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Pour diffiper leur ligue il n'a qu'à fe montrer;
Il parle, & dans la poudre il les fait tous rentrer.
Au feul fon de fa voix la mer fuit, le ciel tremble.
Il voit comme un néant tout l'Univers ensemble
Et les foibles mortels vains jouets du trépas,
Sont tous devant fes yeux comme s'ils n'étoient

pas.

Les vers de 12. fyllabes n'étoient pas eftimés autrefois. A peine en trouve-t-on quatre exemples dans Marot; mais ils ont pris le deffus depuis Malherbe, qui s'en eft fouvent fervi dans fes plus belles Odes.

Ces vers s'appellent auffi grand vers, parce qu'ils font les plus longs de tous, vers heroï ques, parce qu'on s'en fert dans les Poëmes que quelques-uns appellent heroïques, pour celebrer les grandes actions des Heros ou des Princes; vers Alexandrins, ou du nom de celui qui en a été l'inventeur, ou parce que la piece où ils ont été emploïés la premiere fois, étoit faite à l'honneur d'Alexandre, & en portoit le nom; ou enfin pour quelque autre raifon que nous igno

rons.

On trouve dans Scarron des vers de 1 3. fyl labes, page 400, & même de 14, page 2545 mais ce font moins de veritables vers, que de la profe rimée.

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Des differentes efpeces de Vers confiderés
Selon la rime.

La rime, qui fait la plus grande beauté de nos vers, n'eft autre chofe qu'un même fon entre les fyllabes qui terminent les vers, quand même cl

les feroient écrites differemment. Ainfi dans les vers fuivans non-feulement fenfible rime avec horrible, lui avec autrui ; mais encore est avec plaift.

Dans un mortel cheri, tout injufte qu'il est, C'eft quelque air d'équité qui feduit & qui plaist. A cet unique appas l'ame eft vraiment fenfible: Même aux yeux de l'injuste un injufte eft hor

rible;

Et tel qui n'admet point la probité chez lui, Souvent à la rigueur l'exige chez autrui. La rime eft ou mafculine, ou feminine. La feminine eft celle qui finit par un e muet, c'est-à-dire, qui ne fe prononce point, ou pref que point; foit que cet e foit feul, foit qu'il foit fuivi d'une s, ou de nt dans les tems des verbes, horfmís à la troifiéme perfonne plurielle des tems dont la premiere du fingulier eft terminée en ois.

La rime mafculine eft celle qui finit tout au

trement.

Ainfi dans les vers fuivans, vie, envie ; ouvrages, fuffrages; s'amaffent, croaffent, font des rimes feminines. Au contraire, infpiré, ignoré s yeux, envieux écrits, prix, font des rimes mafculines.

Ne croi pas toutefois par tes fçavans ouvrages, Entraînant tous les cœurs, gagner tous les suffrages.

Si-tôt que d'Apollon un genie inspiré
Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré,
En cent lieux contre lui les cabales s'amassent,
Ses rivaux obfcurcis autour de lui croaffent,
Et fon trop de lumiere importunant les yeux,
De fes propres amis lui fait des envieux.
La mort feule ici-bas, en terminant fa vie

Peut calmer fur fon nom l'injuftice & l'envie, Faire au poids du droit fens pefer tous les écrits, Et donner à fes vers leur legitime prix.

Les vers dont la rime eft mafculine, s'appel lent mafculins, ceux dont elle est feminine, s'appellent feminins.

Les vers feminins ont toûjours une fyllabe de plus que les mafculins de même efpece, parce que l'e muet ou feminin, qui eft à la fin des vers feminins, ne s'y prononçant point, ou prefque point, n'eft pas compté pour une fyllabe. Ainfi les vers feminins de 12. fyllabes, en ont 13. Il en eft de même des vers de 10, 8. fyllabes, &c. à proportion.

CHAPITRE II.

Regles de la Verfification.

ARTICLE

I.

Regles generales pour toutes fortes de Vers.

