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ments que sa femme, embrasse à son tour son fils; et ces trois personnes, charmées de se voir réunies après une si longue absence, ne peuvent se rassasier du plaisir de s'en donner des marques.

« Après des transports si doux, le banquier débrida son cheval, et le mit dans une étable, où gîtait une vache, mère nourrice de la maison: ensuite il rendit compte à ses parents de son voyage et des biens qu'il avait apportés du Pérou. Le détail fut un peu long, et aurait pu ennuyer des auditeurs désintéressés; mais un fils qui s'épanche en racontant ses aventures ne saurait lasser l'attention d'un père et d'une mère: il n'y a pas pour eux de circonstance indifférente; ils l'écoutaient avec avidité, et les moindres choses qu'il disait faisaient sur eux une vive impression de douleur ou de joie.

« Dès qu'il eut achevé sa relation, il leur dit qu'il venait leur offrir une partie de ses biens, et il pria son père de ne plus travailler. «Non, mon fils, lui dit maître « Jacques; j'aime mon métier; je ne le « quitterai point. Quoi donc, répliqua « le banquier, n'est-il pas temps que vous << vous reposiez? Je ne vous propose point << devenir demeurer à Madrid avec moi : je << sais bien que le séjour de la ville n'aurait

« pas de charmes pour vous: je ne prétends « pas troubler votre vie tranquille; mais, « du moins, épargnez-vous un travail pé<< nible, et vivez ici commodément, puis« que vous le pouvez. »

«La mère appuya le sentiment du fils, et maître Jacques se rendit. « Hé bien, « Francillo, dit-il, pour te satisfaire, je ne « travaillerai plus pour tous les habitants « du village; je raccommoderai seulement «mes souliers et ceux de monsieur le curé, « notre bon ami. » Après cette convention, le banquier avala deux œufs frais qu'on lui fit cuire, puis se coucha près de son père, et s'endormit avec un plaisir que les enfants d'un excellent naturel sont seuls capables de s'imaginer.

« Le lendemain matin, Francillo leur laissa une bourse de trois cents pistoles, et revint à Madrid. Mais il a été bien étonné ce matin de voir tout à coup paraître chez lui maître Jacques. «Quel sujet vous amène « ici, mon père, lui a-t-il dit? Mon fils, « a répondu le vieillard, je te rapporte ta « bourse reprends ton argent; je veux << vivre de mon métier : je meurs d'ennui

depuis que je ne travaille plus.-Hé bien, « mon père, a répliqué Francillo, retour<< nez au village: continuez d'exercer votre « profession; mais que ce soit seulement

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<< pour vous désennuyer. Remportez votre << bourse et n'épargnez pas la mienne. — « -Eh! que veux-tu que je fasse de tant « d'argent, a repris maître Jacques? << Soulagez-en les pauvres, a réparti le « banquier faites-en l'usage que votre «< curé vous conseillera. » Le savetier, content de cette réponse, s'en est retourné à Médiana. >>

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Don Cléofas n'écouta pas sans plaisir l'histoire de Francillo, et il allait donner toutes les louanges dues au bon cœur de ce banquier, si, dans ce moment même, des cris perçants n'eussent attiré son attention. « Seigneur Asmodée, s'écria-t-il, quel bruit éclatant se fait entendre? Ces cris qui frappent les airs, répondit le diable, partent d'une maison où il y a des fous enfermés ils s'égosillent à force de crier et de chanter. Nous ne sommes pas bien éloignés de cette maison : allons voir ces fous tout à l'heure, répliqua Léandro. — J'y consens, répartit le démon : je vais vous donner ce divertissement, et vous apprendre pourquoi ils ont perdu la raison. » Il n'eût pas achevé ces paroles, qu'il emporta l'écolier sur la casa de los locos.

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CHAPITRE IX

Des fous enfermés.

ZAMBULL AMBULLO parcourut d'un œil curieux toutes les loges; et après qu'il eût observé les folles et les fous qu'elles renfermaient, le diable lui dit : « Vous en voyez de toutes les façons; en voilà de l'un et de l'autre sexe; en voilà de tristes et de gais, de jeunes et de vieux. Il faut à présent que je vous dise pourquoi la tête leur a tourné : allons de loge en loge, et commençons par les hommes.

« Le premier qui se présente, et qui paraît furieux, est un nouvelliste castillan, né dans le sein de Madrid, un bourgeois fier et plus sensible à l'honneur de sa patrie qu'un ancien citoyen de Rome. Il est devenu fou de chagrin d'avoir lu dans la Gazette que vingt-cinq Espagnols s'étaient laissé battre par un parti de cinquante Portugais.

« Il a pour voisin un licencié, qui avait tant d'envie d'attraper un bénéfice, qu'il a fait l'hypocrite à la cour pendant dix ans; et le désespoir de se voir toujours oublié dans les promotions lui a brouillé la cervelle mais ce qu'il y a d'avantageux pour

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IR DIABLE BOITEUX.

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lui, c'est qu'il se croit archevêque de Tolède. S'il ne l'est pas effectivement, il a du moins le plaisir de s'imaginer qu'il l'est; et je le trouve d'autant plus heureux, que je regarde sa folie comme un beau songe, qui ne finira qu'avec sa vie, et qu'il n'aura point de compte à rendre en l'autre monde de l'usage de ses revenus.

« Le fou qui suit est un pupille; son tuteur l'a fait passer pour insensé, dans le dessein de s'emparer pour toujours de son bien; le pauvre garçon a véritablement perdu l'esprit de rage d'être enfermé. Après le mineur est un maître d'école, qui en est venu là pour s'être obstiné à vouloir trouver le paulo-post-futurum d'un verbe grec; et le quatrième, un marchand dont la raison n'a pu soutenir la nouvelle d'un naufrage, après avoir eu la force de résister à deux banqueroutes qu'il a faites.

« Le personnage qui gît dans la loge suivante est le vieux capitaine Zanubio, cavalier napolitain, qui s'est venu établir à Madrid. La jalousie l'a mis dans l'état où vous le voyez. Apprenez son histoire.

« Il avait une jeune femme, nommée Aurore, qu'il gardait à vue sa maison, était inaccessible aux hommes. Aurore ne sortait jamais que pour aller à la messe, et encore était-elle toujours accompagnée de

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