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tions, & après avoir laiffé une nombreuse garnifon dans la Apr. J. C. ville, il marcha contre les autres places dont les Francs. Zenghi. étoient maîtres dans les environs. Il prit d'abord Saroudge,

L'an 144.

enfuite il alla faire le fiége de Bira, château très-fort, qui étoit auffi, comme Saroudge, de la dépendance du Comte d'Edeffe. Il étoit près de fe rendre maître de cette place, lorfqu'il apprit la fâcheufe nouvelle que Nafir eddin Dgiacar fon Lieutenant dans Mouffoul venoit d'être tué.

Il y avoit dans Mouffoul un Prince de la famille des Aboulfedha Benelathir. Seljoucides, nommé Alp-arflan (a). Zenghi lui faifoit accroire que tous les pays dont il faifoit la conquête étoient pour lui, & fe contentoit de prendre vis-à-vis de ce Prince le titre d'Atabek, c'est-à-dire, pere du Prince, ou Gouverneur. Mais malgré cette foumiffion apparente, il ne lui laiffoit aucune autorité. Pendant fon abfence, Nafir eddin Dgia-car étoit refté dans Mouffoul, où il avoit foin du gouver-nement, & régloit fur-tout les dépenfes d'Alp-arflan. Quelques-uns confeillerent à celui-ci de fe défaire du Lieutenant, & de s'emparer de la ville, ce qui fut exécuté en partie. Dans le tems que Dgiacar étoit alle faluer à fon ordinaire Alp-arflan, il fut affaffiné par quelques gens qui avoient été apoftés; on lui coupa la tête, qu'Alp-arflan fit jetter au milieu des gens de fa fuite, efpérant les intimider & les diffiper, mais il en arriva le contraire. A la vûe de cette tête, ils fe rallierent, & entreprirent de forcer le palais d'Alp arflan. Tout le monde prit les armes, on s'affembla dans le palais de Zenghi; enfuite le Cadhy Tadgeddin yahia alla trouver Alp-arflan, lui exposa le danger qu'il couroit, & l'engagea à monter au château; ce Prince n'y fut pas plutôt entré, qu'il s'y trouva renfermé. Zenghi, inftruit de tout ce qui venoit de fe paffer, quitta le fiége de Bira, & prit la route de Mouffoul; mais il apprit en chemin que tout étoit appaifé. Il nomma un nouveau Gouverneur appellé Zeineddin. D'un autre côté, les Francs qui appréhendoient que Zenghi que Zenghi ne revînt auffi- tôt, livrerent la place à Houfameddin (b) timourtasch, Roi de Ma

(a) Fils du Sulthan Mahmoud, fils de Mohammed,

(b) Aboulfedha, Aboulfaradge & Benfchounah difent Nodgemeddin.

redin, qui venoit d'y envoyer quelques troupes. Zenghi fçachant que la paix étoit rétablie dans Mouffoul, Zenghi. Apr. J. C. continua de faire la guerre dans les différens pays de la Sy- L'an 1145. rie (a). Il envoya un corps de troupes pour affiéger le châ- Benelathir. teau de Phenek, fitué au Nord de Maredin, fur le bord du Aboulfedha Tigre, & qui appartenoit à Houfameddoulet, Emir des Kurdes Schenouïens. Ce fiége fut long. La place étoit trèsforte, & elle ne put être prife. Pendant que fon armée étoit devant Phenek, Zenghi alla en perfonne faire le fiége du château de Dgiaber (b). Cette place avoit été donnée par le Sulthan Malek fchah à l'Emir Salem; & Aly (c) defcendant de cet Emir, la poffédoit alors. Après que Zenghi eût refté pendant quelque tems devant ce château, il fit folliciter Aly par Haffan, Emir de Manbedge, de fe rendre; mais Aly s'obftina de réfifter; & quand Haffan lui demarda qui pourroit le défendre contre les grandes armées de Benelathir, ce Prince, Aly lui répondit: Celui qui vous a défendu Guillaume contre l'Emir Balak. Balak étant à faire autrefois le fiége de Tyr. de Manbedge, fut atteint d'une fleche, dont il mourut. Haf fan rendit compte à Zenghi de la fermeté d'Aly, mais il lui cacha la fin de fa réponse. Zenghi continua le fiége; & la prédiction de l'Emir Aly se vérifia bientôt. Une troupe d'efclaves fe jetterent fur Zenghi pendant la nuit, le tuerent (d), & fe fauverent enfuite dans le château. Ce fut la garnifon qui la premiere annonça la mort de Zenghi. Les Officiers de ce Prince entendant crier de deffus les murail les qu'il étoit mort, coururent à fa tente, où ils le trouve-rent qui rendoit les derniers foupirs.

