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mées innombrables dans le Maouarennahar il paffa le
Gihon, alla à Bokhara, s'emparant de tout ce qui fe ren
controit fur la route. Il prit Samarcande où regnoit Ah-
med-khan, qui fut fait prifonnier & rétabli dans les Etats.
De-là il paffa à Ouzkend, & ordonna au Roy de Kaschgar
de faire la priere publique, & de battre monnoye en fon
nom: ce Roi de Kaschgar obéit, & fe rendit à Ouzkend
auprès du Malek-fchah. Les Princes de Tharaz, de Ba-
lasgoun & d'Efphidgiab furent contraints de lui payer tri-
but. Dans le cours de cette guerre, le grand Vizir Ned-
ham-el-moulk avoit affigné le payement des batteliers qui
étoient chargés de tranfporter les troupes de l'autre côté
du Gihon, fur les revenus de la ville d'Antioche. Ces bat-
teliers ou plûtôt les ennemis fecrets du Vizir fe plaigni-
rent au Sulthan de cette conduite. Antioche, fituée à l'au-
tre extrémité de l'Empire leur paroiffoit trop éloignée pour
qu'on tirât fur elle les fommes deftinées à des payemens
de cette efpéce. Le Sulthan écouta ces plaintes & les ap-
prouva. Il en parla au Vizir, qui lui répondit: ce n'eft
pas, Seigneur, pour retarder le payement des batteliers
que je l'ai affigné fur Antioche, mais afin
la pofté-

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que

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Après J. C.

Malek

schah.

Benelathir.

rité admire la grandeur & l'étendue de vos Etats ». Cette réponse flatteufe fit beaucoup de plaifir au Sulthan, les plaintes cefferent, & les bateliers furent payés dans le tems convenu. Ces fortes de traits, que les Hiftoriens ont confervés, donnent une haute idée de l'habileté de ce grand Vizir. Malek-fchah revint après cette expédition dans le Khorafan & enfuite à Bagdad, où tous les Princes & les Emirs vinrent (a) le faluer, entr'autres Toutoufch fon frere, L'an 1091. Aboulfedha qui demeuroit à Damas & Acfancar à Alep. Il fit bâtir une enfchonfuperbe Mosquée dans cette ville.

nah.

Pendant que l'Empire jouiffoit d'une paix tranquille, Aboulfedha les intrigues qui regnoient à la Cour y exciterent de nou- nah Benjchoùveaux troubles. La Sulthane Tarkhan-khatoun femme de boulfaMalek-fchah, travailloit secretement à faire déclarer fuc- radge. ceffeur & héritier de la Couronne, Mahmoud fon fils. Ned- Aboulma

(a) L'an 484 de l'Hegire,

D'Herbelat.

bajen.

Après J. C.

Malekfchah.

ham-el-moulk défendoit auprès du Sulthan les droits de l'ainé, nommé Barkiaroc. Cette oppofition aux deffeins de la Sulthane, attira fur le grand Vizir la haine de cette L'an 1091. Princeffe. Elle crut que fon fils ne parviendroit jamais au thrône pendant tout le tems que Nedham-el-moulk conferveroit du crédit auprès du Sulthan, & elle chercha les moyens de perdre ce Vizir. Elle fit naître quelques foupçons dans lefprit du Prince fur la conduite de fon Miniftre & lui repréfenta que le Vizir, qui avoit de mauvais deffeins, ne donnoit les charges qu'à fes créatures, & que les plus grandes & les plus confidérables étoient occupées par douze de fes enfants. Le Sulthan ébranlé par ce difcours , envoya au grand Vizir un Officier pour lui reprocher de ce qu'il diftribuoit ainfi les charges fans fa participation, le menacer de lui ôter le bonnet & l'écritoire, qui étoient les marques de la dignité de grand Vizir, & lui demander s'il étoit affocié à l'Empire. Nedham - elmoulk répondit qu'il étoit fujet du Sulthan mais , que ce Prince devoit fe reffouvenir qu'il lui étoit redevable de fon Empire, que c'étoit lui qui, c'étoit lui qui, après la mort de fon pere, avoit pris le timon des affaires, avoit foumis les rebelles & rétabli partout la paix. Pendant tout ce tems-là ajouta-t-il, » Malek-fchah m'a honoré de fon amitié à préfent que tout eft calme dans l'Empire, il commence à » écouter les calomnies. Mais il ne doit pas ignorer que » mon bonnet & mon écritoire font tellement liés à fa Cou» ronne & à.fon Thrône par le décret éternel de la Providence , que ces quatre chofes ne peuvent fubfifter l'une fans l'autre. Cette réponse hardie, alterée, & malignement interprétée par celui qui la rendit au Sulthan irrita fi fort ce Prince, qu'il dépofa fur le champ fon grand Vizir, donna fa charge à Tadge-el-moulk-kami, chef des confeils de la Sulthane, & l'ennemi de Nedham-el-moulk; il le chargea en même tems d'informer des malverfations dont le grand Vizir étoit accufé.

