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HISTOIRE

GÉNÉRALE

DES HUN S

LIVRE NEUVIÉ ME.

I.

LES TURCS THOULOUNIDES.

EPUIS que les Turcs étoient parvenus à l'Empire de la Tartarie entiére, & que d'un autre côté les Arabes avoient fait de grandes conquêtes dans le Maourennahar & fur les frontiéres du Turkeftan, ces deux Nations puiffantes ne tarderent pas à devenir ennemies. Elles fe firent long-tems la guerre & prirent l'une fur l'autre un grand nombre de prifonniers. Ceux qui tomberent entre les mains des Arabes furent difperfés dans l'Empire des Khalifs, où ils devinrent les efclaves des principaux Emirs. Plufieurs furent employés dans le ferail des Khalifs. Comme les hommes les plus barbares font fufceptibles d'édu

cation, les Turcs, inftruits dans le Mahometifme & élévés au milieu des Princes & des Grands de l'Empiredes Ara- Après J. C. bes, s'addonnerent aux fciences & à la politique; ils devinrent capables d'occuper les plus grandes charges auprès des Khalifs, & on fit la faute de les retirer de l'efclavage pour les employer dans le gouvernement, à proportion des talens que l'on reconnoiffoit en eux. L'édu cation qu'on leur avoit donnée, en les dépouillant de leur barbarie, n'avoit point changé le fond de leur caractère vif & entreprenant, elle les rendit au contraire plus habiles à exécuter les projets qu'ils pouvoient former, ils devinrent par-là plus dangereux dans l'Empire des Arabes. Ces Turcs toujours portés à l'indépendance, ne fe virent pas plutôt revêtus de grands gouvernemens, qu'ils chercherent à s'en rendre les maîtres. Elévés dans le ferail du Khalif ils en connoiffoient toutes les intrigues, & ils étoient à la tête de toutes les entreprises hardies: ils furent bientôt en état de faire trembler le Khalif qui ne pouvoit leur cacher fa foibleffe. Une partie d'entre eux s'empara du gouvernement de l'Empire, & les Arabes devinrent en quelque façon les fujets des Turcs; d'autres s'attribuerent la Sou veraineté & fe rendirent indépendans dans les Provinces. Tel fut le fort de ces efclaves dans l'Empire que les Arabes avoient fondé en Afie fous la conduite de Mahomet & de fes fucceffeurs.

Les Arabes, Nation célébre par fon antiquité, & qui avoit été renfermée long-tems dans les bornes d'une prefqu'ifle, où elle avoit été indomptable & gouvernée par fes propres Rois, étoit enfin fortie de cet état tranquile dans lequel elle étoit depuis un grand nombre de fiècles. Elle fe rendit formidable à tous les voifins & fit des conquêtes rapides qui étonnerent tous les peuples. En peu de tems on vit cette nation fubjuguer les pays qui font depuis l'inde jufqu'en Afrique & en Efpagne. Sans la bravoure d'un de nos Rois, la France & peut-être avec elle plufieurs autres pays du nord alloient être expofés à porter les chaînes de ces Mahometans; mais une domination fi étendue deyint funefte aux Arabes. Les vainqueurs for

tis du fond de l'Arabie, porterent le fiége de leur Empire Après J. C. dans des Provinces voilines où ils furent prefque tous affervis fous une domination qui leur devint étrangere: la liberté ne regna plus dans l'Arabie que parmi ceux de fes habitans, qui accoûtumés à mener une vie champêtre,fuioient la demeure des villes & paffoient leurs jours fous des tentes, au milieu de leurs troupeaux.

Mahomet fut l'auteur de cette grande revolution. Il n'est point un de ces Conquérans qui dès le berceau font connoître leur penchant pour la guerre & pour la deftruction du genre humain; éclairer les Arabes, les retirer de l'idolatrie dans laquelle ils étoient plongés, leur enfeigner l'unité d'un Dieu & à l'ombre de quelques vérités qui frapperent fes premiers difciples, achever de les féduire par tout ce qui peut flatter les paffions d'un peuple naturellement porté à la débauche; tels furent les moyens que l'impofteur mit en ufage pour faire éclore tous les grands deffeins qu'il avoit projettés. Aboulcafem Mohammed, ou pour nous conformer à l'ufage, Mahomet, étoit fils d'Abdallah de l'illuftre tribut des Coraïfchites. Il ne fut point un avanturier; fes parens étoient confidérés & tenoien les premiers rangs dans cette tribut. Il naquit à la Mec que; fon plus grand malheur & ce qui le jetta dans l pauvreté, fut d'avoir perdu fon pere avant que de naître, & fa mere à l'âge de fix ans. Il fe vit par-là dans la dure né ceffité de paffer fous la tutelle de fes parens. Son grand pere Abdolmothleb eut foin de lui, Mahomet le vit mourir peu d'années après & fut conduit dans la maifon de fon oncle Abouthaleb qui acheva fon éducation ou plutôt qui continua à le nourrir; car jamais Mahomet ne fçut lire ni écrire.