I. REGLE. L 'E muet feul, c'est-à-dire, qui n'eft

fe

pas fuivi d'unes, ou de nt, mange quand il eft avant une voïelle; s'il en eft fuivi, il ne fe mange pas, mais on doit le faire fentir dans la prononciation des vers. Voici des exemples:

Je ne t'écoute plus. Va-t'en; monftre execrable,
Va, laiffe-moi le foin de mon fort déplorable.
Puiffe le jufte ciel dignement te païer;
Et puiffe ton fupplice à jamais effraïer
Tous ceux, qui comme toi, par de lâches adreffes,
Des Princes malheureux nourriffent les foibleffes,
Les pouffent au penchant ou leur coeur est enclin;

muer

Et leur ofent du crime applanir le chemin; Déteftables flateurs, prefent le plus funefte Que puiffe faire aux Rois la colere celefte. II. REGLE. Toute autre voielle que l'e ne fe mange pas avec la voielle fuivante. Ainfi il en faut éviter le concours qui feroit désagréable. On doit dire la même chose de la conjontion, dont let ne fe prononce point. Gardez qu'une voiele à courir trop hâtée,. Ne foit d'une voïele en fon chemin heurtée, dit M. Defpreaux.

Les vers fuivans de Pybrac, où cette regle n'eft pas obfervée, font fort défagréables à l'oreille, quoiqu'ils foient beaux pour le fens. Dieu en courant ne veut être adoré, D'un ferme cœur il veut être honoré,

Mais ce cœur-là il faut qu'il nous le donne.
Et ailleurs,

Ne vas au bal qui n'aimera la danse,
Ni au banquet qui ne voudra

manger, Ni fur la mer qui craindra le danger, Ni à la Cour qui dira ce qu'il penfe.

Cependant dans les petites pieces dont le ftile eft fimple & familier, on pourroit fouffrir cer tains concours de voielles, comme dans l'Epigramme fuivante de Ménage.

Cy-deffous gift Monfieur l'Abbé

Qui ne fçavoit ni A, ni Bé;

Dieu nous en doint bien-tôt un autre
Qui fcache au moins fa pare-nôtre.

III. REGLE. Il faut diftinguer deux fortes d'h: l'une qui est aspirée, & l'autre qui ne l'eft pas La premiere eft une vraie confonne, & elle en a toutes les proprietés, c'est-à-dire, que toutes les voielles qui la précedent. même l'e muct, ne fe mangent point, & que les confonnes ne fe

rononcent point. On doit dire le contraire de I'b non afpirée. Ainfi on y doit appliquer les deux regles précedentes. Voici un exemple: Mais quelque vains lauriers que promette la

guerre,

On peut être héros fans ravager la terre.
Il eft plus d'une gloire. En vain aux Conquerans
L'erreur parmi les Rois donne les premiers rangs,
Parmi les grands héros ce font les plus vulgaires.
Chaque fiecle eft fécond en heureux témeraires....
Mais un Roi vraiment Roi, qui fage en fes
projets,

Sçache en un calme heureux maintenir les fujets,
Qui du bonheur public ait cimenté fa gloire,
Il faut, pour le trouver, courir toute l'hiftoire.

Si on veut fçavoir quels font les mots qui ont l'h afpirée on non afpirée, la regle ordinaire eft que les mots qui font dérivés du Latin, comme habile, haleine, heureux, buile, buître, byver, qui viennent d'habilis, halo, hora, oleum, oftreum, hyems, n'ont pas l'h afpirée : excepté héros, harpie, hennir, & peut être quelques autres qui tirent leur premiere origine du Grec : ήρως, άρπυια, ύννος, &c. Les autres mots qui ne viennent pas du Latin, ont l'h afpirée.

Mais outre cette regle generale, voïez page 119. une lifte generale des mots les plus communs où l'h eft afpirée, auffi bien que dans leurs dérivés & leurs compofés, par laquelle il fera facile de juger de ceux où elle ne 'l'e pas. Nous n'y avons point mis les noms propres de Ville,

&c.

L'ufage familier n'afpire point l'h en certai nes occafions particulieres. Ainfi on prononce un' hallebarde, du fromage d'hollande, de l'eau de la Reine d'Hongrie,

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