Imágenes de páginas
PDF
EPUB

335

Des fuccés fortunez du fpectacle tragique,
Dans Athene naquit la Comedie antique.

Là, le Grec né mocqueur, par mille jeux plaifans
Diftila le venin de fes traits médifans.

[ocr errors]
[merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors]

DORANTE. C'eft donc fur cela , qu'il l'accufe d'en appeller à la poftérité: mais cela eft dit fi agréablement, defirant que ,, le Roi juge des injuftes juge ,, mens; qu'un Poëte qui fait de tels Vers, eft auffi afluré

دو

"

[ocr errors]
[ocr errors]

des jugemens de ceux qui ont
bon goût en fon fiècle, que
des jugemens de la postérité,,.
IMIT. Vers 335. Des fuccés
fortunez du fpectacle tragique, &c.]
Horace dit, Art Poëtique,
281.

Succeffit vetus his Comedia, non fine multa
Laude: fed in vitium libertas excidit, & vim
Dignam lege regi. Lex eft accepta ; chorusque
Turpiter obticuit, fublato jure nocendi.

Ce que La Frefnaie-Vauquelin
paraphrafe dans fon Art Poëti-
que, Liv. III. ajoutant de fuite

Vers

tout ce qu'il veut dire fur la
Comédie. Le premier Vers fe
rapporte à ce qui précède.

Or aux Grecs vint ainsi la vieille Comedie,
Non fans grande louange outragenfe & hardie:
Quand en vice tomba cette grand' liberté,
Qui de tout blafonner prenoit autorité :
Et par Edict expres elle fut reformee,

Ce qui fut bien recen la vieille eftant blamee:
Et le Chore deflors s'en teut honteusement,
Et de piquer ne fut permis aucunement.

Ainfi dedans Paris j'ai ven par les Colleges,
Les facrileges eftre appelez facrileges

Es Jeux qui fe faifoient, en nommant franchement
Ceux qui de la grandeur ufoient indignement,
Et par fon nom encore appeler toute chofe:
Medire& brocarder de plus en plus on ofe.
Alors vous euffiez veu les paroles d'un faut,
Comme balles bondir, vollant de bas en haut:
Mais cette liberté depuis eftant retrainte
Mile gentils efprits fentant leur ame attainte

Aux accés infolens d'une bouffonne joye,

340 La fagesse, l'efprit, l'honneur furent en proye.
On vit, par le Public un Poëte avoüé
S'enrichir aux dépens du merite joüé,

REMARQUES.

De la Divinité d'Apolon, ont remis
Le foulier du Comicque aux limites permis :
Fuyant d' Aristophane en medisant la faute,
Et prenant la façon de Terence & de Plante,
Ils ont en leurs Moraux d'un air assez heureux,
De Menandre meflé mille mots amoureux :
Mais les Italiens excercez davantage,
En ce genre euffent eu le Laurier en partage,
Sans que nos vers plaifans nous representent mieux
Que leur profe ne fait cet argument joyeux :
Grevin nous le tefmoigne : & cette Reconnue
Qui des mains de Belleau n'agueres eft venue,
Et mile autres beaus vers, dont le brave farceur
Chasteau-vieux a monftré quelquefois la douceur.

J'ai rapporté dans la Remarque
fur le Vers 5. les quatorze Vers
qui fuivent ceux qu'on vient de
lire, & qui contiennent quelques

Règles communes à tout Poëm?
Dramatique. Cet Auteur les appli
que à la Comédie feule. Il conti-
nue enfuite de cette manière:

Des jeunes on y void les faits licencieux,
Les rufes des putains, l'avarice des vieux.
Elle eut commencement entre le populaire,
Duquel l'Athenien bailla le formulaire:
Car n'ayant point encor baftifa grand' Cité
En des bordes ce peuple efloit exercité :

Marcher comme champestre, & par les belles plaines,
Aupres des grands forefts, des prez & des fontaines,
Tantoft il s'arreftoit, tantoft en autre lieu:

Il faifoit cependant facrifice à fon Dieu

Apolon Nomien: en grandes affemblees,
Faifant tous à l'envi des cheres redoublees,

Buvants, mangeants ensemble, ensemble aussi chantant :
Ils apeloient cela Comos, qui vaut autant

Que commune affemblee, & de leurs mariages,
De leurs libres chanfons & de leurs feftiages,

Qu'ils faifoient en commun, ce fift en fin le nom
De Comedie, ayant jufqu'ici fon renom.

La Comedie eft donc une Contrefaifance

D'un fait qu'on tient mefchant par la commune ufance:
Mais non pas fi mefchant, qu'à fa mefchanfete
Un remede ne puiffe eftre bien aporté :

Et Socrate par luy, dans un Chœur de Nuées,

D'un vil amas de peuple attirer les huées. 345 Enfin de la licence on arrefta le cours.

Le Magiftrat, des loix emprunta le fecours,
Et rendant par édit les Poëtes plus fages,
Deffendit de marquer les noms & les visages.
Le Theatre perdit son antique fureur.
350 La Comedie apprit à rire fans aigreur,

Sans fiel & fans venin fccut inftruire & reprendre;
Et plût innocemment dans les vers de Ménandre.
Chacun peint avec art dans ce nouveau miroir,
S'y vit avec plaifir, ou crut ne s'y point voir.

REMARQUES.

Comme quand un garçon, une fille a ravie,
On peut en l'efponfant lui racheter la vie.
Telle dire on pourroit la mocquable laideur
D'un vifage qui fait rire fon regardeur:
Car eftre contrefait, avoir la bouche torte,
C'eft un defaut fans mal pour celui qui le porte.

