Imágenes de páginas
PDF
EPUB

prit tous les ornemens de l'Empire, & s'enferma dans une tour où il mit le feu. Une des Impératrices avoit propo- Trong-ko. sé de brûler le Palais ; mais la jeune Princesse lui représenta qu'il étoit nécessaire de le conserver pour le nouvel Empereur, parce que ce Prince, n'ayant point d'endroit pour loger, forceroit le peuple, qui étoit accablé depuis long-tems par toutes fortes de malheurs, d'en con

Après J. C.

struire un nouveau; il est difficile de donner de plus grandes marques d'attachement pour le bien public. Plusieurs Officiers préférerent la mort à la servitude.

Après que l'Empereur des Tcin fut entré dans Loyam avec les Kitans, il fit dépouiller l'ancien Empereur de fa dignité, & le reduisit au rang d'un simple particulier, quoiqu'il fût mort. D'autres Officiers du parti des Tam se refugierent dans les Royaumes voisins, & cette Dynastie qui avoit regné en qualité de Dynastie Impériale pendant quatorze ans sous quatre Empereurs, fut éteinte. Après sa destruction la Chine étoit encore partagée en plusieurs Empires qui subsistoient depuis la fin de la Dynastie des Tam. Dans le Kiang-nan & le Kiang-fi il y avoit un Royaume dont les Princes portoient le titre de Rois d'Ou. Ils furent détruits par les Rois de Nan - tam ou des Tam méridionaux qui s'emparerent du même pays. Dans le Tche-kiang étoit le Royaume d'Ou-youe; dans le Sse-tchuen celui de Heou-cho; dans le Hou-kouang celui de Tçou & de King-nan; dans la Province de Canton, le Royaume de Han; dans le Fokien celui de Min. Tout le nord des Provinces de Peking, de Chansi & de Chensi étoit exposé aux incursions des Tartares Kitans. C'est ainsi que ce vaste Empire étoit démembré, & il ne changea point de situation pendant le regne de la Dynastie des Tcin qui fuccéda à celle des Tam, & qui ne le posseda que pendant onze ans. Tous ces petits Royaumes étoient gouvernés par des Princes Chinois d'origine, & le titre Impérial étoit porté par des étrangers. Nous venons de le voir entre les mains des Turcs Cha-to, après eux il passe à des Barbares de l'occident auxquels il est enlevé de nous veau par les Cha-to.

Tome II.

M

Après J. C.

On sera supris qu'un Empire qui a toujours été agité par des secousses si violentes, & en même-tems continuellement exposé à l'invasion des étrangers, n'ait pas eu le même fort que tous les autres Empires. Ceux des Médes, des Perfes, des Grecs & des Romains ont été détruits, celui de la Chine a toujours subsisté. A quoi devons-nous en attribuer la cause ? Quelques reflexions sur l'établissement & la forme de ces Etats nous la font connoître. Nous ne pouvons pas nous étendre beaucoup fur les Empires des Medes & des Perses dont nous n'avons que des idées fort imparfaites. Nous sçavons en général qu'ils ont été formés par un Peuple peu considérable dans son origine. Plusieurs Nations voisines qui avoient des mœurs & des usages différens ont été obligées de se soumettre, & comme elles avoient chacune un génie particulier, souvent opposé, & qu'elles étoient jalouses d'être gouvernées par leurs propres Rois, elles ne restoient foumises que par la force, ainsi à la premiére revolution elles secouoient le joug. L'Empire d'Alexandre ne doit point être regardé du même oœil, ce n'est point proprement un Empire. Un Conquérant qui soumet rapidement un grand nombre de Provinces dont il n'a pas le tems de former un grand corps, est prévenu par la mort: ses Généraux qui font à la tête de ses armées victorieuses s'emparent des Provinces où ils commandent & en composent autant de Royaumes différens. Toutes les Républiques Grecques, qui n'aspiroient qu'après la liberté & qui avoient toujours été gouvernées par leurs propres loix, saisissent ce moment pour devenir libres, & le vaste Empire d'Alexandre étoit à peine formé qu'il fut détruit. Les Romains dans leur origine étoient renfermés dans une seule ville habitée par quelques barbares. Les villes voisines étoient policées & foumises à leurs Rois particuliers. Elles formoient autant de corps qui n'ont été subjugués que par la force. Les Peuples vaincus furpasserent bien-tôt en nombre la Nation victorieuse, ils furent contraints d'adopter les loix, les mœurs & la Religion des vainqueurs; l'amour de la République a fait faire de grandes actions,

