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Comment lui pardonner? le barbare eft aimé.

ALVARE'S.

Il en eft plus à plaindre..

GUSMAN.

A plaindre? lui mon pere,

Ah! qu'on me plaigne ainfi; la mort me fera chere.

ALVARE'S.

Quoi vous joignés encor à cet ardent couroux,
La fureur des foupçons, ce tourment des jaloux?

GUSMAN.

Et vous condamneriés jufqu'à ma jalousie?
Quoi ce jufte tranfport dont mon ame est saisie,
Ce trifte fentiment plein de honte & d'horreur,
Si légitime en moi, trouve en vous un cenfeur!
Vous voyés fans pitié ma douleur éffrenée.

ALVARE'S,

Mêlés moins d'amertume à votre destinée;
Alzire a des vertus, & loin de les aigrir,
Par des dehors plus doux vous devés l'attendrir,
Son coeur de ces climats conferve la rudeffe,
Il réfifte à la force, it céde à la foupleffe,
Et la douceur peut tout fur notre volonté.

GUSMAN,

Moi que je flatte encor l'orgueil de fa beauté?
Que fous un front ferain déguifant mon outrage,
A de nouveaux mépris ma bonte l'encourage?
Ne devriés-vous pas, de mon honneur jaloux,
Au lieu de le blâmer, partager mon couroux?
J'ai déja trop rougi d'époufer une efclave, y
Qui m'ofe dédaigner, qui me hait, qui me brave,
Dont un autre à mes yeux poffede encor le cœur,
Et que j'aime, en un mot, pour comble de malheur.

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Ne vous repentés point d'un amour légitime; Mais fçachés le régler, tout excès méne au crime. Promettés-moi du moins de ne décider rien, Avant de m'accorder un fecond entretien.

GUSMAN.

Eh que pourroit un fils refufer à fon pere?

Je veux bien pour un tems fufpendre ma colere, vi N'en éxigés pas plus de mon coeur outrage.

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GUSMAN feul, o'larda musI
Quoi n'être point vengé !!

Aimer, me repentir, être réduit encore
A l'horreur d'envier le deftin de Zamore,

D'un de ces vils mortels en Europe ignorés,

Qu'à peine du nom d'homme on auroit honorés....
Que vois-je! Alzire! ô Ciel....

SCENE

II.

GUSMAN, ALZIRE, EMIRE,

ALZIRE.

C'Eft moi, c'eft ton Epouse,

C'est ce fatal objet de ta fureur jalouse,

Qui n'a pû te chérir, qui t'a dû reverer,

Qui te plaint, qui t'outrage, & qui vient t'implorer.
Je n'ai rien déguifé. Soit grandeur, foit foibleffe
Ma bouche a fait l'aveu qu'un autre a ma tendreffe:
Et ma fincerité, trop funefte vertu,

Si mon amant périt, eft ce qui l'a perdu.
Je vais plus t'éronner; ton époufe à l'audace,
De s'adreffer à toi pour demander fa grace.
J'ai crû que Dom Gufman, tout fier, tout rigoureux,
Tout terrible qu'il eft, doit être généreux.
J'ai pensé qu'un Guerrier, jaloux de fa puiffance,
Peut mettre l'orgueil même à pardonner l'offenfe,
Une telle vertu féduiroit plus nos cœurs,

Que tout l'or de ces lieux n'éblouit nos vainqueurs.
Par ce grand changement dans ton ame inhumaine,
Par un effort fi beau, tu vas changer la mienne,

Tu t'aflures ma foi, mon refpect, mon amour,
Tous mes vœux (s'il en eft qui tiennent lieu d'a-
mour,)

Pardonne.... je m'égare....éprouve mon courage.
Peut être une Espagnole, eût promis davantage.
Elle eût pû prodiguer les charmes de fes pleurs ;
Je n'ai point leurs attraits, & je n'ai point leurs mœurs.
Ce cœur fimple & formé des mains de la nature,
En voulant t'adoucir redouble ton injure;
Mais enfin c'eft à toi d'éffayer deformais,
Sur ce cœur indompté la force des bienfaits."

GUSMAN.

Eh bien! fi les vertus peuvent tant fur votre ame,
Pour en fuivre les loix, connaiffés les, Madame.
Etudiés nos mœurs, avant de les blâmer.

Ces mœurs font vos devoirs, il faut s'y conformer.
Scachés que le prémier, eft d'étouffer l'idée,
Dont votre ame à mes yeux eft encor poffedée.
De vous refpecter plus, & de n'ofer jamais
Me prononcer le nom d'un rival que je hais,
D'en rougir la premiere, & d'attendre en filence,

Ce

que doit d'un barbare ordonner ma vengeance. Scachés que votre Epoux qu'ont outragé vos feux, S'il peut vous pardonner, eft affés généreux. Plus que vous ne penfés, je porte un cœur fenfible, Et ce n'eft pas à vous à me croire infléxible.

V

SCENE III.

ALZIRE, EMIRE.

EMIRE.

Ous voyés qu'il vous aime, on pouroit l'attendrir.

ALZIRE.

S'il m'aime, il eft jaloux: Zamore va périr :
J'affaffinois Zamore en demandant fa vie.
Ah! Je l'avois prévû. M'auras-tu mieux fervie?
Pouras-tu le fauver? Vivra-t'il loin de moi?
Du Soldat qui le garde as-tu tenté la foi?

EMIRE.

L'or qui les féduit tous, vient d'éblouir sa vuë.
Sa foi n'en doutés point, fa main vous est venduë.

ALZIRE.

Ainfi graces aux Cieux, ces métaux déteftés,
Ne fervent pas toujours à nos calamités.

Ah! ne perds point de tems: tu balances encore.

EMIRE.

Mais auroit-on juré la perte de Zamore?

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