Emadeddin zenghi eft regardé par les Orientaux comme

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Aboulfedha

Benelathir

Apr. J. C.
L'an 1145.
Zenghi.

fa

un des plus grands Princes de fon fiécle. Son courage,
prudence & fa fageffe le rendirent le plus puiffant. Son at-
tention finguliere pour tout ce qui regardoit fes foldats, foit
pour leur
l'entretien de leurs femmes & la
paye, foit pour
confervation de leurs biens & de leur honneur, le rendit
cher à la Milice, & par-là invincible. Il ne pardonnoit pas
les infultes que l'on faifoit aux femmes de fes foldats. Leurs
maris, difoit-il, abandonnent leurs maisons pour me fuivre dans
les combats, je dois veiller à la confervation de leurs familles.
Il fut toujours occupé à empêcher que le riche n'opprimât
le pauvre, que fes Emirs ne devinffent infolens, & ne s'em-
paraffent du bien d'autrui. Pour leur en donner l'exemple,
il aimoit mieux fouffrir lui-même, que de faire fouffrir un de
fes fujets. Il ne vouloit point que fes foldats euffent des ter-
res, parce que tant qu'il feroit maître du pays, ils devoient,
difoit-il, y trouver de quoi vivre, & que s'il en étoit chaffé,
ils feroient contraints d'abandonner ces biens. D'ailleurs il
regardoit ces poffeffions pour eux comme une occasion de
tourmenter les peuples. Tous les vendredis il faifoit diftri-
buer de grandes fommes aux pauvres. Il ne permettoit pas
qu'aucun de fes fujets paffât au fervice d'un Prince étranger;
il difoit à ce fujet, qu'il regardoit fes Etats comme un jar-
din environné de haies, & que celui qui en fortoit facilitoit
l'entrée à l'ennemi. Il fit réparer toutes les fortifications de
Moussoul, en ajouta de nouvelles, fit venir dans la contrée
d'Alep les Turkomans Aïouaniens, avec leur Emir Yaroc,
pour réfifter aux Francs. Il étendit confidérablement fes
Etats, ou plutôt il fe forma un Empire aux dépens des Or-
tokides, des Francs & des Rois de Damas ; & afin de trou-
ver par-tout de l'argent quand il vouloit entreprendre une
expédition, il avoit coutume de diftribuer fon tréfor dans
plufieurs villes. 11 faut avouer cependant que fouvent il n'a
montré de vertus, qu'autant qu'il les a cru favorables à l'am-
bition démésurée de fe former un Etat. La juftice qu'il pra-
tiquoit envers fes fujets, fa charité envers les pauvres, fon
attention pour le bien de fes troupes, n'avoient d'autre but
que de fe faire aimer du peuple, & il forçoit fon caractère.
La fourberie qu'il employa pour regagner les bonnes gra-

L'an 1145.

ces du Sulthan des Seljoucides, les traités qu'il n'observa pas en plufieurs occasions vis-à-vis de fes ennemis & de fes Apr. J. C. amis, nous font connoître que fon intérêt étoit la régle de Zenghi. fa conduite. Il étoit âgé d'environ foixante ans quand il mourut. On porta fon corps à Racca, où il fut inhumé. Il laiffa plufieurs enfans, Seifeddin ghazi, Noureddin mahmoud (a), Cothbeddin maudoud (b), & Nofrated din : le fecond avoit époufé la fille d'Anar, Régent du Royaume de Damas.