mais si tous les Peuples de l'Italie s'étoient réunis, Rome ne seroit jamais devenue ce qu'elle a été. Plus elle éten- Après J.C. doit sa domination, plus elle accéleroit fa ruine. Quels ennemis n'eut-elle pas à combattre lorsqu'elle voulut faire des conquêtes au-delà des bornes de l'Italie? Carthage, République puissante par l'étendue de son commerce, sa force, ses richesses, & plutôt vaincue par ses divisions domestiques que par les armes des Romains; dans la Macédoine, la Grece & la Syrie, des Rois dont les sujets étoient plus policés que les Romains qui n'étoient que guerriers. Tous ces Peuples n'aspiroient qu'à recouvrer leur liberté & rentrer fous la domination de leurs anciens Rois : un peu de foiblesse dans Rome ranimoit leur courage abbattu & on reprenoit les armes pour se délivrer de l'esclavage sous lequel on gémissoit. L'Empire Romain devenu immense fut accablé sous son propre poids, parce que tous ces Peuples n'étoient pas guidés par un même efprit. Ils étoient en quelque forte comme autant de prisonniers renfermés dans un même lieu, & qui sont continuellement attentifs sur les actions de leur maître pour tromper sa vigilance & fortir des fers. Lorsque les Barbares du nord vinrent se jetter dans cet Empire, ils y trouverent des Peuples assujettis aux loix d'un premier vainqueur, & qui par conféquent n'avoient pas pour ces loix cet attachement que toute Nation doit avoir pour les siennes propres; ces Barbares n'eurent à combattre que des troupes Romaines que l'on avoit chargées de deffendre un pays qui n'étoit point leur Patrie. La conquête en fut plus aisée & les Peuples accoutumés fous un joug étranger se soumirent plus facilement à une nouvelle domination.

Voyons à présent quel a été l'Empire Chinois. Dans les premiers siècles du monde, après le Déluge, une troupe d'hommes se retire dans le nord de la Chine, s'y établit & apporte avec elle des loix & la sémence des arts & des sciences. Ces hommes ne font point animés par un esprit de conquête, l'union qu'ils s'efforcent d'entretenir parmi parmi eux, par des loix qui ne respirent que le bien public, en fait un Peuple pacifique & religieux; les premiers

/

ant

Après J. C. Monarques de la Chine, élus par la Nation, se regardent comme des peres obligés par devoir d'aimer, de nourrir & de protéger en tout leurs enfants, même au péril de la vie. Cet esprit se transmet de génération en génération dans les Rois, & fi quelques-uns s'en font écartés, ce n'a été que pour le faire reparoître avec plus d'éclat dans leurs successeurs. Les Chinois ont un attachement fingulier pour leurs anciens usages; ils font ennemis de toute innovation, même avantageufe. Nous les regardons comme petits à cet égard. Nos peres répondent-ils ont toujours subsisté avec ces défauts, nous subsisterons de même. Un changement peu considérable dans la Constitution de l'Empire, même pour un plus grand bien, peut devenir d'un exemple dangereux; une main plus hardie entreprendra davantage & tout fera ruiné. Nous avons vû dans ces derniers tems combien un toupet de cheveux que le Monarque Tartare vouloit faire couper, fit verser de sang. Plus de cent mille hommes périrent pour une coutume de si peu de conféquence. Que n'auroit-on pas eu à craindre si l'on eût voulu changer la constitution fondamentale de l'Empire. La Chine dans son origine ne s'étendoit pas au-delà du Kiang; les Peuples qui demeuroient au midi de ce grand fleuve étoient des fauvages comme nous en voyons encore dans plusieurs isles de l'Inde. Plusieurs Chinois font venus s'établir parmi eux, les ont rassemblés en société, & les ont animés de leur même esprit. Insensiblement tous ces sauvages sont devenus Chinois, & comme ils n'avoient point de loix auparavant, celles de la Chine leur font devenues propres ; tous ont pris le caractère de la Nation Chinoise, ils se sont identifiés avec elle, & n'ont plus formé qu'un grand corps. Autour de ce vaste Empire, il y a d'un côté des montagnes inaccessibles, de l'autre des déserts affreux dans lesquels on ne pouvoit faire des établissemens. La Nation s'est trouvée renfermée dans des bornes naturelles, & fortifiée jusqu'à un certain point contre les étrangers. D'ailleurs ces étrangers ont toujours été barbares: ainsi lorsque quelquefois ils ont été affez puissans pour pénétrer dans la Chine & s'emparer de cet Empire, l'attachement inviolable des Chinois à leurs anciens usages a forcé les vain- Après J. G. queurs d'adopter les loix des vaincus. L'Empire a changé de maître sans changer de loix. Lorsqu'un jour les Tartares qui le possedent à présent seront chaffés par une famille Chinoise, il n'y aura que le nom de Tartare d'aboli, le gouvernement fera toujours le même, & la Nation se retrouvera dans l'état où elle étoit il y a deux mille ans. Dans le tems où cet Empire a été divisé en différens Royaumes, comme ils avoient tous les mêmes loix, la Constitution générale n'a point été altérée. D'ailleurs les Chinois avoient toujours l'idée qu'ils ne devoient être gouvernés que par un seul Monarque; ils se sont attachés à détruire ces petites Dynasties pour ramener l'Empire à l'ancienne forme de gouvernement, & ils ont quelquefois mieux aimé le voir réuni sous un Monarque étranger qui auroit adopté leurs loix, que de le voir démembré par les naturels du pays. C'est ainsi que l'Empire Chinois s'est conservé, & que malgré de grandes revolutions il est toujours revenu à son premier état.

« AnteriorContinuar »