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ravant proche Hemeffe, avoit demandé des troupes à fon Apr. J. C. frere Cothbeddin, Roi de Mouffoul, à Phakhreddin cara L'an 1164. arflan, Roi du château de Khipha, à Nodgemeddin albi, Noureddin Roi de Maredin, & à plusieurs autres Princes des environs. din Cothbeddin lui envoya Zeïn eddin aly avec une armée, Nodgineddin fit de même, Phakhreddin vint en perfonne avec fes troupes. Elles marcherent toutes vers Harem dans la contrée d'Antioche. Noureddin battit cette place avec plufieurs machines. Tous les Francs fe raffemblerent pour venir au fecours, Boemond III. fils de Raimond, Prince d'Antioche, Raimond le jeune, Comte de Tripoli, Calaman (a) Gouverneur de Cilicie pour l'Empereur, Jofcelin que les Hiftoriens Orientaux appellent le plus brave des Francs; Hugues de Lufignan, Toros Roi d'Arménie, tous ces Princes accoururent avec leurs troupes. Cette armée étoit innombrable. A leur approche Noureddin leva le fiége de Harem, & fe retira vers Artah ou Artéfie, afin de faire croire aux Francs qu'il prenoit la fuite. Ceux-ci n'écoutant que leur courage, attaquerent l'aîle droite de Noureddin qui étoit formée des troupes d'Alep & de celles de Phakhreddin. Elle feignit de prendre la fuite, & dans le tems qu'ils étoient le plus occupés à la pourfuivre, le reste de l'armée fondit fur eux le fabre à la main, & en fit un affreux carnage. carnage. Les Francs fe battirent en défefpérés, dix mille des leurs furent tués fur le champ de bataille, le nombre des prifonniers fut plus grand. Parmi eux étoient Boemond, Raimond, CaIaman, Jofcelin, Hugues de Lufignan. Ils furent tous conduits à Alep. Après cette grande victoire, Noureddin revint devant Harem & s'en empara (b). On lui confeilloit de marcher de fuite vers Antioche, mais outre qu'il regardoit cette place comme très-difficile à prendre à caufe de fes fortifications, il craignoit encore que les Francs fe voyant affiégés, ne la remiffent à l'Empereur de Conftantinople, Manuel Commène, & il aimoit mieux avoir pour voifin Boemond, que ce Prince. Son armée fe répandit dans tous les

(a) Les Hiftoriens Orientaux le nomment Douc, ou Doucas. Il étoit Duc de Cilicie.

(b) Le 21 de Ramadhan de l'an 559. Guillaume de Tyr place mal-à-propos cet événement en 1165.

A a iij

Apr. J. C.
L'an 1164.

Benelathir.

environs jufqu'à Laodicée & Souaïda, après quoi il s'en re

tourna.

&

Noureddin Pendant que Noureddin rendoit fon nom immortel parCothbed- mi les Mufulmans, par les grandes victoires qu'il remportoit din. fur les Chrétiens; fon frere Cothbeddin régnoit paisiblement dans Mouffoul, par les confeils de Dgemaleddin Mohammed, fils d'Aly el Isphahani, qui avoit confervé aux enfans de Zenghi les Royaumes de Mouffoul & d'Alep. Cothbeddin lui avoit entiérement abandonné le gouvernement du Royaume; mais quelques Emirs jaloux de l'autorité de ce Miniftre, chercherent à le perdre dans l'efprit du Prince Dgemaleddin, fut arrêté & mis en prison (a), où il mourut regretté de tout le monde; il étoit un des plus grands hommes de fon fiécle. Il fut dabord enterré à Mouffoul l'année suivante transféré à la Mecque, & de-là à Médine, où il fut mis dans un lieu qu'il avoit fait bâtir proche le tombeau de Mahomet. Dans tout le chemin fon corps fut accompagné de Religieux & de gens qui lifoient l'Alcoran ; le peuple accouroit en foule pour faire des prieres fur fon cercueil. On regrettoit en lui un homme qui n'avoit été Occupé qu'à foulager les pauvres, & à rendre la justice; il avoit fait conftruire plufieurs Mofquées, une entr'autres fur le Mont Arafat. C'eft une montagne fituée dans le voisinage de la Mecque. Les Mufulmans croyent qu'Adam & Eve après avoir été chaffés du Paradis terreftre, & avoir été féparés l'un de l'autre pendant cent vingt ans, fe retrouverent fur cette montagne, & c'est le neuque pour cette raifon viéme jour du mois Dzoulhedgé ils y vont en pélerinage. Il fit conftruire un aquéduc qui conduifoit des eaux dans les baffins qui étoient dans la Mosquée, & fit environner de murailles la ville de Médine, expofée auparavant aux incurfions des Arabes. Il donnoit tous les jours aux pauvres qui étoient à la porte de fon palais cent piéces d'or, & même dans les grands befoins il vendoit fes habits pour les foulager. Il a fait bâtir un beau pont fur le Tigre dans la ville de Dgeziret ben omar. Les pierres étoient liées avec du

