leur départ, leur donna lieu de s'infinuer dans l'efprit des foldats qui les eftimoient à cause de leur habileté,& de les indifpofer contre le Sénat

& contre les citoiens les mieux in tentionnés.

Andranodore, à qui l'ambition de fa femme ne donnoit point de repos, & qui jufques-là avoit ufé de diffimulation pour mieux couvrir les desseins, croiant qu'il étoit tems de les faire éclore, confpira avec Thémiste gendre de Gélon pour s'emparer de la roiauté. Il communiqua fes vûes à un Comédien, nommé Arifton, pour qui il n'avoit rien de caché. Cette profeffion n'avoit rien de deshonorant chez les Grecs, & étoit exercée par des gens d'une condition honnête. Arifton, fe croiant obligé, comme il 'étoit en effet, de facrifier fon ami à fa patrie, découvrit la confpiration.

Andranodore & Thémifte font tués auffitôt par l'ordre des autres Magiftrats en entrant dans le Sénat. Le peuple fe fouleve, & menace de venger leur mort. Mais on l'effraie, en jettant les cadavres des deux conjurés hors du Sénat. Puis on l'instruit de leurs mauvais deffeins auxquels on attribue tous les maux de la Sicile, plutôt qu'à la méchanceté d'Hiéronyme, qui n'étant qu'un enfant ne s'étoit conduit que par leurs confeils. On

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fait remarquer que fes Tuteurs & les Maîtres avoient régné fous fon nom. Qu'ils auroient dû être exterminés avant Hiéronyme, ou du moins avec lui. Que l'impunité les avoit pouffés à de nouveaux crimes, & les avoit portés à afpirer à la tyrannie. Que n'aiant pu y réuffir par la force, ils avoient emploié la diffimulation & la perfidie. Qu'on n'avoit pu vaincre à force de graces & de faveurs la mauvaife volonté d'Andranodore, en le nommant à la premiére Magiftrature parmi les Libérateurs de la patrie, lui qui étoit l'ennemi déclaré de la liberté. Qu'au refte, cette ambition de régner leur avoit été infpirée par les Princeffes du fang roial qu'ils avoient époufées l'une fille d'Hiéron, & l'autre fille de Gélon.

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A cette parole, il s'éleve un cri de toute l'affemblée qu'il n'en faut laiffer vivre aucune, & qu'il faut exterminer entiérement la race des Tyrans, fans. qu'il en refte de trace. Tel eft leca

a Hæc natura multitu- † mè defunt irarum indul dinis eft; aut fervit humiliter, aut fuperbè dominatur: Libertatem que media eft, nec fpernere modicè, nec hahere fciunt. Et non fer

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gentes ministri, qui avi-
dos atque intemperantes
plebeiorum animos ad
fanguinem & cædes in
tent. Liv.

Co

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ractére de la multitude: ou elle fe livre baffement à l'esclavage, ou elle domine avec infolence. Mais par raport à la liberté, qui tient le milieu entre ces deux excès, elle ne fait ni s'en paffer, ni en ufer: & il ne fe trouve que trop de flateurs, toujours prêts à entrer dans fes paffions, à enflammer fa colére, & à la pouffer aux derniéres violences & aux plus barbares cruautés ; à quoi elle n'est déja que trop portée par elle-même. C'est ce qui arriva pour lors. Sur la requête des Magiftrats, qui fut presque plutôr acceptée que propofée, on ordonna que la race roiale feroit entiérement détruite.

On tue d'abord Démarate fille d'Hiéron,& Harmonie fille de Gélon, mariées, la première à Andranodore, & la feconde à Thémiste. De là on va à la maifon d'Héraclée femme de Zoippe, qui aiant été envoié en Amballade vers Prolémée roi d'Egypte,

y étoit refté volontairement en exil pour ne pas être témoin des maux de fa patrie. Avertie qu'on alloit venir à elle, cette infortunée Princeffe s'étoit refugiée avec les deux filles dans le lieu le plus retiré de fa maifon vers fes

dieux pénates. Là, quand les affaffins furent arrivés, les cheveux épars, le vifage baigné de larmes, & dans l'état le plus propre à exciter la compaffion, elle les conjura d'une voix tremblante & entrecoupée de foupirs, au nom d'Hiéron fon pere, & de fon frere Gélon, » de ne pas enveloper une Princeffe innocente dans le crime & dans les malheurs d'Hié»ronyme. Elle leur repréfenta qu'elle » n'avoit tiré d'autre fruit du régne » de ce Prince, que l'exil de fon mari, Que n'aiant point eu de part à la fortune ni aux deffeins criminels de fa fœur Démarate, elle n'en devoit point avoir à fon châtiment, Que "pouvoit-on craindre au refte ou » d'elle-même dans l'état d'abandon » & prefque de viduité où elle étoit » réduite, ou de fes filles malheu» reuses orfelines fans appui & fans » crédit? Que fi la race roiale étoit

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devenue fi odieufe qu'on ne pût en » fouffrir la vûe à Syracufe, on pou→ voit les reléguer à Alexandrie,& re joindre la femme à son mari, les filles à leur pere. « Quand elle les vit inflexibles à fes remontrances, onbliant ce qui la regardoit, elle les pria

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