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E

SCENE II. ́.

ALVARE'S, MONTEZE.

ALVARE's.

H bien votre Sageffe, & votre autorité
Ont d'Alzire en effet fléchi la volonté.

MONTEZ E.

Pere des malheureux, pardonne fi ma fille,
Dont Gufman détruifit l'Empire & la famille,
Semble éprouver encor un refte de terreur,

Et d'un pas chancelant marche vers fon vainqueur,
Les noeuds qui vont unir l'Europe & ma patrie
Ont revolté ma fille en ces climats nourrie;
Mais tous les préjugés s'effacent à ta voix.
Tes mœurs nous ont apris à révérer tes loix.
C'est par toi que le Ciel à nous s'eft fait connaître.
Notre efprit éclairé te doit fon nouvel être.
Sous le fer Caftillan ce monde eft abattu ;
Il cede à la puiffance, & nous à la vertu.
De tes Concitoyens la rage impitoyable

Auroit rendu, comme eux, leur Dieu même haïffable,
Je déteftai ce Dieu qu'annonça leur fureur,

Je l'aimai dans toi feul; il s'eft peint dans ton cœur: Voilà ce qui te donne, & Monteze & ma fille. Inftruits par tes vertus nous fommes ta famille.

Sers luy long-tems de pere, ainfi qu'à nos Etats.
Je la donne à ton fils, je la mets dans ses bras:
Le Perou, le Potofe, Alzire eft fa conquête.
Vâ dans ton Temple augufte en ordonner la fête,
Vâ; je croi voir des Cieux les peuples éternels
Descendre de leur fphere, & fe joindre aux mortels.
Je répons de ma fille; elle va reconnaître

Dans le fier Don Gufman, fon Epoux & fon Maître.
ALVARE' Z.

Ah? puis qu'enfin mes mains ont pû former ces nœuds,
Cher Monteze! au tombeau, je defcends trop heureux.
Toi qui nous découvris ces immenfes contrées,
Rend du monde aujourd'hui les bornes éclairées,
Dieu des Chrétiens! préfide à ces vœux folemnels,
Les premiers qu'en ces lieux on forme à tes autels!
Defcend, attire à toi l'Amérique étonnée.
Adieu, je vais preffer cet heureux himenée:
Adieu, je te devrai le bonheur de mon fils.

D

SCENE III.

MONTEZE feul.

Ieu, deftructeur des Dieux que j'avois trop fervis!
Protege de mes ans la fin dure & funefte.

Tout me fut enlevé, ma fille ici me refte:
Daigne veiller fur elle, & conduire fon coeur,

M

SCENE IV.

MONTEZE, ALZIR E.

MONTEZ E.

A fille, il en eft tems, confens à ton bonheur ; Ou plutôt, fi ta foy, fi ton cœur me seconde, Par ta felicité fais le bonheur du monde.

Protege les Vaincus, commande à nos Vainqueurs,
Eteins entre leurs mains leurs foudres deftructeurs.
Remonte au rang des Rois du fein de la mifere.
Tu dois à ton Etat plier ton caractere.

Prens un cœur tout nouveau, viens, obéis, fuis-moi.
Et renais Espagnole en renonçant à toi.
Seche tes pleurs, Alzire, ils outragent ton pere.

ALZIRE,

Tout mon fang eft à vous, mais fi je vous fuis chere Voyés mon défespoir, & lifés dans mon cœur.

MONTEZE.

Non, je ne veux plus voir ta honteuse douleur.
J'ai reçu ta parole, il faut qu'on l'accompliffe.

ALZIRE.

Vous m'avés arraché cet affreux facrifice

Mais quels tems, juftes Cieux! pour engager ma foi. Voici ce jour.horrible où tout périt pour moi,

Où de ce fier Gusman le fer osa détruire

Des Enfans du Soleil le rédoutable Empire.
Que ce jour est marqué par des fignes affreux!
MONTEZ E.

Nous feuls rendons les jours heureux ou malheureux,
Quitte un vain préjugé, l'ouvrage de nos Prêtres,
Qu'à nos peuples groffiers ont tranfmis nos ancêtres,
ALZIRE.

Au même jour, helas! le vengeur de l'Etat,
Zamore mon espoir, pérît dans le combat,
Zamore mon Amant, choifi pour votre gendre.

MONTEZ E

J'ai donné, comme toi, des larmes à fa cendre,
Les morts dans le tombeau n'éxigent point ta foi,
Porte, porte aux Autels un coeur maître de foi:
D'un amour infenfé pour des cendres éteintes
• Commande à ta vertu d'écarter les atteintes.
Tu dois ton ame entiere à la loi des Chrétiens,
Dieu t'ordonne par moi de former ces liens,
Il t'apelle aux Autels, il regle ta conduite;
Entend fa voix.

ALZIRE.

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Mon pere! où m'avés-vous réduite?

Je fçais ce qu'eft un pere, & quel eft fon pouvoir..

M'immoler, quand il parle, eft mon prêmier devoir; Et mon obéïffance a paffe les limites

Qu'à ce devoir facré la nature a prefcrites.

Mes yeux n'ont jufqu'ici rien vu que par vos yeux.
Mon cœur changé par vous abandonna fes Dieux.
Je ne regrette point leurs grandeurs terraffées :
Devant ce Dieu nouveau comme nous abaiffées:
Mais vous, qui m'assuriés, dans mes troubles cruels,
Que la paix habitoit au pied de fes Autels,

Que fa loi, fa morale & confolante & pure,
De mes fens défolés guériroit la bleffure,

Vous trompiés ma foibleffe! un trait toujours vain

queur

Dans le fein de ce Dieu vient déchirer mon cœur.
Il y porte une image à jamais renaiffante.

Zamore vit encore au cœur de fon Amante.
Condamnés s'il le faut, ces juftes fentimens.
Ce feu victoreux de la mort & du temps,
Cet amour immortel ordonné par vous-même,
Uniffés votre fille au fier Tiran qui m'aime,
Mon Païs le demande; il le faut, J'obéïs:
Mais tremblés, en formant ces noeuds mal affortis,
Tremblés, vous qui d'un Dieu, m'annoncés la ven-
geance,

Vous qui me commandés d'aller en fa présence
Promettre, à cet Epoux qu'on me donne aujourd'hui,
Un coeur qui brûle encor pour un autre que lui.

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