(a) Il y fut mis en 558, & mourut en 559,

fer, du plomb & de la chaux. On voyoit auffi dans Mouffoul, Sandgiar & Nefibin plusieurs beaux bâtimens qui avoient été Apr. J. C. élevés à fes dépens.

Noureddin
Cothbed-

L'an 1165.

Noureddin cependant continuoit toujours avec fuccès la din. guerre contre les Chrétiens. Après avoir pris Harem, il mar- Aboulmacha: (a) vers Paneas qui étoit fituée au pied du Mont Li- hafen, ban; c'eft le fiége de cette ville' qui obligea Amaury de Benelathir. lever celui de Pélufe; mais Amaury malgré toute fa diligence, ne put venir affez promptement, & Paneas qui avoit appartenu aux Francs depuis l'an 1148, tomba fous le pouvoir de Noureddin. Amaury ne s'occupa plus qu'à réparer les pertes des Francs. Il fe tranfporta au plûtôt à Antioche, par fes foins & des fommes considérables, il obtint de Noureddin la liberté du Prince Boemond. Les Francs furent étonnés de le revoir; ils fçavoient que Noureddin outre l'intérêt qu'il avoit de garder ces prifonniers, fe glorifioit encore d'en avoir un grand nombre dans fes fers. On prétend qu'il craignoit que l'Empereur de Conftantinople ne le lui redemandât, & qu'il ne fût obligé de le rendre fans rançon; d'autres, que comme ce Prince étoit jeune, il appréhendoit qu'on n'en mît un autre dans Antioche beaucoup plus expérimenté dans la guerre, & capable de lui donner de l'occupation de ce côté.

En même-tems Schirkouh ne reftoit point oifif dans la L'an 1166. Syrie, Noureddin qui lui avoit confié le commandement d'une armée, l'envoya (b) fur les terres des Francs où il alla affiéger un château très-fortifié, fitué dans le territoire de Seid, c'eft ce que les Arabes appellent Mounaidhera (c). On Aboulfedha prétend qu'elle fut prife par la trahifon des foldats, qui paf- Benelathir. ferent auffi-tôt chez les Turcs, pendant que le Gouverneur Guillaume fe retira à Seïd. Schirkouh s'empara encore d'une autre fortereffe c'étoit une espéce de caverne qui paffoit pour imprenable, elle étoit fituée au-delà du Jourdain fur les frontieres de l'Arabie. Les Chevaliers du Temple en avoient la garde. Amaury qui venoit au fecours fut fi irrité de ce qu'ils avoient livré la place, qu'il en fit pendre douze.

(a) L'an 560 de l'Hegire. (b) L'an 561 de l'Hegire.

(c) Nos Hiftoriens le nomment Cavea de Tyrum.

de Tyr.

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L'an 1166.

Ces conquêtes ne faifoient point perdre à Schirkouh les Apr. J. C. vûes qu'il avoit fur l'Egypte. Dans la premiere expédition Noureddin qu'il y avoit faite, il avoit examiné par lui-même la fituation Cothbed- & les forces de ce pays, & depuis ce tems il s'entrenoit tou

din,

jours avec Noureddin fur la maniere dont il pourroit en faire la conquête. Guillaume de Tyr rapporte que Schirkouh se transporta à Bagdad auprès du Khalif, & lui représenta les grands avantages qui réfulteroient fi on pouvoit enlever ce pays aux Phathimites, & que le Khalif qui avoit approuvé ce deffein, avoit raffemblé des troupes de toutes parts. Lorfque ce projet eut été rendu public, Schaour Grand Vizir Bohaeddin. l'Egypte commença de craindre que les Turcs ne fe Aboulfedha rendiffent maîtres de ce pays; & convaincu que c'étoit le Benelathir. deffein de Schirkouh, il réfolut de faire les derniers efforts

