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Vignerons, lefquels, aveuglés par l'appas & l'efpérance du gain, fongérent plus à recueillir beaucoup de vin, qu'à l'avoir bon.

Pline cite plufieurs exemples de Plin. l. 14. l'extrême différence que met dans un cap. 3. même terroir celle de la culture. Entr'autres, un célébre Grammairien, qui vivoit du tems de Tibére & de Claude, avoit acheté à fort bas prix un vignoble négligé depuis lontems par fes anciens maîtres. Le foin extraordinaire qu'il en prit, & la façon fingulière dont il le cultiva, y apportérent en affez peu d'années un changement qui tenoit du prodige, ad vix credibile miraculum perduxit. Un fuccès fi prodigieux, au milieu des autres vignes qui étoient prefque toujours ftériles, lui attira l'envie de tous fes voifins ; &, pour couvrir leur pareffe & leur ignorance, ils l'accuférent de magie & de fortiléges.

Parmi tous les vins de Campanie dont j'ai parlé, celui de Falerne

étoit extrêmement recherché. Il avoit Arken. lib. beaucoup de force & d'âpreté, & n'é- 1. pag. 26toit potable qu'après avoir été gardé dix ans au moins. Pour adoucir fa rudeffe & domter fon austérité, on

Athen. lib.

emploioit le miel, ou on le méloït
avec du vin de Chio; & par ce mé-
lange on le rendoit excellent. On
doit, ce me femble, s'en raporter
au goût fin & délicat de ces Romains
voluptueux, qui dans les derniers
tems n'épargnoient rien pour affai-
fonner les plaifirs de la table
par tout
ce qu'il y avoit de plus agréable &
de plus capable de flater les fens. Fl
y avoit d'autres vins de Falerne plus
tempérés, plus doux, mais qui étoient

moins eftimés.

Les Anciens, qui connoiffoient fi . p. 49. bien l'excellence du vin, n'en ignoroient pas les dangers. Je ne parle point de la loi de Zaleucus, par laquelle, chez les Locres Epizéphyriens, l'ufage du vin, excepté le cas de maladie, étoit généralement interdit fous peine de mort. Les habitans de Marfeille & de Milet montrérent plus de modération & d'indulgence, en fe contentant de l'interdire aux femmes. A Rome, dans les premiers tems, il n'étoit permis aux jeunes gens de condition libre de boire du vin qu'à l'âge de trente ans : mais pour les femmes, l'ufage leur

a a

a Vini ufus olim Ro- | fuit ne fcilicet in ali manis feminis ignotus quod dedecus prolaberen.

en étoit abfolument défendu ; & la
raifón de cette défense étoit, que
l'intempérance en ce genre peut con-
duire aux derniers crimes. Sénéque fe
plaint avec amertume, de ce que
de
fon tems cette coutume étoit prefque
généralement violée. La a complexion
foible & délicate des femmes, dit-il,
n'a point changé mais leurs mœurs
ont changé & ne font plus les mêmes.
Elles fe piquent de porter l'excès du
vin auffi loin que les hommes les plus
robuftes. Elles paffent, comme eux, les
nuits entiéres à table: & tenant à la
main une coupe pleine de vin pur,elles
font gloire de les défier, & même, si
elles le peuvent, de les vaincre.
L'Empereur Domitien donna un Sueton. in
Edit au fujet des vignes, qui pouvoit Domitian
avoir un jufte fondement. Une année
aiant rendu beaucoup de vin & très
peu de blé, il crut qu'on avoit plus
de foin de l'un que de l'autre ; & fur
cela il ordonna qu'on ne planteroit
plus aucune nouvelle vigne dans l'L-
talie, & que dans les provinces on

lant, non minùs potant;
& mero viros provocant
Senes. Epift. 95.

tur: quia proximus à li- a Non minùs pervigi
bero patre intemperantiæ
gradus ad inconceffam
venerem effe confuevit.
Val. Max. lib. 2. cap. 1...

cap., 7.

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arracheroit au moins la moitié de Philofr. vit. celles qui y étoient. Philoftrate s'exApollon. 1. 6. prime même comme s'il eût ordonné

cap. 17.

de les faire toutes arracher, au moins dans l'Afie; parce, dit-il, que l'on attribuoit au vin les féditions qui y arrivoient dans les villes. Toute l'Afie lui députa à ce fujet Scopélien, qui profeffoit l'éloquence à Smyrne. Il réuffit fi bien dans fes Remontrances, qu'il obtint, non feulement que l'on continueroit à cultiver les vignes, mais que même ceux qui ne le feroient pas feroient mis à l'amende. Suet. in Do On crut que ce qui le porta principalement à abolir fon Edit, fut qu'on avoit femé des billets, qui portoient en deux vers grecs, que, quoiqu'il fit, il refteroit encore affez de vin pour le facrifice où l'on immoleroit

mitian.c. 14.

Il femble néanmoins, dit M. de Tillemont, que fon Edit ait fubfifté dans la plus grande partie de l'Occident jufques à Probe, c'eft-à-dire durant près de deux cens ans. Cet Empereur, qui après plufieurs guerres avoit établi une folide paix dans tout l'Empire, occupoit les troupes à divers ouvrages utiles pour le public,

afin qu'elles ne fe corrompîffent pas par l'oifiveté & que le foldat ne mangeât pas fa paie fans la mériter. Ainfi, comme Annibal avoit autrefois peuplé toute l'Afrique d'oliviers, de peur que fes foldats n'aiant rien à faire ne fe portaffent à des féditions; Probe, de même, emploia les fiens à planter des vigues fur les collines des Gaules, de la Pannonie, de la Méfie, & en beaucoup d'autres endroits. Il permit généralement aux Gaulois aux Pannoniens, & aux Efpagnols d'avoir des vignes autant qu'ils voudroient, au lieu que depuis Domitien la permiffion n'en étoit donnée à tout le monde.

§. II.

pas

Produit des vignes en Italie du tems de Columelle.

AVANT que de finir cet Article des vignes, je ne puis m'empécher d'extraire un endroit de Columelle, qui fait connoitre quel profit on en tiroit de fon tems. Il entre fur cela dans un détail qui m'a paru affez curieux, & il fait un calcul exact des frais & du produit de fept arpens de

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