Une veuve nommée Khadidgia, qui faifoit un grand commerce dans la Syrie, jetta les yeux fur Mahomet, d'abord pour avoir foin de conduire fes marchandifes dans les Provinces voisines, & peu après pour en faire fon époux. Mahomet, moins occupé de fa fortune qui étoit devenue très - confidérable, roula dans fa tête de grands desseins, celui de changer l'ancienne religion de fon pays &

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d'en chaffer celles qui s'y étoient introduites telles
que le Chriftianifme & le Judaifme: il fe forma un plan
de doctrine qui confiftoit à croire & à n'adorer qu'un
feul Dieu, & à rejetter le culte des idoles. Il voulut que
ses Profelytes fe fiffent circoncire, il leur ordonna d'ob-
ferver exactement le jeune du mois de Ramadhan, de
prier cinq fois par jour, de fe purifier par des ablutions
fréquentes & de vifiter le Temple de la Mecque. Cette
nouvelle Religion étoit un affemblage groffier, en partie
de ce que Mahomet avoit pû fçavoir dans quelques con-
verfations qu'il eut avec des Chrétiens & des Juifs, & en
partie de ce qu'il avoit confervé de l'ancien culte des
Arabes. Telle eft par exemple le pélérinage du Temple
de la Mecque. Ce Temple célébre chez les anciens Ara-
bes a été bâti felon leurs traditions, par Abraham & a été
de tout tems revéré par la Nation qui lui portoit alors un
très-grand refpect. C'eft
pour cette raifon que Mahomet
refolut fans doute d'en conferver le culte.

Il n'annonça d'abord fa nouvelle Doctrine que dans le fein de fa famille & au milieu de quelques amis ; les uns le crurent, & il devint la rifée des autres. Sa femme fut la premiére qui embraffa le Mahometifme, un efclave la fuivit les Hiftoriens ont confervé les noms de tous ces perfonnages, & en parlent avec refpect. A l'âge de quarante ans il prêcha publiquement, mais il trouva dans les Coraifchites de puiffans adverfaires. On arma contre lui & il fut obligé de quitter la Mecque pour fe retirer à Medine. Cette fuite que l'on nomme en langue Arabe Hedgi rah devint une époque célébre dont les Mahometans fe fervirent pour compter les années. Mahomet ne fe borna plus à prêcher, prit les armes & attaqua fes ennemis par tout où il put les joindre. Il enleva tous les convois qu'il rencontra, livra plufieurs batailles aux habitans de la Mecque; mais il éprouva quelquefois que fon titre de prophéte & d'envoyé de Dieu ne lui donnoit pas toujours la fupériorité dans les combats. Il fut affez heureux cependant pour se rendre maître de la Mecque, & cette victoire lui valut un grand nombre de difciples: enfin

Après J. C

Après J. C.

Mahomet après avoir mené une vie affez traversée, mou-
rut à Medine âgé de 63 ou 65 ans. On le dépeint comme
un homme doux, affable, fincérement attaché à fes amis,
aimant à fecourir les pauvres, & ne rebutant perfonne.
Il aima extraordinairement les femmes ; mais ce défaut
lui étoit commun avec tous les Arabes. Tout ce que l'on
peut dire en peu
de mots, c'eft que fous un extérieur de
fimplicité, de douceur & d'ignorance, Mahomet cachoit
les deffeins les plus grands & les plus ambitieux, & qu'il
fut affez habile pour faire naître des circonftances propres
à le conduire à fon but.

Après la mort de Mahomet fon Empire encore foible & renfermé dans quelques cantons de l'Arabie ne paroiffoit pas devoir fubfifter long-tems; mais Aboubekr qui lui fuccéda, empêcha que la division ne se mît dans le parti, continua les projets du prophéte, deffit les rebelles & furtout un perfonnage qui fe difoit prophéte, & qui traînoit à fa fuite un grand nombre d'Arabes. Bien - tôt il fut en état d'envoyer des troupes dans la Syrie & dans la Paleftine. Les Mufulmans en vinrent aux mains avec les Romains. Sous Omar fucceffeur d'Aboubekr, ils pénétrerent dans la Perfe: l'Empire des Saffanides qui y fubfiftoit depuis fi long-tems reçut un échec qui hâta fa ruine. En Syrie, Damas, Hemeffe, Jerufalem & plufieurs autres places furent prifes par les Mufulmans; de-là ils entrerent en Egypte. Jazdejerd dernier Roi de la famille des Saffanides fut vaincu & toute la Perfe tomba fous la domination des Arabes. Omar mourut laiffant fa Nation maîtreffe de la Perfe, d'une partie du Khorafan, de l'Egypte & de la Syrie. Othman pouffa fes conquêtes jusqu'en Afrique, dans les Ifles de la mer méditerranée, dans le Maquarennahar & fur les frontieres du Turkeftan. Le regne d'Aly fe paffa en troubles & en divifions, à la fayeur defquelles la famille des Ommiades s'empara du Khalifat qui devint héréditaire dans cette famille. Moavia en fut le fondateur. Les conquêtes avoient été fi rapides & fi fubites dans les commencemens de l'Empire des Mufulmans que ces Arabes n'auroient pu en faire de nou

yelles

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