de

pour en empêcher l'exécution. D'un autre côté, les Francs qui appréhendoient également que ce pays ne tombât sous la domination de Noureddin, s'affemblerent à Napoulous; comme ils avoient également envie de s'emparer de l'Egypte, ils arrêterent dans cette affemblée qu'on iroit au-devant de Schirkouh, & que tout le monde, fans exception, payeroit le dixiéme de tout fon bien, ce qui fut exécuté ; Schirkouh étoit déja parti (a) de la Syrie & s'avançoit vers l'EgyL'an 1167. pte. Le Roi de Jérufalem marcha (6) en diligence jufqu'à Cadès-barné dans le Défert, mais ne l'ayant pas rencontré de ce côté, il prit la route de Gaza qui étoit alors la derniere place que les Francs poffédoient de ce côté, il vint enfuite à Laris, ancienne ville fituée dans le Défert, & enfin à Belbeis ou Pélufe.

Schaour redoutoit, pour ainfi dire, également l'approche des Francs comme celle de Schirkouh, & ce n'étoit pas fans raison; il ne commença d'être affuré à leur égard, que quand il fut informé que Schirkouh étoit campé dans un lieu appellé Attafi. Alors il loua le zele des Francs pour leurs alliés, & les conduifit au Caire. Cette ville qui étoit la capitale de l'Egypte, avoit à fa gauche l'ancienne Babylone appellée Mefr, avec laquelle elle ne formoit qu'une

(a) Le 12 de Rabi elaoual de l'an (b) Le 3 des kalendes de Février.

5629

feule

Apr. J. C.

Cothbed

feule ville. Les Francs (a), après s'être campés fur le bord du Nil, à deux milles de cette ville, marcherent contre L'an 1167. Schirkouh, qui n'étoit éloigné de leur camp que d'environ Noureddin dix milles; mais il s'étoit déja retiré, & il avoit passé le din. fleuve. Ils apprirent de ceux qui reftoient, & qu'ils firent prifonniers, qu'il avoit perdu beaucoup de monde dans fa route. Il s'étoit engagé dans le defert que l'on rencontre après la Syrie Sobal. Là il avoit été expofé à de grands tourbillons de vent, qui avoient foulevé tout le fable, & en avoient formé des nuages fi épais, que les foldats ne pouvoient fe garantir la bouche ni les yeux. Ils étoient encore plus incommodés de l'impétuofité du vent; ils avoient été obligés de defcendre de cheval, de se jetter à terre, & de s'y attacher le plus fortement qu'ils pouvoient, afin de n'être point enlevés par le tourbillon, pour être enfuite précipités. Dans ce défert les fables reffemblent à des mers qu'un vent violent agite: ces vagues d'un fable très-délié ne font pas moins dangereufes que celles de la mer. Schirkouh avoit perdu dans une tempête de cette efpece la plupart de fes chameaux qui portoient fes vivres, & ce n'eft qu'après une perte confidérable qu'il put gagner l'Egypte. Dans cet état il n'avoit point affez de forces pour réfifter à l'armée des Francs, & c'est ce qui lui avoit fait prendre le parti de paffer de l'autre côté du Nil.

Schaour voyant l'ennemi fi près de fa capitale, voulut s'attacher plus étroitement les Francs, en renouvellant avec eux les anciens traités, & en augmentant le tribut qu'il leur payoit tous les ans. On envoya de part & d'autre des Plénipotentiaires. Ceux du Khalif vinrent trouver Amaury, lui payerent fur le champ deux cens mille piéces d'or, & prirent un tems limité pour en payer deux cens mille autres, à condition que le Roi de Jérufalem ne fortiroit point de l'Egypte, qu'il n'en eût chaffé auparavant le Général de Noureddin. Amaury envoya vers le Khalif Hugues de Céfarée, dont il connoiffoit la fageffe & la prudence. Les Francs avoient exigé que le Khalif ratifiât ce traité. Hu

(a) Aboulmahafen donne pour Chefs aux Francs Amaury & Nirzan.

Tom. II. Part. II.

Bb

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