L'an 1092.

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La Cour quitta alors Ifpahan pour aller à Bagdad. Nedham-el-moulk la fuivoit, & étoit arrivé à Nehavend lorfqu'un Bathenien pofté par le nouveau Grand Vizir, lui

'donna un coup de couteau. Ce grand homme (a) blessé à mort eut encore affez de tems pour écrire au Sulthan les Après J. C. paroles fuivantes: Grand Monarque, j'ai paffé à l'ombre fehah.

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Malek

de votre autorité, une partie de ma vie à bannir de vos L'an 1092. Etats l'injuftice. J'emporte avec moi & je vais présenter » au Souverain Maître de l'univers les comptes de mon administration, les témoignages de ma fidélité & les titres de la réputation que j'ai acquife en vous fervant : ils font fignés ces titres de votre royale main. Le terme fatal de ma vie fe rencontre dans la quatre-vingt-treiziéme » année de mon âge, & c'eft un coup de couteau qui en » tranche le fil. Il ne me refte plus qu'à remettre entre les » mains de mon fils la continuation des longs fervices que je vous ai rendus, en le recommandant à Dieu & à Votre Majefté.

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Tel fut le fort d'un Miniftre à qui Malek-schah devoit Benelathir. la plus grande partie de fa gloire. Nedham-el-moulk étoit en même-tems un des plus fçavans hommes de fon fiécle, & l'azyle de tous les fçavans: il fit fleurir les fciences dans tout l'Empire des Mufulmans, & c'eft cette protection qu'il accorda aux Lettres, qui rendit fon nom célébre dans tout l'Orient, & qui contribua plus que toute autre chose à le conferver à la poftérité. Celui qui l'affaffina étoit un Bathenien, c'est ainfi que les Orientaux appellent ceux que nos Hiftoriens des Croifades nomment Alafins, dont le chef en Syrie portoit le titre de Vieux de la Montagne. Cette fecte de fcélérats, dont lesprincipes étoient éga- Aboulfedha lement éloignés du Musulmanisme comme du Chriftianif- Elmacin. me, avoit pris naiffance deux ou trois ans auparavant dans radge. Aboulfale nord de la Perfe. On appelloit ceux qui en faifoient Jacques de profeffion Batheniens ou Ifmaëliens; mais ils étoient des Vitry. reftes de ces anciens Carmathes (6). Le chef de ces affaf- de Iud. Benjamin fins nommé Haffan - fabah, fort inftruit dans les fcien- Tabrefelces, dans la géométrie, l'arythmétique & infatué de la mansouri. magie, avoit demeuré pendant quelque tems auprès de

() L'an 485. de l'Hegire.

(b) Voyez le livre IX pag. 142

Après J. C.

