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gagné le pié des murailles, penfant y être bien à couvert, ils fe trouvérent encore en bute à une infinité de traics, ou accablés de pierres qui tomboient d'en haut fur leurs têtes, n'y aiant endroit de la muraille qui ne fit pleuvoir incessamment sur eux une grêle mortelle qui tomboit à plomb. Cela les obligea de fe retirer en arriére, Mais ils ne furent pas plutôt éloignés, que voila de nouveaux traits lancés fur eux dans leur retraite: de forte qu'ils perdirent beaucoup de monde, & que prefque toutes leurs galéres furent froif fées ou fracaffées, fans qu'ils puffent rendre le moindre mal à leurs ennemis. Car Archiméde avoit placé la plupart de fes machines à couvert derriére les murailles, de maniére que les Romains, accablés d'une infinité de coups fans voir ni le lieu ni la main d'où ils partoient fembloient proprement, dit Plutarque, fa battre contre les dieux.

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Marcellus, quoique pouffé à bout, & ne fachant qu'oppofer à ces machines qu'Archimède dreffoit contre lui, ne laiffoit pas d'en faire des plaifanteries. » Ñe cefferons - nous » pas, difoit-il à fes Ouvriers & à

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»fes Ingénieurs, de faire la guerre & » ce Briarée de Géométre, qui mal» traite ainfi mes galéres & mes fambuques? Il furpaffe infiniment les » Géans à cent mains dont nous parle » la fable, tant il lance de traits » tout d'un coup contre nous. « Marcellus avoit raifon de s'en prendre au feul Archiméde. Car véritablement tous les Syracufains n'étoient que comme le corps des machines & des batteries de ce grand Géométre; & lui, il étoit feul l'ame qui faisoit mouvoir & agir tous ces refforts. Car toutes les autres armes demeuroient oifives: il n'y avoit que celles d'Archiméde dont la ville fe fervit alors & pour la défense & pour l'attaque,

Enfin Marcellus voiant les Romains fi effraiés, que s'ils apercevoient feulement fur la muraille une petite corde, ou la moindre piéce de bois, ils prenoient d'abord la fuite, criant qu'Archimede alloit lâcher contr'eux quelque effroiable machine; il renonça à l'efpérance de la pouvoir prendre en y faifant breche, ceffa toutes les attaques, & laiffa achever ce fiége au tems en le changeant en blocus. L'unique reffource que les Romains

crurent qu'il leur reftoit,fut de réduire par la faim le peuple nombreux qui étoit dans la ville, en coupant tous les vivres qui pouvoient leur venir foit par terre, foit par mer. Pendant huit mois qu'ils battirent la ville, il n'y eut forte de ftratagémes que l'on n'inventât, ni d'actions de valeur que l'on ne fit, à l'affaut près que l'on n'ofa plus jamais tenter. Tant un feul homme, & une feule science, ont de force dans quelques occafions, quand on fait les emploier propos. Otez de Syracufe un feut vieillard, la prise de la ville est immanquable avec toutes les forces qu'ont les Romains : sa présence feule arréte & déconcerte tous leurs def feins.

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On voit ici, je ne puis trop le répéter, quel intérêt ont les Princes de protéger les arts, de favorifer les gens de lettres, d'animer les Acadé-. mies des Sciences par des diftinctions d'honneur, & par des récompenfes folides, qui ne ruinent & n'appauvriffent jamais un Etat. Je mets ici à part la naiffance & la nobleffe d'Archiméde: ce n'eft pas à elle qu'il étoit rede yable de fon heureux génie ni de fa

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profonde science. Je ne le regarde que comme un Savant, comme un habile Géométre. Quelle perte eûtce été pour Syracuse, fi, pour épargner quelque dépense & quelque penfion, on eût laiffé un tel homme dans l'inaction & dans l'obfcurité ! Hiéron n'eut garde de fe conduire de la forte. Il connut tout le mérite de notre Géométre: & c'en eft un grand pour les Princes de connoitre celui des autres. Il le mit en honneur, il en fit ufage & n'attendit pas pour cela que le befoin & la néceffité l'y forçaffent; il auroit été alors trop tard. Par une fage prévoiance, vrai caractére d'un grand Roi & d'un grand Miniftre, a il prépara, dans le fein même de la paix, tout ce qui étoit néceffaire pour foutenir un fiége, & pour faire la guerre avec fuccès, quoiqu'alors il n'y eût aucune apparence qu'on dût rien craindre de la part des Romains, avec lefquels Syracufe étoit liée d'une amitié étroite. Auffi vit-on, dans un moment, fortir comme de terre une foule incroiable de machines de toute efpéce & de toute grandeur, dont la vue feule étoit capable de jetter le

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*In pace, ut fapiens, aptarit idonea bello. Horate

trouble & l'épouvante dans des ar

mées.

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Il en eft, parmi ces machines, dont on peut à peine concevoir l'effet, & dont on feroit tenté de révoquer en doute la réalité, s'il étoit permis de douter du témoignage d'Ecrivains tels par exemple que Polybe, Auteur prefque contemporain, & qui écrivoit fur des mémoires tout récens > & qui étoient entre les mains de tout le monde. Mais quel moien de fe refufer au confentement uniforme des Hiftoriens Grecs & Romains, amis & ennemis, fur des faits dont des armées entiéres furent témoins & fentirent les effets, & qui influérent fi fort dans les événemens de la guerre? Ce qui fe pratiqua dans ce fiége de Syracufe, marque jufqu'où les anciens avoient porté le Génie, & l'art de faire ou de foutenir des fiéges. Notre artillerie, qui imite fi parfaitement le tonnerre, ne fait pas plus d'effet que les machines d'Archiméde, fi même elle en fait

autant.

On parle d'un miroir ardent, par le moien duquel Archimede brûla une partie de la flote Romaine. L'invention feroit rare, Nul Auteur ancien

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