Aboulfedha

La mort de Zenghi occafionna de grands troubles dans fon camp. Rien n'étoit capable de maintenir les foldats dans le devoir, ni les Emirs dans l'obéissance. Le Vizir Dge- Noureddin maleddin, qui ne s'y crut pas en fûreté à caufe de l'inimi- Seifeddin. tié qui étoit entre lui & l'Emir Selah-eddin el yaghifchani, Benelathir. fe retira fecrettement chez un autre Emir, nommé El dgioundar. Mais ce qui caufa le plus de defordre, & pensa ruiner la famille des Atabeks, fut la préfence d'Alp-arflan, qui le jour même de la mort de Zenghi s'étoit rendu au camp. Toutes les troupes s'affembloient déja autour de ce Prince, & paroiffoient vouloir fe déclarer en fa faveur. Dgemaleddin ne crut pas devoir refter plus long-tems caché, & malgré tout le danger auquel il s'expofoit, il fit fçavoir à Selaheddin qu'il devoit oublier la haine qui étoit entre eux deux depuis long-tems, & fe réunir à lui pour conferver l'Empire aux enfans de Zenghi, qu'Alp-arflan vouloit leur enlever, & qu'il étoit encore tems d'arrêter les progrès que ce Prince faifoit parmi la Milice. Les deux Miniftres, uniquement occupés du bien de l'Etat, firent la paix entre eux. Dgemal eddin fe montra en public, alla trouver Alp-arflan, parut favorifer ses deffeins, & lui confeilla de fe rendre maî tre des pays de Zenghi. Selaheddin fit la même démarche, ils lui représenterent l'un & l'autre que Zenghi n'avoit été que fon Lieutenant : Alp-arflan des crut, leur fit connoître toute l'étendue de fes projets, & eut en eux une pleine confiance. Pendant qu'ils amufoient ainfi ce Prince, ils avoient dépêché un courier vers Zeïneddin aly, Gouverneur de Mouffoul, & lui avoient ordonné de faire fçavoir la mort

(a) C'eft celui que Guillaume de Tyr (b) Surnommé Aboul moulouk. nomme Noradin,

Apr. J. C.

de Zenghi à Seifeddin ghazi, l'aîné des enfans de ce PrinL'an 1145. ce, afin qu'il fe rendît au plutôt à Mouffoul. Seifeddin étoit Noureddin alors dans la ville de Scheherzour, que fon pere lui avoit Seifeddin. donnée en appanage. D'un autre côté, Noureddin mah

moud, autre fils de Zenghi, venoit de fe retirer à Alep avec le fceau de fon pere, & il s'étoit emparé de cette ville. Dgemaleddin confeilla à Alp-arflan d'y envoyer Selaheddin, pour y défendre fes intérêts, & conferver Alep dans la foumiffion. Alp-arflan donna dans le piége; & Selaheddin qui fe rendit par fes ordres à Alep, n'y fut occupé que du foin d'y établir Noureddin, & d'empêcher que les Francs ne vinffent prendre cette ville. Dgemaleddin qui étoit resté seul auprès d'Alp-arflan, le conduifit à Racca, où il lui procura toutes fortes de plaisirs, & fit venir un grand nombre de chanteuses, afin de l'éloigner des affaires. Alparflan qui fe croyoit déja paifible poffeffeur des Etats de Zenghi, étoit entierement plongé dans la débauche. Dgemaleddin follicitoit fecrettement les troupes, recevoit tous les jours le ferment de fidélité d'un grand nombre d'Emirs pour Seifeddin, & les envoyoit à Mouffoul. C'est ainsi qu'il employa tout le tems qu'il refta à Racca; il conduisit ensuite Alp-arflan à Maksin, & de-là à Sandgiar.

Auffi-tôt qu'il eût appris que Seifeddin étoit maître de Mouffoul, il fit paroître un homme qui offroit à Alp-arslan de lui livrer cette ville. Il faifit cette occafion pour enga ger ce Prince à s'y rendre au plutôt, l'assurant que Seïfed din viendroit au-devant de lui le reconnoître pour fon maître; qu'alors il feroit aisé de se faifir de fa perfonne. Alparflan quitta Sandgiar, & courut vers Mouffoul. Une partie de fon infanterie l'abandonna dans la route, & quand il eut' paffé le Tigre, Dgemaleddin le quitta, fe rendit promptement à Mouffoul, d'où il envoya l'Emir Azzeddin aboubekr pour l'arrêter. Cet Emir mena Alp-arflan à Mouffoul, où on le renferma. Par-là Seifeddin ghazi fut reconnu Roi de Mouf foul, il reçut du Sulthan Mafoud la robe d'honneur & l'inveftiture de ses Etats; Dgemaleddin (a) fut fait Grand-Vizir ;

(a) Il étoit appellé Aboudgiafar,

Zeïneddin

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