Malekfchah

Moftanfer-billah Khalif d'Egypte, il avoit enfuite parcouru le Khorafan, & avoit pénétré jusqu'à Kaschgar. Il forma de toutes les religions qu'il connut, une religion L'an 1092. particuliere, qui dans ce qu'elle contenoit de Mahométifme, avoit rapport à la fecte dont étoient les Phatimites ou Khalis d'Egypte. On eft peu inftruit de leurs principes: ce que nous fçavons de plus certain, c'eft qu'ils juroient une obéissance aveugle à leur chef: on prétend qu'il faifoit enivrer ceux dont il vouloit fe fervir, & qu'on les tranfportoit enfuite dans des jardins délicieux où ils pouvoient jouir de toutes fortes de plaifirs. Une feconde ivreffe les en tiroit, & on leur faifoit entendre qu'après leur mort ils feroient couduits dans ces mêmes lieux de délices & de volupté. C'est dans cette efpérance d'un avenir fi délicieux qu'ils expofoient leur vie & ne craignoient point de la perdre; leur chef les envoyoit dans les Cours étrangeres pour y affaffiner les Rois & ceux dont il étoit mécontent. Les autres Princes s'en fervoient auffi pour le même usage, moyennant une fomme d'argent. Hassan-fabah demeuroit dans le château de Roudbar en Perfe. Sa puiffance qui prenoit tous les jours de nouveaux accroissemens avoit enfin attiré l'attention du Sulthan Malekschah. Ce Prince y envoya un de fes Officiers pour ordonner au chef des Batheniens de fe foumettre. Haffansabah fit venir en fa préfence un de fes gens, & lui commanda de fe tuer, il fut auffi-tôt obéi; il ordonna à un autre de fe précipiter du haut des tours, fes ordres furent exécutés fur le champ. Alors il dit à l'Envoyé de Malek-fchah, qu'il avoit foixante-dix mille hommes auffi foumis que ceux qu'il venoit de voir, & qu'il n'avoit qu'à porter cette réponse au Sulthan. Malek - fchah ne voulut point attaquer 'des gens fi déterminés. Ils devinrent puiffans dans leurs montagnes, s'emparerent d'un grand nom bre de châteaux, & particulierement de celui d'Alamout proche Cafwin, bâti par les Rois du Dilem; de là ils fe répandirent dans les pays voifins, pénétrerent jufqu'en Syrie dans les montagnes du Liban, où ils avoient des Commandans foumis au chef qui étoit en Perfe. Ce fut un

de ces Batheniens qui prêta fon bras à Tadge-el-moulk-kami pour affaffiner le Grand Vizir Nedham-el-moulk.

me

Après J. C.
Malek-

L'an 1029.

Benelathir.

Aboulfedha

Le Sulthan ne furvécut pas long-tems à ce fage Minif- fchah. tre. Ce Prince arriva à Bagdad (a) dans le deffein d'envoyer Soyouthi. le Khalif dans quelque autre ville : il le propofa à Moctadi, qui demanda un délai de dix jours, pendant lefquels Malekfchah alla dans les environs. Mais une indigeftion violente l'obligea de revenir dans cette ville (6), la-fiévre le prit & l'emporta quelques jours après, âgé de trente - huit ans & fix mois, & après un regne de vingt ans (c). Il fut un des plus grands Princes de l'Afie. Il aima la fincérité, la justice & la piété. Il fit regner l'abondance dans fes Etats, Benfchourendit les chemins libres & sûrs, punit févérement le cri- nah. écouta toujours indiftinctement les plaintes de tous fes fujets. It fit conftruire un grand nombre de ponts, de canaux & de grands chemins pour la facilité des voyageurs. Il bâtit des hofpices & des magazins. Il aimoit paffionnement la chaffe, mais tout ce qu'il prenoit il le faifoit estimer & en diftribuoit le prix aux pauvres. On rapporte de lui qu'étant allé vifiter le tombeau d'un faint perfonnage à Thous dans le tems que fon frere Toutousch lui difputoit la Couronne, il voulut fçavoir la priere que fon Grand Vizir Nedham-el-moulk venoit de faire ; j'ai demandé, lui dit le Vizir, que Dieu vous accorde la victoire fur votre frere ; & moi, dit le Sulthan, fi mon frere eft plus digne que moi de regner fur les Mufulmans, que je fois vaincu. L'Empire de Malek-fchah étoit très étendu, & on faifoit la priere publique en fon nom depuis les frontieres de la Chine jufques dans Jérufalem, & depuis l'Iemen jufques bien avant dans le nord (d). Il laiffoit quatre enfants, (a) Le 24 de Ramadhan.

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(b) Le 3 de Schoual.

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(c) Il mourut un vendredi vers le milieu de Schoual, il étoit né l'an 447 de de l'Hegire & de J. C. 10s dans le mois Dgioumadi el-aoual. C'est lui que Haiton nomme Melecla. Dherbelot d'après des Historiens peu inftruits fait ce Prince contemporain du Khalif Radhi qui eft mort avant l'établiffement des Seljoucides.

(d) Dherbelot d'après le Tarik Khozideh dit que ce Prince qui vifitoit fouvent Les Etats fut pris dans un de fes voyages & conduit comme inconnu à 1 Empereur de Conftantinople,& qu'enfuite dans une bataille qui fe donna entre ces deux Princes l'Empereur Grec fut fait prifonnier Toute cette hiftoire que l'on peut voir fort en détail dans Dherbelot n'eft qu'une fable & une repetition de la défaite de Romain Diogenes fous Alparflan.

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