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de vouloir au moins fauver la vie aux Princeffes fes filles, toutes deux d'un âge qui infpire la compaffion aux ennemis les plus transportés de fureur. Elle ne gagna rien fur l'efprit de ces barbares. L'aiant arrachée comme d'entre les bras de fes dieux pénates, ils la percérent de coups fous les yeux de fes deux filles ; & les égorgérent auffitôt elles-mêmes, déja teintes & couvertes du fang de leur mere. Ce qu'il y eut de plus trifte dans leur destinée c'eft qu'immédiatement après leur mort, il vint un ordre du peuple qui leur fauvoit la vie.

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De la compaffion le peuple paffa en un moment à des fentimens de colére & de fureur contre ceux qui avoient fi fort preffé l'exécution, fans laiffer de lieu à la réflexion ni au repentir. Il demande qu'on nomme des Magiftrats. en la place d'Andranodore & de Thémiste. On hésite lontems fur ce choix. Enfin quelqu'un de la foule du peuple nomme au hazard Epicyde, un autre nomme auffitôt Hippocrate. Ces deux hommes font demandés avec tant d'ardeur par la multitude compofée de citoiens & de foldats, que le Sénat ne peut empécher qu'ils ne foient

créés.

Les nouveaux Magiftrats ne décou vrirent pas d'abord le deffein qu'ils avoient de remettre Syracufe dans les intérêts d'Annibal. Mais ils voioient avec peine les démarches qu'on avoit déja faites avant qu'ils fuffent en char-' ge. Car, auffitôt après le rétabliffement de la liberté, on avoit envoié des Ambassadeurs à Appius, pour proposer le renouvellement de l'alliance qu'Hiéronyme avoit rompue. Celuici les avoit adreffés à Marcellus, qui venoit d'arriver en Sicile avec une autorité fupérieure à la fienne. Marcellus en envoia à fon tour aux Magiftrats de Syracufe, pour traiter de la paix.

Ils trouvérent, en y arrivant, l'état des chofes bien changé. Hippocrate & Epicyde, d'abord par de fourdes menées, puis par des plaintes ouvertes avoient infpiré à tout le monde une grande averfion pour les Romains, en faifant entendre qu'on fongeoit à leur livrer Syracufe. La vue d'Appius, qui s'étoit approché de l'entrée du port avec fes vaiffeaux pour encourager ceux du parti Romain, fortifia de nouveau ces foupçons & ces accufations, de forte que la multitude courut tumultuairement

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pour empêcher les Romains de mettre pié à terre, fuppofé qu'ils en euffent le deffein.

pié à terre

Dans celtrouble & cette confufion on jugea à propos de convoquer l'affemblée du peuple. Les avis y étant fort partagés, & la chaleur des difputes faifant craindre quelque fédition Apollonide, un des principaux du Sénat, tint un difcours fort convenable à l'état prefent des affaires. » Il » fit voir que jamais ville n'avoit été plus près ou de fa perte ou de fon fa» lut, que l'étoit actuellement Syracufe. Que fi tous, d'un confentement » unanime, fe rangeoient ou du côté des Romains, ou de celui des Carthaginois, leur état feroit heureux. Que s'ils fe partageoient de fenti» mens, la guerre ne feroit ni plus vive ni plus dangereufe entre les >> Romains & les Carthaginois, qu'en»tre les Syracufains mêmes divifés » les uns contre les autres, chaque

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parti devant avoir, dans l'enceinte » des mêmes murailles, fes troupes

fes armées, & fes Généraux. Qu'il » faloit donc travailler uniquement à

convenir tous enfemble, & à fe » réunir: & que de favoir laquelle

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» des deux alliances étoit la plus utile, > ce n'étoit pas maintenant la quef»tion la plus importante. Qu'au refte, » pour le choix des alliés, l'autorité » d'Hiéron fembloit devoir l'emporter » fur celle d'Hiéronyme, & que l'a» mitié des Romains, connue par une » heureuse expérience de cinquante années, paroilloit préférable à cel»le des Carthaginois, fur laquelle » on ne pouvoit trop compter pour

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préfent, & dont on s'étoit trouvé » fort mal par le paffé. « Il ajoutoit un dernier motif qui n'étoit pas indifférent : c'eft qu'en fe déclarant con»tre les Romains, ils auroient dans » le moment la guerre fur les bras » au lieu que, de la part de Carthage, » le danger étoit plus éloigné.

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Moins ce difcours parut paffionné, plus plus il eut d'effet. On voulut avoir l'avis des différens Corps de l'Etat, & l'on pria les principaux Officiers des troupes tant de la ville qu'étrangers, de conférer ensemble. L'affaire fur difcutée lontems & avec beaucoup de vivacité. Enfin, comme on ne voioit pas de moien préfent de foutenir la guerre contre les Romains, on con clut à la paix, & on leur envoia des

Ambaffadeurs pour terminer l'affaire Peu de jours après cette réfolution prife, les Léontins envoiérent demander du fecours à Syracufe, pour défendre leurs frontières. Cette députation parut venir fort à propos, pour décharger la ville d'une multitude inquiéte & turbulente, & pour éloigner leurs Chefs non moins dangereux. On fit partir quatre mille hommes fous le commandement d'Hippocrate, dont on étoit bien aise de se défaire, & qui ne fut pas fâché lui-même de cette occafion qu'on lui donnoit de brouiller. Car il n'y fut pas plutôt arrivé, qu'il pilla les frontiéres de la province Romaine,& tailla en piéces une troupe qu'Appius avoit envoiée pour les défendre. Marcellus fe plaint aux Syracufains de cet acte d'hoftilité, & demande qu'on chaffe de la Sicile cet étranger avec fon frere Epicyde, qui s'étant venu rendre en même tems dans la ville des Léontins, tâchoit d'en brouiller les habitans avec ceux de Syracufe, en les exhortant à se mettre en liberté auffi bien que les Syracufains. La ville des Léontins étoit de la dépendance de Syracufe: mais elle prétendoit içi fecouer le

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