On peut conclure de ces quatre
derniers Vers, qu'il regardoit
les Ridicules, comme propres à la
Comédie, & qu'il en excluoit les
vices odieux. C'eft ce que nous
penfons communément en Fran-
ce. Mais nous aurions tort de
faire de nôtre goût une Loi
pour les autres Nations.

VERS.343. Et Socrate par luy,
dans un Choeur de Nuées. ] Les
Nuées, Comédie d'Ariflophane,

DESP.

VERS 32. Et plût innocemment dans les vers de Ménandre. ] La Comédie a cu trois âges, ou trois êtats différens chés les Grecs. Dans l'ancienne Comédie on fe donnoit la liberté non feulement de répréfenter des avantures véritables & connues, mais

de nommer publiquement les gens. Socrate lui-même s'eft entendu nommer, & s'eft vû jouer fur le Théatre d'Athènes. Cette licence fut réprimée par l'autorité des Magiftrats; & les Comé diens n'ofant plus défigner les gens par leur nom, firent paroître des mafques reflemblans aux perfonnes, qu'ils jouoient, ou les défignèrent de quelque autre manière femblable. Ce fut la Comédie moïenne. Ce nou vel abus prefque auffi grand que le premier, fut encore défendu; on ne marqua plus les noms ni les vifages, & la Comédie fe ré duifit aux Règles de la bienféance. C'eft la Comédie nouvelle, dont Ménandre fut l'Auteur, du tems d'Alexandre le Grand.

L'Avare

355 L'Avare des premiers rit du tableau fidele
D'un Avare fouvent tracé sur son modele ;
Et mille fois un Fat finement exprimé,
Méconnut le portrait fur lui-même formé.

Que la Nature donc foit vostre étude unique, 360 Auteurs, qui pretendez aux honneurs du comique.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Scribendi rectè fapere eft & principium fons.
Rem tibi Socratica poterunt oftendere charta :
Verbaque provifam rem non invita fequentur.
Qui didicit patria quid debeat, & quid amicis ;
Quo fit amore parens, quo frater amandus, & hofpes 3
Quod fit confcripti, quod judicis officium, que
Partes in bellum miffi ducis ; ille profecto
Reddere perfona fcit convenientia cuique.
Refpicere exemplar vite morumque jubebo
Doctum imitatorem; & veras hinc ducere voces,
Interdum fpeciofa locis, morataque rectè
Fabula, nullius veneris, fine pondere, & arte
Valdius oblectat populum, meliufque moratur,
Quam verfus inopes rerum, nugaque canora.

C'est ce que La Frefnaie - Van-
quelin a pris foin de détailler un
peu plus dans la paraphrafe,

qu'il en a faite, Art Poëtique, Li-
vre troifiéme. M. Defpréaux en
a fu profiter.

Le fage & faint fçavoir eft la fontaine claire,
Et le commencement d'eferire & de bien faire:
Chofe que te pourront montrer les hauts efcris
De Socrate & Platon où tous biens font compris :
Et mieux nos livres faints, dont la fainte fcience
Allume un ray divin en noftre confcience:
Qui nous fait voir le vray, qui du faux eft caché z
Et le bien qui du mal eft fouvent empefché:
Tuis les chofes fuivront doctement preparees,
Les paroles apres non à force tirees:
Quand feront amassez ensemble tels aprets:
Aifement tout dessein tu conduiras apres.

Tome II,

Quiconque voit bien l'Homme, & d'un efprit profond,
De tant de cœurs cachez a penetré le fond :

Qui fçait bien ce que c'eft qu'un Prodigue, un Avare, Un Honnefte homme, un Fat, un Jaloux, un Bizarre, 365 Sur une fcene heureuse il peut les étaler,

Et les faire à nos yeux vivre, agir, & parler.

REMARQUES.

Après une Digreffion de plus de 60. Vers, il continue ainfi :
Celuy qui du devoir a la science aprise,

Ce qu'il doit au Pays, ou naissance il a prife,
Ce qu'il doit à fon Roy, ce qu'au Public il doit
Ce qu'il doit aux amis, qui bien juge & bien voit
Comme refpectueux il faut eftre à fon pere
De quelle affection il faut cherir fon frere,
Son hofte, fon voifin, comme encore cherir
L'eftranger qui nous peut quelquefois fecourir:
Et qui fait bien ou gift d'un vray juge l'office,
Et de celuy qui doit regler une Police:

Et ce que doit tenir un brave Chefvetain* Capitaine.
En la charge que haute il n'entreprend envain,
Soit pour aller vaillant en estrangere terre
Revancher une injure, on foit pour la conquerre:
Cetuy-la certes fçait, donner ce qui convient
A chacun, quelqu'il foit, felon le rang qu'il tient.
Le docte imitateur, qui voudra contrefaire
De cette vie an vray le parfait exemplaire,
Tousjours j'avertiray de regarder aux mœurs
A la façon de vivre & aux communs malheurs :
Et puis de là tirer une façon duifante,

Un parler, un marcher qui l'homme represente :
Bref que Nature il fache imiter tellement
Que la Nature au vray ne foit point autrement.
Quelquefois une farce au vray Patelinee
Ou par art on ne voit nulle rime ordonnee :
Quelquefois une fable, un conte fait fans art,
Tout plein de golferie & tout vuide de fart,
Four ce qu'au vray les mœurs y font reprefentees;
Les perfonnes rendra beaucoup plus contentees,
Et les amufera pluftoft cent mile fois
Que des vers fans plaifir rangex deffous les lois
N'ayant fauce ni fuc, ni rendant exprimee
La Nature en fes mœurs de chacun bien aimee
Nature eft le Patron fur qui fe doit former
Ce qu'on vent pour longtems en ce monde animer,

« AnteriorContinuar »